Comment répondre à la quête de sens de nos jeunes dès leurs études ?
Auteur : Lucie Espiard
Les études se succèdent et disent toutes la même chose : la jeunesse est en recherche de sens et d’engagement aujourd’hui. Je sais que c’est un sujet qui te tient particulièrement à cœur. Peux-tu m’en dire plus ?
Anne Balas-Klein : "La quête de sens est aujourd’hui indissociable des attentes académiques des étudiants : le développement de compétences qui amène à exercer un métier intéressant et à trouver du travail, n’est plus suffisant. Nos élèves souhaitent vivre des expériences, s’épanouir et être heureux. Nous les poussons à s’entraider, favorisons le sens du collectif et le partage. Nous sommes convaincus qu’en les impliquant dans les décisions, et en reconnaissant leur engagement, ils appréhenderont plus sereinement leur avenir.
"La sensibilisation est derrière nous ; nous avons le devoir de former les acteurs créatifs de demain"
Concrètement, comment cela se traduisait-il dans tes précédentes fonctions de directrice d’école de mode ?
A.B.-K. : Tout d’abord, LISAA mode est l’une des rares écoles de mode parisiennes à proposer une formation dédiée à l’écoresponsabilité : 42 étudiantes et étudiants suivent cette année ce master ( LISAA - L'Institut Supérieur des Arts Appliqués ). Il y a également plusieurs projets solidaires mis en place avec tous nos étudiants, et cela, tout au long de leur parcours. Je pense par exemple aux actions avec les associations caritatives sur l’upcycling et le recyclage. Trois années de suite, la création de sacs uniques par nos étudiants, à partir de vêtements donnés au Secours populaire français , avait par exemple permis de collecter plus de 6 000 euros, soit 200 jours de vacances financés pour les enfants bénéficiaires de l’association !
Parfait exemple en effet des enjeux autour d’une mode qui se doit d’être plus éthique et durable pour répondre aux enjeux écologiques. Mais on reproche aujourd’hui également à la mode de ne toujours pas être assez inclusive, non ?
A.B.-K. : L’inclusivité en mode est un sujet plus qu’important. Il faut former nos étudiants à ces sujets pour qu’ils agissent sur la mode de demain. Et de toute façon, ils nous le réclament. C’est pourquoi, nos étudiants ont réalisé en octobre dernier, un incroyable défilé de mode intergénérationnel au sein de l’Hôtel de Ville de Paris. En partenariat avec Petits Frères des Pauvres , l’objectif était de changer le regard sur la vieillesse, grâce à des looks à messages, et de montrer que la beauté est partout. C’est là où la mode prend tout son sens : quand elle fait réfléchir !
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Et pédagogiquement, j’imagine que c’est aussi challengeant ?
A.B.-K. : En effet. Si je continue sur ce projet de défilé intergénérationnel avec Petits Frères des pauvres, c’était très intéressant pour nos étudiants, parce qu’il y avait des contraintes nouvelles : outre les corps moins « normés », un déambulateur, une canne, un respirateur, étaient des éléments à prendre en compte dans le processus de création. Il y a eu aussi ce partenariat avec la marque de sneakers ASH, pour concevoir des baskets pour les personnes à mobilité réduite, où créativité poussée et contraintes techniques se mêlaient.
"La quête de sens est aujourd’hui indissociable des attentes académiques des étudiants"
C’est passionnant ! Et d’ailleurs, quels sont les retours de nos élèves ?
A.B.-K. : Les retours sont positifs, que ce soit du point de vue des apprentissages, que des émotions vécues. On voit que nos étudiants sont touchés par ces projets caritatifs. Et pas que : nos professeurs également. Tous sont ultra-investis et sensibles à ces moments d’échanges et de partages. Par contre, même si nous sommes toujours très impliqués dans toutes nos différentes collaborations, nous restons pointilleux et vigilants vis-à-vis des attentes de nos partenaires, car nos étudiants sont en formation. Ce ne sont pas des salariés. La pédagogie est donc notre priorité, et chaque projet est mûrement réfléchi par les équipes pédagogiques, afin que cela s’inscrive dans une logique de montée en compétences.
Aujourd’hui, avec tes nouvelles fonctions, comment souhaites-tu impulser, diffuser et valoriser cette vision auprès de l’ensemble de nos écoles des arts et de la création ?
A.B.-K. : Il y a de nombreuses initiatives #RSE dans toutes nos écoles, et pas seulement autour des collaborations pédagogiques avec les entreprises. Nous faisons actuellement travailler les directeurs sur la rédaction d’un plan de transition écologique des écoles Arts et Création ; cela nous parait incontournable. Déjà, nous répertorions et partageons les bonnes pratiques, à l’instar de celle menée par LISAA graphisme avec le collectif co , qui forme toutes les sections à éco-concevoir leur projet de fin d’étude. Nous réfléchissons ensemble à développer une vision systémique et inspirante, pour imaginer et mettre en œuvre des solutions concrètes au cœur de nos écoles. La sensibilisation est derrière nous ; nous avons le devoir de former les acteurs créatifs de demain, dans un cadre qui réponde à ces enjeux.
Pour aller plus loin :
Directrice pédagogique à LISAA Mode Paris / Galileo Global Education
1 ans💫