L'Osint comme outil d'émancipation démocratique

« Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets. »

Cette citation d’Alfred Sauvy, économiste et sociologue français, résume à elle seule le savant mariage entre l’information et la démocratie. Et par conséquence, le mariage entre la désinformation et les dérives autoritaires.

Nous sommes tous bombardés d’informations, particulièrement en ces temps troublés, des vraies, des fausses, des approximatives, des manipulées, des orientées. Comment faire le tri dans cette marée permanente pilotée par les algorithmes, les états et les groupes de pression ?

Tout simplement en apprenant à distinguer le vrai du faux et du douteux. En éduquant tout son être à la remise en cause de ce qui est vu et lu, en considérant l’esprit critique comme un comportement par défaut et non comme une option.

Cet entrainement intellectuel porte un nom dans le domaine du journalisme : le fact checking. Dans d’autres domaines, on appelle cela aussi « science de l’information » « renseignement » ou encore « due diligence ». Toutes pratiques comportent une partie d’OSINT croissante.

« Open Source Intelligence » ou « Renseignement d’origine Source Ouverte » en français, il s’agit d’une compétence, et non d’un métier, qui permet à tout un chacun de rechercher des informations publiques et légales, de les combiner entre elles pour en tirer des conclusions. Mais surtout de répondre à des questions comme « Cette photographie est-elle réellement ce qu’elle parait être ? » « Cette information est-elle véridique et avérée ? » mais aussi « Cette information est-elle orientée, et pourquoi ? »

En remettant en cause ce que nous voyons, ou ce que nous lisons, nous appliquons notre droit démocratique le plus fondamental, la liberté de remettre en cause l’information que nous recevons, et d’exprimer notre vision personnelle de cette dernière. Cette liberté qui n’est malheureusement pas accessible dans tous les pays du monde, pays dans lesquels l’information est quasi systématiquement contrôlée, censurée et manipulée.

On retrouve ce trait commun dans tous les régimes autoritaires du monde, que ce soit concernant l’information destinée aux populations intérieures, mais également a destination des pays étrangers sous la forme de désinformation.

En tant que citoyen d’un pays démocratique, nous avons le devoir moral de lutter pour l’accès à une information véridique, neutre et factuelle. Et c’est exactement ce que l’OSINT peut apporter à toute personne bénéficiant d’un accès à Internet. D’un Internet libre d’accès en tout cas.

La pratique de l’OSINT implique de grands principes fondamentaux :

• Toute information est soumise à caution, et doit être vérifiée et confirmée 
• Il faut se méfier des biais cognitifs auxquels nous sommes tous soumis 
• Toute information peut être utilisée et combinée avec d’autres pour approfondir ses recherches.

 En appliquant ces grands principes au quotidien, nous effectuons déjà un grand pas vers une protection intellectuelle contre la désinformation et donc contre les propagandes dictatoriales.

Si l’application de la remise en cause permanente peut paraitre épuisante et fastidieuse au début, elle devient avec le temps un reflexe systématique et salutaire. En vérifiant l’information, nous nous protégeons de la manipulation.

Le problème est essentiellement que les populations vivant sous régime autoritaire n’ont souvent pas accès aux sources ouvertes, ou en tout cas, pas sans un peu de connaissance informatique pour contourner les pares-feux un peu trop zélés.

Mais même vivant dans un pays même démocratique, il y a également des occasions quotidiennes d’utiliser l’OSINT régulièrement.

« 1000000 de personnes dans la rue selon les organisateurs, 10000 selon la police » : On peut apprendre à comptabiliser le volume d’une foule avec des images en source ouverte, pour finalement se faire sa propre idée sur le succès d’une manifestation.

« Regardez cette photographie, vous allez être choqués » : la génération de faux clichés par ChatGPT et consorts va devenir la norme dans le blogging a sensation et notre capacité à savoir analyser un visuel sera déterminant dans la résistance à la manipulation des bastions anti-démocratiques intérieurs.

Un autre danger guette également le citoyen libre. Avec la collecte des informations personnelles sur tout utilisateur d’internet, que cela soit via les réseaux sociaux, les plateforme e-commerce, ou simplement les données volées (dataleaks). L’exposition aux spams, aux risques cyber et à l’influence étrangère sont autant de vecteurs d’attaque sur chaque internaute.

Avez-vous déjà tapé votre nom et prénom sur Google pour savoir ce qu’un internet savait de vous ? Cet examen basique de son hygiène numérique est le tout premier pas dans l’OSINT. En restant vigilants sur notre empreinte numérique, nous nous émancipons également des influences des algorithmes, qu’ils soient commerciaux, étatiques ou politiques. Car les propagandes savent depuis longtemps comprendre le fonctionnement des cycles de décision informatiques et s’en servir pour envoyer la « bonne » information aux « bonnes » personnes.

Le danger numérique est donc dans les deux sens : le téléchargement d’informations et la fourniture de données personnelles. Et l’OSINT permet de reprendre et conserver un peu de contrôle sur ces deux flux qui peuvent être utilisés en influence et en manipulation de masse.

Au-delà d’une simple compétence dans un monde numérique en perpétuelle évolution, dont nous ne sommes prêts de voir la fin, la remise en cause est salutaire et nécessaire.

S’affranchir de la censure d’état, ne plus être victime de la désinformation, protéger ses proches des violences d’Internet est autant un droit qu’un devoir.

Comme le droit de vote en somme. Fondamental de la démocratie.