Faut-il sauver l’immobilier ?

Faut-il sauver l’immobilier ?


En ces temps d’élections, il est peut-être nécessaire de remettre sur la table les sujets importants concernant le secteur de l’immobilier neuf et de la construction, afin de donner quelques (bonnes) idées à nos fins stratèges politiques. Le secteur de l’immobilier, neuf et ancien confondus, connaît depuis 2 ans une crise rarement vue ces dernières décennies. La disparition des aides à l’accession à la propriété et à l’investissement dans le neuf est-elle pertinente dans ce contexte ?

Répondre à la demande de logements

La France connaît une demande constante et élevée de logements, particulièrement dans les grandes villes et les zones en croissance. Il est de notoriété publique qu’il y a une pénurie chronique de logements en France, de l’ordre de 500 000, principalement concentrée dans les grandes aires urbaines. Ce manque de logements est le résultat de plusieurs facteurs : augmentation annuelle de la population (+300 000), modification de la cellule familiale (plus réduite : divorces, familles monoparentales, etc.), migration de la population vieillissante vers le sud et l’ouest.

Un accès adéquat et abordable au logement reste un facteur clé de stabilité sociale, réduisant les tensions sociales liées à la pénurie de logements, améliorant la qualité de vie des citoyens et promouvant une société plus équitable.

Stimuler la croissance économique

Le secteur de l'immobilier et de la construction est le premier secteur industriel de l’économie française, avec 11 % à 15 % du PIB du pays selon les sources, loin devant les autres secteurs économiques tels que la santé, le luxe, l’automobile ou l’agroalimentaire.

L’immobilier au sens large stimule l'activité économique grâce à des effets multiplicateurs. Ainsi, les projets de construction engendrent de la demande pour divers matériaux, équipements et services, soutenant ainsi de nombreuses autres industries.

Le vieil adage « Quand l’immobilier va, tout va » s’est vérifié de tout temps.

Création d'emplois

L’immobilier et la construction sont des secteurs intensifs en main-d'œuvre, employant plus de 2 millions de personnes. Le soutien au secteur immobilier conduit à la création directe d'emplois sur les chantiers et indirectement dans les industries connexes telles que la fabrication de matériaux, la logistique, le commerce ou les services. En 2023, on estimait qu’un logement en construction générait 2 emplois sur 1 année. La bonne santé de l’immobilier contribue ainsi à réduire le chômage et à améliorer le pouvoir d'achat des ménages.

Avantages financiers et fiscaux

Cette activité économique et ce pouvoir d’achat supplémentaire permettent également d'optimiser les finances publiques. En effet, durant les années de bonne santé de l’immobilier, les recettes issues de l’immobilier pour l’État (TVA, impôts sur les sociétés, impôts sur les revenus, taxes sur les transactions, plus-values, droits de succession, taxes foncières, cotisations sociales, absence d’indemnités chômage…), représentent, tout confondu, plus de 80 milliards d’euros par an. Les dépenses quant à elles représentent bon an mal an 40 milliards d’euros (aides au logement, dispositifs d’aides à l’accession, dispositifs de défiscalisation, aide à la rénovation, etc.). Il apparaît que chaque année, le secteur de l’immobilier en général est donc générateur de recettes nettes pour l’État, à hauteur de plus de 40 milliards, chaque année ! Cet afflux de liquidités dans l’économie entraîne un cercle vertueux qui contribue largement à la bonne santé financière du pays. Serait donc inconscient le gouvernement qui mettrait en péril cette manne inespérée de recettes pour l’État.

Rénovation et efficacité énergétique

Enfin, un soutien gouvernemental pour encourager la rénovation des bâtiments anciens et l'amélioration de leur efficacité énergétique permet d’aller vers les objectifs environnementaux de la France, notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la transition énergétique. Encore faudrait-il avoir les moyens de ses ambitions.

Soutien de l’immobilier. Ou pas.

Pour aider et développer le secteur de l’immobilier, et pour toutes les raisons citées précédemment, les différents gouvernements qui se sont succédé depuis plus de 40 ans ont créé de nombreux dispositifs d’aides, tels que, pour l’accession à la propriété, le prêt à taux zéro, les APL, la multitude des prêts aidés, la location-accession ; ou pour l’investissement locatif, les dispositifs Malraux, Scellier, Pinel, location meublée gérée... Ou pour la rénovation énergétique l’éco-PTZ, MaPrimeRénov, le CITE, etc. Il existe tellement de dispositifs d’aides qu’on pourrait en faire une encyclopédie de 30 volumes.

Avec ces différentes aides, nous construisons en France, de 350 000 à 480 000 logements, selon les années.

D’un autre côté, on constate depuis une dizaine d’années une conjonction de facteurs pénalisants et handicapants qui ont amené, finalement, à une crise sévère de l’immobilier. Cette crise a été déclenchée par une hausse brutale des taux d’intérêts. Cette hausse soudaine aurait pu être absorbée et amortie par le marché si le secteur de l’immobilier n’avait pas été fragilisé par une série de mesures contraignantes et aggravantes (hausse des coûts de construction, pénurie de main-d’œuvre, normes de construction de plus en plus élevées, complexité administrative, conditions de prêts plus strictes, disparition programmée des aides fiscales Pinel, restrictions du PTZ, IFI, etc.).

En 2023, le nombre de logements construits a chuté à 300 000.

La dégradation soudaine du marché immobilier, prévisible au vu des coups reçus, a entraîné une baisse significative des recettes fiscales.

De là à considérer que le déficit budgétaire surprise de 2023 serait dû à une absence de réponse de l’État pour soutenir un secteur majeur de l’économie, serait pure conjecture.

La question à se poser, c’est : pourquoi casser une dynamique qui fonctionnait plutôt bien et répondait à des objectifs sociaux, démographiques, environnementaux et financiers ? Pourquoi refuser dogmatiquement de soutenir ce secteur vital pour l’économie, aujourd’hui en difficulté ? Visiblement, nos gouvernants ne se sont pas posé la question, et n’ont donc pas encore cherché de réponse.

Bixente Dubois-Arotcarena

🔹️Responsable de secteur 🔸️4 business Units en gestion 🔎Immobilier - Banque🔍

4 mois

Génial ça

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