Concilier emploi et AMP : des freins, quelles solutions ?

En novembre 2023, le Collectif BAMP!, association de patients et d’ex-patients de l’Assistance Médicale à la Procréation, reconnue d’intérêt général et agréée par le Ministère de la Santé et de la Prévention, organisait la 9ème Semaine de Sensibilisation à l’Infertilité, en même temps que la Semaine Européenne de l’(In)fertilité initiée par Fertility Europe[1]. 

Un temps fort qui a permis de souligner, à toutes les échelles, l’importance et l’urgence de l’action collective sur un enjeu de santé publique majeur.

Aujourd’hui, la fertilité est en baisse croissante en Europe. Une question se pose : comment mieux accompagner les hommes et les femmes dans leur parcours pour la fertilité afin d’y remédier ?

Chez Organon, cela nous a notamment amené à réfléchir à la conciliation de l'emploi et de l'AMP, un des défis prédominant d’un parcours déjà complexe. En effet, bien que le code du travail prévoie des autorisations d’absences liées à l'AMP[2], en pratique, peu de couples en bénéficient en raison du tabou qui persiste en entreprise.

Pour faire un état des lieux des problématiques liées à l'infertilité et au travail des femmes, nous avons interviewé Nathalie Massin, Endocrinologue de la Reproduction, qui contribue régulièrement au débat public sur l’AMP, notamment en mars 2023 aux travaux du Sénat sur la thématique « Santé des femmes au travail », présidés par Mme Annick Billon.

En quoi le parcours AMP peut-il être altéré par la vie professionnelle des femmes ?

L’infertilité concerne désormais 1 personne sur 6 selon l’OMS[3] et progresse avec le retard de l’âge à la maternité[4], principalement d’origine sociale et économique. La qualité du sperme se dégrade notamment depuis plusieurs années[5]. Ainsi, l’infertilité est spécifiquement masculine dans 1/3 des cas[6], mais ce sont les femmes qui portent en première ligne la charge du parcours en AMP, jusque dans leur vie professionnelle.

Je note aujourd’hui 3 défis : d’une part, l’exposition aux toxiques professionnels (perturbateurs endocriniens, radiations ionisantes, pollution, …) ; d’autre part, souvent moins clairement identifiés par la médecine du travail, l’exposition à des rythmes de travail complexes, impactant directement ou indirectement la qualité de vie (sommeil et alimentation) et responsable de perturbations hormonales (mélatonine, leptine). Celles-ci peuvent entrainer des troubles de l’ovulation et des pertes de chances en AMP – par exemple, une baisse du taux de naissance en cas de perturbation du sommeil[7]. Enfin, les contraintes liées aux traitements du parcours, impactant le travail des femmes et vice et versa.

A contrario, quels freins du parcours AMP peuvent impacter la vie professionnelle des femmes ?

Ni les politiques ni les employeurs n’ont réellement conscience de ce que représente un parcours en AMP. Pourtant, « le contexte est essentiel lorsqu’il s’agit de comprendre la relation entre le travail et la santé »[8]

Côté face, les données montrent que l'AMP altère la qualité de vie en général, les relations de couples ou sociales, ET la qualité du travail. La durée du parcours est un des premiers freins à l’accès aux traitements : un parcours de couple infertile dure en moyenne plus de 7 ans en France[9], dont plus de 2 ans en traitement d’AMP pour aboutir à une conception[10].  

Côté pile, les contraintes liées à l'AMP impactent la productivité au travail des femmes, en particulier en raison du nombre d'absences répétées et parfois prolongées lorsque le centre d'AMP est difficilement accessible. 1/3 des femmes ont un centre d’AMP situé à plus d’1h de leur domicile ou de leur lieu de travail, et 12% à plus de 2h (sur un échantillon de 838 femmes dont 776 en activité), laissant peu de contrôle sur la vie professionnelle.[11]

À cela s’ajoute de vrais coûts pour la femme et le couple : le coût financier (coûts au-delà de la prise en charge à 100% par la CPAM) et le coût émotionnel, entraînant souvent l'abandon du projet de conception.

Quelles solutions pourraient être envisagées selon vous ? Je vois 3 pistes de solutions qui peuvent être étudiées :

1. Les absences autorisées pour traitement d'AMP, bien que prévues par la Loi2, ne sont pas systématiquement utilisées nécessitant de déclarer le motif à l'employeur, ce qui peut être intrusif et stigmatisant. De plus, lorsque la prise en charge dure, l'échec devient public, ce qui est difficile pour la femme. Adapter la Loi en changeant le motif "infertilité" par une déclaration d'absence dans le cadre d'une pathologie à 100% faciliterait l'accès au télétravail, supprimerait le délai de carence, autoriserait le même nombre d'absences pour le conjoint et permettrait d’envisager des absences programmées prolongées sans retentissement sur la carrière.

 

2. Encourager la prévention, notamment via la médecine du travail. Il est essentiel de former à la physiologie de la reproduction et à l'exposition aux toxiques et aux rythmes de travail. Certains emplois nécessitent un aménagement du poste ou de l'environnement de travail lors de la période péri-conceptionnelle, ce qui ne devrait pas être stigmatisant. L'information précoce permettrait de ne pas retarder une prise en charge en AMP quand elle est nécessaire.

3. Encourager les professionnels de l'AMP à s'adapter à la vie professionnelle des femmes. La CPAM pourrait jouer un rôle en incitant les médecins à proposer des organisations limitant les déplacements des femmes, comme le regroupement de rendez-vous ou la téléconsultation, grâce à une cotation revalorisée des actes groupés. Cela faciliterait la programmation en amont des traitements lorsque cela est possible.

Le chemin de l’infertilité est pavé de défis, tant émotionnels que physiques. Chez Organon, nous sommes conscients de leurs difficultés, et du rôle majeur que jouent les proches et les équipes soignantes. C’est pourquoi nous sommes convaincus qu’en travaillant ensemble nous arriverons à améliorer ces parcours et lever les tabous qui peuvent impacter la vie professionnelle.

Nous nous engageons durablement pour la fertilité en innovant, en nouant des partenariats forts mais aussi en promouvant l’équité des soins, en améliorant l’accès à nos traitements et en renforçant la sensibilisation et l’éducation autour de ces parcours. 

On avance pour la santé des femmes ! 

[1]Semaine de Sensibilisation sur l’Infertilité 2023 ; Collectif Bamp (consulté le 04/01/2024)

[2] Legifrance.gouv.fr, Legi Article L1225-16 (consulté le 04/01/2024)

[3] Selon l'OMS, dans le monde, une personne sur six est touchée par l’infertilité ; Who.int (consulté le 04/01/2024)

[4] Baisse de la fertilité et de la fécondité : pourquoi ? ; Ameli.fr (consulté le 04/01/2024)

[5] Temporal trends in sperm count: a systematic review and meta-regression analysis of samples collected globally in the 20th and 21st centuries ; Levine et. Al 2023 ; pubmed.ncbi.nlm.nih.gov (consulté le 04/01/2024)

[6] Comprendre l'infertilité ; Ameli.fr (consulté le 04/01/2024)

[7] The impact of sleep on in vitro fertilization embryo transfer outcomes: a prospective study - Z. Liu et. Al, 2022 ; pubmed.ncbi.nlm.nih.gov (consulté le 04/01/2024)

[8] « The future of work and health » ; Editorial Lancet (consulté le 04/01/2024)

[9] Santé des femmes au travail : des maux invisibles ; Sénat.fr (consulté le 04/01/2024)

[10] Barriers and factors associated with significant delays to initial consultation and treatment for infertile patients and partners of infertile patients – Domar et. Al, 2021 ; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/ (consulté le 04/01/2024)

[11] Enquête auprès des Femmes en parcours PMA (ou l’ayant été) – 2022 – Collectif BAMP! x Ipsos (consulté le 04/01/2024)