Le côté obscur des données persos
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Le Règlement Général pour la Protection des Données (RGPD/GDPR) arrive dans 107 jours et tout le monde s’affole, probablement parce qu’on ne parle que des potentielles amendes faramineuses qui l’accompagnent ou des efforts colossaux que la mise en conformité est censée requérir. Et pourtant, il ne s’agirait pas que la peur du gendarme fasse oublier tout le reste : la protection des données persos n’est pas que pure affaire de conformité à un texte, elle recèle des problématiques sociales, économiques, éthiques aussi, que l’actu ne manque pas, semaine après semaine, de nous rappeler.
L’enjeu à la croisée de tous les enjeux
En France, la question de l’assurance maladie évoque le trou de la sécu. En Chine, il fait plutôt penser à la pénurie de médecins – 1,5 docteurs pour 1000 habitants. Dans ces conditions, le NYT relate que les géants de l’Internet chinois Alibaba et Tencent ont d’ores et déjà pris en main la question à coup d’intelligence artificielle entrainées sur des données de santé. Le résultat : le défaut de protection de ces données (qui, en Europe, sont des données sensibles soumises à un régime encore plus protecteur) permet de rendre les médecins chinois meilleurs et d’augmenter la santé des citoyens.
Parallèlement, on apprend que l’Union Européenne tente d’influer sur l’ICANN, organe au centre du fonctionnement d’Internet. L’enjeu : la protection des données personnelles dans la base WHOIS. Concrètement, l’enregistrement d’un nom de domaine s’accompagne normalement de la divulgation de données personnelles conservées dans une base de données publiques, la base WHOIS – le meilleur ami des forces de police et des avocats en droit du numérique. L’UE veut donc faire pression pour que cette base respecte le RGPD, dont la portée territoriale accrue fait qu’il pourrait s’appliquer aux traitements réalisés par l’ICANN.
Le double sabre laser de l’UE
Les données personnelles se trouvent ainsi être au centre des enchevêtrements géopolitiques dont nous parlions les semaines passées : elles font partie des limites éthiques que nous imposons à nos développements scientifiques, tout en étant un sujet que nous tentons de faire respecter au-delà de nos frontières.
Au fond, là où le thème des amendes que permet le RGPD prend tout son sens, c’est justement lorsque l’on se rend compte de la portée géopolitique de la data. Jusqu’à présent, pour répondre aux États-Unis qui font pleuvoir des amendes en dizaines de milliards de dollars sur les banques européennes, l’UE n’avait que le droit de la concurrence. Avec le RGPD, l’UE a dégainé le sabre à double lame : mine de rien, ce petit passage en force fait que l’UE est à prendre au sérieux sur l’enjeu au cœur de tous les enjeux.