De l'Estonie à Vienne

Voyage musical

 Je pourrais comparer ma musique à une lumière blanche dans laquelle sont contenues toutes les couleurs. Seul un prisme peut dissocier ces couleurs et les rendre visibles ; ce prisme pourrait être l’esprit de l’auditeur. Arvo Pärt.

Pour naviguer dans l’immensité des mers et rivières de la musique, laissez-moi vous proposer des promenades éclectiques et originales, en première classe musicale il va de soi.

Comme la mer varie, les goûts et les envies changent au gré des fantaisies et du moment. Toujours en mouvement, modifiant son allure et ses couleurs, la musique est vivante. Elle vous donnera je l’espère, envie d’aller l’entendre aussi en concert.

Une heure de musique par jour. Des listes qui me plaisent, mais pas des playlists. Une évasion vers le bonheur, quelques heures par semaine, à consommer de préférence entre les repas.

Partons ensemble à la pêche dans l’aquarium mémoriel musical, avec les compositeurs, artistes et œuvres que j’aime entendre, sans modération – la musique ne fait pas grossir – et avec humour bien sûr.

Vous pouvez trouver des enregistrements des œuvres signalées assez facilement sur internet, et bien entendu sur les sites officiels de streaming. Pour les anciens CD, c’est parfois plus délicat. Enfin j’espère votre indulgence pour les imprécisions, omissions et erreurs que vous pourriez trouver dans ces lignes.

En route pour la première traversée.

  Voyage musical 1 – de l’Estonie à Vienne

Je pourrais comparer ma musique à une lumière blanche dans laquelle sont contenues toutes les couleurs. Seul un prisme peut dissocier ces couleurs et les rendre visibles ; ce prisme pourrait être l’esprit de l’auditeur. Arvo Pärt.

 Le lac de Peipous.

Aux cris des mouettes, partir très doucement sans faire de vagues ni troubler l’eau, sur l’immense lac de Peipous, l’un des 1400 lacs estoniens, avec Alina et Spiegel im Spiegel d’Arvo Pärt. Ecoutons-en les alternatives instrumentales et variantes interprétatives. La musique d’Arvo Pärt « tintinnabule » comme dit Hermann Conen. Elle me fait aussi penser au livre Puissance de la douceur d’Anne Dufourmantelle*, au courage de laquelle il faut rendre hommage.

Ce serait dommage de ne pas profiter de l’intégralité des infimes variations de ces deux partitions. Mais je comprends qu’on soit pressé, pourtant, la musique adoucit les mœurs dit-on.

Prenant le parti des personnes pressées, le lac de Peipous est justement aussi celui de la bataille sur la glace où Alexandre Nevski a battu les chevaliers teutoniques en 1242 (merci Wikipedia). Alexandre Nevski quelle superbe cantate de Serge Prokoviev ! par l’orchestre National d’URSS dirigé par Evgueni Svetlanov. Magnifique le chant des morts par la mezzo Larissa Avdeeva. (Yulianna Avdeeva, excellente pianiste, est-elle sa petite fille ?)

"J'irai à travers le champ blanc de neige / Je volerai à travers le champ de la mort, / Je rechercherai les glorieux faucons, / Mes prétendants, les jeunes preux. / L'un repose ici haché par les épées, / L'autre gît percé de flèches. / Ils ont donné à boire leur sang pourpre / A l'honorable terre russe. / Celui qui mourut noblement pour la Russie, / Je l'embrasserai sur ses yeux clos, / Et pour ce vaillant jeune homme qui resta en vie, / Je serai une épouse fidèle, une tendre compagne. / Je ne prendrai pas pour mari un homme beau – / La beauté terrestre a une fin, / Et je vais à la recherche d'un brave – / Répondez, purs faucons."

Puisque nous partons pour Vienne, avant de nous laisser au port de Narva, le capitaine nous offre une valse de Johann Strauss Images de la Mer du Nord. Oui évidemment nous avons dû abandonner le bateau, à l’embouchure de la Narva. Un rayon de lune, une bonne fée musicale ou un orage magnétique solaire nous aura propulsés à Vienne, … à l’insu de notre plein gré.

Forcément il y aura des quatuors à cordes au cours de nos voyages ! Mozart pour commencer et se réjouir les oreilles avec le quatuor Akilone dans le 14e quatuor KV387. Délicieux ce Mozart là, jeu raffiné des archets, sans effets rajoutés, on se doute que toutes les phrases musicales ont été méticuleusement approfondies. Un CD merveilleux. Ne manquez pas les commentaires personnels et engagés des quatre musiciennes à propos des oeuvres. « Il faut oser l’audace ». Elles réussissent à 100%. Bravissimo.

Hop hop hop ! Poursuivons le Cavalier de Joseph Haydn op.74 n°3 par le quatuor Modigliani. Ah quel bel Haydn et quel beau quatuor messieurs !

Nous voilà réveillés et en forme ! alors je vous propose encore plus fort. Sautons sur la 9e symphonie d’Anton Bruckner – ceux qui sont trop pressés se contenteront du scherzo, mais c’est dommage – car Günter Wand à la tête des Berliner Philarmoniker c’est superbe, ou Mariss Jansons avec le Concertgebouw d’Amsterdam, plus incisif ? qu’en pensez-vous ? eh oui dans le scherzo ça dépote n’est-ce pas ? des cuivres comme ça, des rythmes comme ça, on en redemande. Oui c’est de la musique roborative, mais sûrement pas lourdingue, comme le prétendaient au XIXe siècle certains détracteurs (dont des musiciens, schocking !), « ce n’est pas de la musique ». Heureusement l’histoire les a démentis.

Un peu de respiration ferait du bien. Franz Schubert ? avec encore un sacré monument musical, la sonate D960, par Dana Ciocarlie, Mitsuko Ushida ou Grigory Sokolov. A vous de comparer. Et il y a tant d’autres versions passionnantes et enivrantes !

A Vienne, évidemment, nous cheminons tranquillement dans l’allée du Prater, sans troubler l’air cette fois, avec des lieder de Schoenberg, Webern, Berg, Zemlinski, Alma Mahler et Wolf. Des œuvres exprimant l’amour et la poésie, écrits par les plus grands poètes allemands (ou presque). Une heure pour profiter pleinement de l’instant, comme une heure de méditation pleine conscience, un disque magnifique intitulé Vienna, fin de siècle. Curieux titre car les œuvres sont à cheval sur les deux siècles. Un enregistrement absolument exceptionnel avec deux immenses artistes, Barbara Hannigan soprano et Reinbert de Leeuw piano. Il faut dire que ces deux-là sont toujours aux sommets de l’interprétation musicale. Je vous propose deux très beaux poèmes de Johann Wolfgang von Goethe et Richard Dehmel. Allez donc déguster les autres.

Kennst Du das land ? de Goethe (Schumann et Liszt ont aussi composé un lied sur ce texte), trad. Pierre Mathé

Connais-tu le pays des citronniers en fleurs ? / L’orange d’or flamboie dans le sombre feuillage, / Du ciel un vent léger épanche sa douceur, / Et le laurier s’élance auprès du myrte sage. / Le connais-tu ? / Là-bas, là-bas, / Je voudrais, mon aimé, m’en aller avec toi.

Connais-tu la maison, son toit sur des colonnes, / Et la salle splendide aux murs étincelants, / Où les statues de marbre en me voyant s’étonnent / Ah ! qu’ont-ils fait de toi, hélas, ma pauvre enfant ? / La connais-tu ? / Là-bas, là-bas, / Je voudrais, mon soutien, m’en aller avec toi.

Connais-tu la montagne aux sentiers de nuage ? / Le muletier se fraie dans la brume un chemin, / Du dragon dans le roc vit l’antique lignage, / Et rochers et torrents s’abîment au ravin. / Le connais-tu ? / Là-bas, là-bas, / Va notre route ! Ô père, laisse aller nos pas !

 Helle Nacht, de Richard Dehmel, inspiré par Paul Verlaine, trad. Michel Chasteau

La lune blanche doucement / Embrasse la ramée, / Un murmure habite le feuillage / Tandis que le bois / S’incline, se tait, tend vers le repos / Ô bien aimée …

L’étang se repose, / Et le saule brille. / Son ombre scintille / Sur les eaux, et / Le vent pleure dans les arbres / Nous rêvons … rêvons …

Les lointains rayonnent / L’apaisement / Les fonds / Blêmes enlèvent un voile humide / Vers la lisière du ciel / Ô là-bas … rêve …

Ah voilà près de 6 heures que nous naviguons sur les mers musicales. Escales ! Belle suite symphonique de Jacques Ibert qui servait jadis de générique de fin de programme sur une chaine de télévision. Oui l’escale s’impose bien entendu, … jusqu’à la prochaine étape.

 * Anne Dufourmantelle, psychanalyste et philosophe, s’est noyée en sauvant les enfants de ses amis.

Liste des œuvres Voyage 1

  •      Arvo Pärt, Alina et Spiegel im Spiegel
  •      Serge Prokoviev, Alexandre Nevski
  •      Johann Strauss fils, Images de la mer du Nord
  •      Wolfgang Amadeus Mozart, quatuor KV387
  •      Joseph Haydn, quatuor op.74/3 Le cavalier
  •      Anton Bruckner, 9e symphonie
  •      Franz Schubert sonate D960
  •      Vienna fin de siècle, lieder par Barbara Hannigan et Reinbert de Leeuw
  •      Jacques Ibert, Escales


Juliette Maillard Sobieski

Fondatrice et dirigeante d'INUKSHUK

5 ans

Merci, Bernard, pour ce premier voyage. Belle idée ! 

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