Le cas AB Pierre : le poids des mots
Les mots sont devenus de plus en plus lourds. Entendu ce matin : prédateur sexuel… délinquant sexuel… criminel… tout cela, l’Abbé Pierre ?
Et, de manière presque mécanique, les médias parlent sans sourciller d’omerta au sein de l’institution religieuse. Omerta, les mots ont une origine, et comparer les gênes et hypocrisies à la pratique maffieuse pourrait sembler plutôt inapproprié. Mais y prête-t-on attention ?
Tout ceci à mettre en regard des faits, ceux au moins qui sont documentés, et de leur gravité. Une chose incontestable : ils furent répétitifs, sur une longue période. A partir de là, comment trouver la bonne qualification ? C'est un terme de justice, la qualification. Mais c'est crucial.
Malheureusement les médias ne sont souvent pas sensibles au sens précis et subtil des mots, à ce qu’ils charrient, ou ne le font que sur forte pression de l’opinion. Celle-ci en général demande du spectaculaire et de l’expressif, et la loi commerciale pousse les médias à y céder très généralement. Leurs invités d’ailleurs ne sont pas plus attentifs à cette exigence de parler juste, avec mesure, en choisissant leurs mots ; il ne faut pas attendre des journalistes qui les interrogent qu’ils modèrent ou contredisent, appellent à la retenue. Ils diront que ce n’est pas leur travail. Voire…
A-t-on lâché les chiens contre l’Abbé, est-ce pour autant la curée ? Comme toujours, quand on tente une petite revue de presse sur un sujet, on voit que les réactions des médias sont beaucoup plus diverses qu’on ne l’imagine, qu’ils s’efforcent - l’un ou l’autre - de traiter au moins les « angles » qui s’imposent : que savait-on précédemment ? comment équilibrer les réactions et points de vue ? Que dit exactement le rapport sur les agressions, et ce rapport, ses auteurs, que peut-on en dire ? Et comment apprécier l’attitude de la Fondation Emmaus ?
Quand une statue semble à déboulonner, on dira que les médias « se déchainent ». Soyons plus justes : en vérité, ils martèlent, glosent, amplifient. Et leur réaction est à la mesure de l’épisode précédent, qui fut hagiographique. Comme en témoigne cet article du Monde, qui en dit long sur la fabrique médiatique des héros de notre temps.
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