Chère adhérente, cher adhérent,
Depuis plusieurs années, l’Académie des Molières a choisi d’occulter lors de sa cérémonie une grande partie des artistes qui contribue à la création des spectacles. Les justifications avancées (audience, contraintes de format d’émission…) sont loin d’être convaincantes. S’il faut se féliciter que le théâtre ait, une fois par an, un espace d’expression à la télévision, ne soyons pas naïfs, cette soumission aux diktats de l’audimat témoigne de la place réduite du théâtre dans l’espace public. Dans ces conditions, que faire ? Accepter docilement cette cruelle fatalité ? Quels recours avons-nous réellement ? Comment renouveler l’intérêt du public et relancer la conquête de nouveaux spectateurs ?
A l’heure où les coupes budgétaires se succèdent quasi quotidiennement dans la Culture, cette invisibilisation des collaboratrices et collaborateurs artistiques achève de convaincre l’ensemble de la société que ces coupes franches dans le financement du Spectacle Vivant ne sont pas si graves. Que l’on peut aisément faire l’impasse sur ces artistes de l’ombre. Qu’ils ne sont pas essentiels puisqu’on peut les supprimer en toute impunité. Pourtant que serait un spectacle sans ces artistes ?
On ne le dira jamais assez : le théâtre est avant tout un art collectif où l’apport de chaque personne contribue à la richesse du spectacle dans son ensemble. Scénographes, costumières-costumiers, éclairagistes, compositrices-compositeurs... ce sont ces artistes qui par leur talent donnent corps à la vision de la metteuse ou du metteur en scène. En ignorant un pan entier du processus créatif, la cérémonie des Molières appauvrit la représentation de notre art et de nos métiers et par conséquent, avilit le théâtre en donnant au public une image extrêmement simpliste de ce qu’est la création d’une œuvre spectaculaire.
Dans la crise que nous traversons, nous avons la responsabilité en tant que metteuses et metteurs en scène de lutter contre tout ce qui fragilise l’ensemble de la chaine de production artistique, et de défendre en premier lieu tous les métiers de la création. Mettons fin à cette injustice en rendant à nouveau hommage à ces artistes qui, par leur talent et leur dévouement, contribuent à la richesse et à la diversité du paysage théâtral français. Redonnons-leurs la place qu'ils méritent car leur contribution est indispensable à l'art vivant. Exigeons de l’Académie des Molières qu’elle réhabilite nos collaboratrices et collaborateurs artistiques. N’acceptons d’y participer que s’ils retrouvent leur place légitime. Car ce n'est qu'en reconnaissant le travail de tous les artistes, visibles et invisibles, en valorisant chaque contribution, en célébrant cette richesse et cette diversité que nous pourrons véritablement réinsuffler au théâtre sa vitalité et redonner au public une appétence pour cet art essentiel à notre communauté humaine.