Notre dernier numéro

juillet-septembre 2024

Esclavage : une mémoire à vif

L’histoire de l’esclavage a façonné le monde moderne et continue de l’influencer. En témoigne le racisme omniprésent, parfois systémique, qui persiste, en particulier à l’encontre des descendants d’Africains. Il trouve son origine dans différents facteurs historiques qui ont servi à justifier une prétendue « infériorité » des Africains, y compris pendant le siècle des Lumières. 

La traite des esclaves, qui a établi la domination économique des puissances coloniales, a aussi bouleversé les structures sociétales en Afrique. Cela est encore visible aujourd’hui, notamment à travers la faible diversification de l’économie du continent. Ce phénomène, lié à la multiplication des économies coloniales fondées sur l'esclavage au cours des siècles passés, entrave les initiatives en faveur d’un développement pacifique. Nous devons comprendre et prendre en compte le poids de cet héritage si nous voulons construire un monde plus inclusif. 

L’histoire de l’esclavage est aussi marquée par la résistance et la création. Par leur résistance, les personnes mises en esclavage ont affirmé l’universalité des droits humains. Elles ont, envers et contre tout, développé un patrimoine artistique et des connaissances agricoles et technologiques, de la culture du riz à la maîtrise du fer, qui témoignent d’une capacité de résilience hors du commun.

L’histoire et l’impact de l’esclavage, dont ce numéro du Courrier présente certains aspects saillants, sont analysés par le programme de l’UNESCO Les Routes des personnes mises en esclavage (dénommé La Route de l’esclave jusqu’en 2022), depuis sa création en 1994 à l’initiative du Bénin et d’Haïti. Le plaidoyer de l’UNESCO a conduit à la reconnaissance par les Nations Unies de la traite transatlantique et de l’esclavage comme un crime contre l’humanité en 2001. L’instauration par l’UNESCO d’une Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition (23  août) rend également hommage aux personnes réduites en esclavage et à leur héritage.

Ce programme a permis de valoriser cet héritage, de poser la question des traumatismes et de la mémoire, dans la mise en œuvre de politiques d’inclusion. Grâce au réseau UNESCO des Lieux d’histoire et de mémoire liés à la traite, il encourage également la recherche et le développement de l’écotourisme à travers la coopération des villes porteuses de cette histoire.

Alors que nous célébrons en 2024 le trentième anniversaire du programme Les Routes des personnes mises en esclavage, nous devons nous mobiliser pour mieux faire connaître cette histoire, en mesurer le poids et les répercussions dans les représentations et dans la réalité d’aujourd’hui, pour construire des sociétés plus inclusives, plus justes et plus respectueuses des droits. 

Gabriela Ramos
Sous-Directrice générale de l’UNESCO pour les sciences sociales et humaines 

Sylvie Serprix