- 1 Au sens pharmaceutique du terme, c’est‑à‑dire toute matière première d’origine naturelle suscept (...)
1L’ethnopharmacologie a pour vocation d’étudier les pratiques thérapeutiques « traditionnelles » et fait partie des domaines de la recherche qui peuvent être « appliqués » puisque drogues1 et savoirs anciens constituent des sources potentielles de découverte pour les médicaments. Partant, cette discipline se situe à l’interface entre deux univers profondément dissemblables. Le premier est constitué de sociétés où les quotidiens s’enracinent dans des valeurs, des modèles, des systèmes, des imaginaires, des intérêts, des façons de percevoir et de concevoir extrêmement divers. Ces sociétés sont généralement localisées dans des pays en développement et se trouvent souvent dans des environnements tropicaux où la biodiversité est considérable. Ces diversités naturelle et culturelle constituent une source exceptionnelle et irremplaçable de savoirs riches d’éventuelles découvertes qui intéressent le second univers, celui des technologies avancées, des sciences « de référence », des moyens économiques considérables, des puissances financières écrasantes, des emprises, influences, relations internationales. L’ethnopharmacologie établit un pont entre ces deux mondes, entre terrain et laboratoire, entre sciences humaines et sciences exactes, entre minorités et multinationales, et ne peut se dispenser des questionnements éthiques qu’une telle recherche pose implicitement. Ces problèmes sont fondamentaux, complexes, interdépendants, et leur ampleur tient à la fois à l’importance des enjeux économiques et, au‑delà, politiques et au fait qu’ils concernent une grande partie de la population mondiale, dans deux registres d’importance qui sont la santé et l’environnement.
- 2 Voir Motte‑Florac (1995a).
- 3 Les objectifs majeurs mentionnés pour l’ethnopharmacologie sont : recenser partout dans le monde (...)
- 4 Les guillemets rappellent (mais cela est‑il vraiment nécessaire ?) que le terme « traditionnel » (...)
2Il ne saurait être question ici de considérer l’ensemble des problèmes d’éthique que pose l’ethnopharmacologie2. Je me contenterai d’aborder quelques points qui concernent deux objectifs de ce domaine de recherche3 que l’examen des publications parues au cours des dernières décennies fait apparaître comme majeurs : la participation à l’innovation pharmaceutique et l’évaluation des thérapeutiques « traditionnelles »4.
3Aux questions posées par les populations locales – qui détiennent les savoirs traditionnels – sur les objectifs poursuivis par les chercheurs qui entreprennent des investigations en ethnopharmacologie, et sur ce que les autochtones peuvent en attendre, les réponses sont souvent des paroles d’espoir fondées sur la recherche de substances naturelles biologiquement actives et sur l’innovation thérapeutique : amélioration de la santé et des conditions de vie, perspectives de débouchés économiques et de revenus, etc. Qu’en est‑il exactement ?
- 5 Selon Velasquez (1983), « les noms de marque, parfois considérés comme une protection complément (...)
- 6 Entreprises industrielles et pharmacies avec annexe de fabrication.
4L’industrie pharmaceutique telle qu’on la connaît maintenant n’est vieille que d’une soixantaine d’années. C’est entre 1935 et 1945, lorsque sulfamides, antibiotiques et antituberculeux ont été découverts, qu’a eu lieu un véritable tournant dans l’histoire du médicament. Ces années ont été d’autant plus déterminantes qu’à peu près à la même époque les produits chimiques de synthèse ont fait leur apparition, remplaçant rapidement une grande partie des médicaments d’origine naturelle et permettant une production de masse. Comme le note Velasquez (1983), les grandes firmes ont alors cessé de commercialiser des produits de base pour se consacrer à la production de spécialités protégées par des brevets et des noms de marque5. Rapidement s’est amorcée une concentration des établissements avec mutation de petites entreprises familiales en firmes multinationales. Les chiffres sont suffisamment éloquents : en 1950, 1 960 entreprises6 fabriquaient, en France, des médicaments, en 1960 il en restait 880 et en 1999, 299 (SNIP, 1999). Une centralisation identique est observée au niveau mondial.
- 7 Le marché pharmaceutique mondial était estimé en 1999 à 337,2 milliards de dollars US (en prix p (...)
- 8 D’autres dispositifs sont : consacrer plus de fonds à la publicité et à la commercialisation pou (...)
5Si de 1960 à 1975 l’industrie pharmaceutique a connu une expansion sans précédent, sa production mondiale est actuellement en net ralentissement (bien que le marché pharmaceutique soit, au sein du secteur chimique, celui qui a été le plus productif ces dernières décennies), ce qui n’exclut pas pour autant l’énormité des bénéfices de certaines multinationales7. Pour tenter d’enrayer sa chute et maintenir son taux de profit, l’industrie pharmaceutique a cherché de nouveaux dispositifs8 parmi lesquels on retiendra les plus importants : améliorer les médicaments déjà existants mais aussi – et surtout – en découvrir de nouveaux car c’est sur cette recherche que repose l’image de marque de l’entreprise (véritable fer de lance de la concurrence) et, au‑delà, sa place sur le marché mondial. Mais les problèmes de la recherche font partie (avec l’atomisation du secteur et le prix des médicaments) des difficultés rencontrées par l’industrie pharmaceutique. Ces difficultés sont, entre autres, d’ordre financier. En effet, la phase de « recherche et développement » est longue (en moyenne une douzaine d’années, (tableau 1) et coûteuse.
Tableau 1 : recherche et développement d’une nouvelle substance pharmaceutique (d’après SNIP, 1999)
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Type de recherche
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Obtention
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Durée
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R. & D.
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Phase de recherche
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Isolement de la molécule
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100 000 molécules identifiées
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2,5 ans
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Dépôt du brevet
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Phase de test
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Etudes pré-cliniques
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100 molécules testées
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2,5 ans
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Phase de dévelop-
Pement
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Etudes cliniques
I, II et III
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10 candidats médica-
ments
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5 ans
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Procédures adminis-
Tratives
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AMM, Commission de transparence, prix
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1
médicament
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3 ans
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Phase de commercia-
Lisation
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Pharmaco-
vigilance, phase clinique IV
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7 ans
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CCP (Certificat complémen-
taire de protection)
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Max. 5 ans
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Expira-tion du brevet
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Les durées des différentes phases sont données à titres indicatif ; elles varient d’une entreprise à l’autre, d’un produit à l’autre
(certaines AMM sont obtenues 7 ans après dépôt du brevet).
- 9 L’AMM est une autorisation particulière qui, en Europe, garantit laqualité pour la fabrication, (...)
- 10 Ce chiffre varie suivant les pays et les firmes. En France, le budget « recherche et développeme (...)
- 1
6Les investissements pour la mise au point d’une nouvelle molécule efficace et les examens nécessaires à l’obtention d’une AMM (autorisation de mise sur le marché)9 sont donc considérables et, de plus, constituent un risque financier dans la mesure où la recherche est aléatoire. Sachant que le coût de « recherche et développement » d’une grande molécule atteint maintenant un milliard et demi de francs (SNIP, 1999), que seuls 7%10 du prix de vente des médicaments est alloué au budget « recherche et développement » (tableau 2) et que la rentabilité maximale d’un nouveau médicament est limitée comme le montre l’étude de Stauffer (cité par Huttin, 1989 : figure 1), on comprend pourquoi ce sont surtout les groupes les plus prospères qui se lancent dans de grandes campagnes de recherche. Les laboratoires petits et moyens qui cherchent à résister à l’effet compresseur de la mondialisation, se préservent en centrant leur intérêt sur des domaines peu investis par les grandes multinationales ou en produisant des médicaments génériques11.
Tableau 2 : Décomposition du prix de vente d’un médicament(d’après Pharma Information cité par November, 1981)
Distributeurs
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grossistes, détaillants, TVA, ICHA
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45%
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Fabricants
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Production
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20%
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Ventes, réclames, publicité, administration
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15%
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Recherche et développement
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7%
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Information médicale
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7%
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Bénéfices
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6%
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Figure 1 : Profil temporel des dépenses et recettes d’un médicament (d’après Stauffer in Huttin, 1989)
7Trois phases distinctes peuvent être identifiées dans le profil du cycle de vie de médicaments majeurs : la phase de lancement (4‑10 ans), la phase de maturité (4‑8 ans) et la phase de déclin (6‑15 ans).
- 12 D’autres procédés très utilisés sont : la génomique, la chimie combinatoire et le criblage à hau (...)
8L’ethnopharmacologie fait partie des différents procédés de recherche12 mis en œuvre pour isoler des molécules supposées intéressantes. Dans les années soixante‑dix, les laboratoires s’étaient intéressés à l’ethnopharmacologie, discipline nouvelle, puis s’en étaient ensuite détournés, les résultats n’étant pas assez performants malgré quelques découvertes particulièrement intéressantes et rentables. Mais depuis, de très nombreuses recherches ont été effectuées et des banques de données ont pu être établies, permettant de réaliser des criblages plus efficaces.
- 13 Selon Lerat (1994), alors que « l’industrie pharmaceutique est l’un des secteurs industriels qui (...)
- 14 En 1989, le rapport Biot‑Dangoumau (Dangoumau, 1994) dressait le tableau des causes des faibless (...)
9Les investissements engagés pour la recherche étant très élevés, les industries pharmaceutiques essayent de les rentabiliser13 en développant, avec des firmes d’autres secteurs (en particulier agroalimentaires), un partenariat et des alliances axées sur une recherche de base commune. L’industrie a également développé la collaboration avec des entreprises et des laboratoires privés ou publics (universités, CNRS, INSERM, etc.). A ce souhait de partenariat, les chercheurs sont très vivement encouragés à répondre favorablement14. Un grand nombre d’avis, messages, communiqués, publications, émanant de ministères et organismes divers, incitent le chercheur du domaine public à « réussir la valorisation et le transfert » de sa recherche par une coopération avec le monde industriel, à participer à l’innovation pour répondre aux « nouvelles priorités de la croissance et de la concurrence internationale ». Mais c’est, sans nul doute, l’indigence des aides financières accordées par l’Etat à la recherche publique (en dehors de quelques thèmes particuliers) qui pousse avec le plus d’efficacité les chercheurs à s’associer avec les industriels (Cristau, 1973). Les résultats sont éloquents. Les effectifs de « recherche et développement » dans l’industrie pharmaceutique sont passés de 5 090 en 1970 à 15 200 en 1998. Il s’agit là non de données provenant d’industriels mais de chiffres communiqués par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (SNIP, 1999).
10Ces nouvelles façons de concevoir la recherche publique changent profondément les anciens repères et modes de fonctionnement. On ne peut nier à une telle collaboration son intérêt et ses avantages mais jusqu’à quel point ? En effet, il est difficile de contester que, comme le fait remarquer Sève (1994), le monde de la découverte biologique et de l’innovation biomédicale est devenu un monde où « les enjeux économiques sont considérables, énormes, colossaux » et « où l’on parle de plus en plus de part de marché, gestion d’entreprise, portefeuille de brevets, stratégie de groupe, alliances secrètes et bras de fer à l’échelle internationale ». Qu’est devenue la recherche publique dont le but était la production de connaissances d’intérêt collectif, c’est‑à‑dire à la disposition de la collectivité nationale et internationale ? Ce partenariat avec le privé ne revient‑il pas à ne plus poursuivre que la logique du brevet, c’est‑à‑dire à produire des connaissances qui ne sont plus accessibles à tous (Foray, 1998) ? N’a‑t‑il pas aussi comme corollaire une perte de liberté (certains parlent même de « prostitution intellectuelle »), entre autres dans les décisions de programmes de recherche, engagés non plus à partir de préoccupations axées sur la santé ou la recherche fondamentale mais en fonction de critères essentiellement économiques ?
11Enfin, les firmes pharmaceutiques peuvent‑elles continuer à légitimer le prix élevé des médicaments par l’importance des dépenses engagées pour la « recherche et développement » comme si les aides publiques (en personnel et en moyens financiers pour certaines campagnes) et les donations de fondations privées étaient négligeables (Pérez‑Casas & al., 2000) ?
12Engagé dans une collaboration avec le monde industriel, le chercheur ne peut que se sentir rassuré de travailler avec un laboratoire pharmaceutique pour qui l’éthique est un maître mot (SNIP, 1996). Mais ce terme a‑t‑il la même valeur pour les deux partenaires ? S’applique‑t‑il aux même domaines ? Contentons‑nous d’aborder quelques‑unes des questions suscitées par la participation de l’ethnopharmacologie à l’innovation pharmaceutique.
13– L’innovation pharmaceutique est‑elle absolument nécessaire ?
- 15 Ce chiffre semble assez impressionnant si on le compare aux recommandations de l’OMS concernant (...)
14Cette interrogation met directement en cause la politique de recherche des industries pharmaceutiques. Selon ces dernières, les innovations seraient nécessaires afin de répondre à plusieurs exigences : une demande de nouveauté de la part du consommateur (médecin et patient) ; la nécessité d’améliorer les médicaments existants (en particulier en raison de leurs effets secondaires) ; la persistance d’un grand nombre de maladies encore non traitées. De fait, selon l’OMS, 3 000 maladies seulement peuvent être traitées par des médicaments alors que 18 000 sont aujourd’hui identifiées (Mesuré, 1994). Mais sur les 1 500 médicaments « nouveaux »15 qui apparaissent sur le marché chaque année, la plupart ne sont, selon Mackay (1993), que des reformulations d’anciens produits et seules 50 substances sont nouvelles.
15– L’innovation pharmaceutique profite‑t‑elle aux populations « locales » en termes de santé publique ?
- 16 Les anti‑ulcéreux, anti‑cholestérolémiants et anti‑dépresseurs sont les trois classes thérapeuti (...)
- 17 L’Amérique du nord, le Japon et l’Europe représentent 74% du marché pharmaceutique mondial mais (...)
- 18 Organisation des Nations Unies pour le développement industriel.
- 19 Destinés au traitement de maladies rares.
16Parmi la cinquantaine de nouvelles substances qui aident chaque année à combler peu à peu les « lacunes thérapeutiques », un certain pourcentage vient certainement contribuer à l’amélioration du niveau de santé des populations qui participent à cette innovation par leurs savoirs traditionnels. En examinant la liste des spécialités pharmaceutiques actuelles, on remarque que la plupart d’entre elles sont destinées à soulager des maux particuliers aux pays industrialisés16 où ne vit qu’une faible partie de la population mondiale17. De plus, les nouvelles recherches continuent à porter, dans leur écrasante majorité, sur la découverte de substances capables de soigner les « maladies de la civilisation » et les « maladies de l’opulence et du confort » (dues à la suralimentation, à la sédentarisation, à la pollution). Et comme la population de ces pays est vieillissante, la recherche s’oriente maintenant vers les médicaments capables de ralentir, arrêter, voire même renverser les processus à l’origine de la grande morbidité. Très peu de produits mis sur le marché répondent aux besoins réels des pays en développement. Velasquez (1983) note que selon l’ONUDI18, sur le total des dépenses engagées au niveau mondial par les sociétés pharmaceutiques pour la « recherche et développement », 3% seulement sont destinées à la recherche sur les maladies tropicales ; or, un milliard de personnes sont exposées à ces maladies : il s’agit de populations de pays en développement qui, au dire des industriels de la pharmacie, ont constitué jusqu’à présent un marché trop peu intéressant en raison de leur faible pouvoir d’achat. On constate donc que les manques thérapeutiques sont évalués en termes de marchés potentiels, c’est‑à‑dire que les recherches s’orientent toujours vers les segments de marché où existe une demande solvable (November, 1981). « Médicaments orphelins »19 et médicaments pour pays en voie de développement sont peu rentables et donc continuent à n’être que rarement intégrés aux grands programmes de la recherche « industrielle ».
- 20 « The U.S. Orphan Drug Act has been a success, providing incentives that have encouraged the dev (...)
- 21 A l’initiative de l’OMS, une collaboration est née entre l’OMS et l’industrie pharmaceutique. Tr (...)
17Toutefois, la saturation des marchés dans les pays industrialisés fait maintenant envisager maladies rares20 et pays « du sud »21 comme une possibilité d’extension (comme c’est le cas pour un grand nombre d’autres produits de consommation). Cette ouverture économique se double d’une préoccupation d’un autre ordre : aux lourdes critiques qui pèsent, ces dernières années, sur le monde pharmaceutique industriel et à l’émoi de l’opinion publique face à certains événements révélés par les médias, ce secteur de l’industrie ne peut faire l’économie de quelques actes porteurs de cette image « éthique » que les consommateurs attendent ou questionnent.
18– L’innovation pharmaceutique profite‑t‑elle économiquement aux populations « locales » ?
- 22 Avant les efforts réalisés par l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) ins (...)
19Quelle que soit la personne ayant réalisé la recherche de terrain, sa nationalité, sa culture, sa langue, ses idéologies, ses appartenances, etc., les données finiront toujours, à plus ou moins long terme, par être diffusées et par tomber dans le domaine public. Quoi de plus normal puisque c’est le but de la collecte de données. Or quand on passe à l’étape de la recherche en laboratoire, les résultats ne sont plus considérés en terme d’information mais en termes de marchandise,simplement parce que l’objet de la recherche est le médicament avec ses brevets, ses exigences de secret, etc. Le problème posé est celui de la propriété intellectuelle, un domaine dans lequel les chercheurs et les populations locales ont longtemps22 été (et pour la plupart continuent à être) ignorants, incompétents, inexpérimentés, sans moyens financiers, sans savoir‑faire juridique, généralement sans appui (au niveau national comme international), pour faire respecter les droits des minorités détentrices de savoirs et savoir‑faire traditionnels. Les procès que divers pays ou populations du monde commencent à intenter à des firmes pharmaceutiques montrent à l’évidence que la rétribution accordée aux autochtones (si tant est qu’il y ait eu une quelconque rétribution) est loin d’être jugée en accord avec les profits réalisés grâce aux substances naturelles découvertes à partir des connaissances indigènes. « En 1985, la valeur marchande des produits pharmaceutiques dérivés des plantes utilisées dans la médecine traditionnelle s’élevait à environ 43 milliards de dollars américains dans le monde. Moins de 0,001% des profits ont été versés aux titulaires initiaux de ces connaissances » (CRDI 1995‑2001). Les réponses de certains défenseurs de l’industrie pharmaceutique aux attaques qui leurs sont faites sur de nombreux fronts, font preuve d’une logique admirable (PhRMA, 2001). Comment pourrait‑on reprocher aux firmes pharmaceutiques l’illettrisme dans le monde et les problèmes qu’il pose ? Est‑ce leur faute si les minorités ne savent pas protéger leurs biens et leurs savoirs ? Est‑ce leur faute si les minorités sont incapables d’utiliser correctement une langue et des comportements qui ne sont pas les leurs, incapables de se référer à des législations pour lesquelles ils n’ont jamais été consultés et qui se fondent sur des points de vue qu’ils ne partagent pas, etc. ?
20Si ces savoirs traditionnels ne sont pas rétribués, peut‑être un autre type de dédommagement est‑il concédé ? Par exemple, un allègement du prix d’autres médicaments produits par les firmes pharmaceutiques ayant profité gratuitement de ces « connaissances indigènes ». Selon une étude de 1978 de l’ONUDI (citée par November, 1981) « Les représentants des entreprises multinationales brandissent la menace que les pays en voie de développement qui exerceraient une pression trop importante sur le prix des médicaments ou qui choisiraient une voie d’approvisionnement différente n’auraient plus accès aux médicaments modernes développés par l’industrie pharmaceutique qui pratique la recherche ». Les conditions ont‑elles changé depuis l’époque de cette étude ?
21– L’innovation pharmaceutique profite‑t‑elle aux populations « locales » en termes de technologie ?
- 23 November signalait en 1981 que 8% seulement du total des dépenses pour la recherche pharmaceutiq (...)
- 24 Selon une étude de 1978 de l’ONUDI (citée par November, 1981).
22Les « informations non marchandisées » concernant les connaissances empiriques que certaines populations ont acquises au long de plusieurs siècles d’observation et d’essais sont peut‑être compensées par une aide technologique à la production locale de médicaments ? Selon une étude réalisée aux Etats‑Unis par le Stanford Research Institute, sur 3 000 compagnies considérées comme pharmaceutiques, seulement une centaine approvisionne 90% du marché mondial (Velasquez, 1983). La concentration des entreprises de l’industrie pharmaceutique dans les pays industrialisés et leur quasi absence dans les pays en développement aboutissent à une situation d’oligopoles dont les incidences sont considérables (Prades, 1995 ) : augmentation de la maîtrise déjà existante sur le savoir-faire (processus qui s’auto‑alimente et bénéficie d’une croissance exponentielle) ; inégalité de la concurrence entre entreprises locales et firmes multinationales ; dépendance des pays en voie de développement (pour les nouveaux produits, les matières premières, le savoir‑faire), qui permet une grande spéculation sur les prix ; pressions au niveau international permettant un blocage du transfert des technologie ; imposition de politiques de santé. La concentration des activités de recherche dans les pays industrialisés23 a comme corollaire leur place de premiers bénéficiaires des résultats de la recherche autrement dit de la technologie nouvelle. L’innovation technologique est devenue une propriété privée bien défendue ; chaque brevet déposé est protégé par un appareil juridique puissant. Paradoxalement les pays en développement paient pour la recherche engagée dans les pays industrialisés car « les entreprises multinationales exigent que tous les utilisateurs de médicaments, riches ou pauvres, participent également aux dépenses de recherches qu’elles effectuent, par le biais du prix de vente des médicaments »24. La nécessité d’acquérir la technologie représente une dépendance fondamentale des pays en voie de développement à l’égard des pays industrialisés. L’échange est unilatéral et provoque une hémorragie de devises pour les pays en développement. Les détenteurs de la technologie maintiennent l’état asymétrique de la relation (les contrats de licence contiennent des obligations d’achat de matières premières ou de produits semi‑finis auprès du donneur de licence).
23Si la technologie ne leur permet pas de s’élever au rang des industries pharmaceutiques, peut‑être y aurait‑il moyen de favoriser une production locale de médicaments génériques ? Sève (1994) nous donne sa réponse à cette question : « Un objectif majeur (pour les pays en voie de développement) est de ne plus devoir acheter des spécialités pharmaceutiques trop coûteuses et parfois inadaptées à leurs conditions jusqu’à y être dangereuses. Or, souligne un connaisseur, “les multinationales pharmaceutiques pressent de tout leur poids pour empêcher dans le monde le développement des médicaments essentiels sous forme générique tout aussi efficaces et moins onéreux”. Pression où trop souvent tous les moyens sont bons pour continuer d’imposer des politiques d’achat contraires aux intérêts des peuples ».
24A la suite des événements qui avaient eu lieu en 1977 au Sri Lanka, Rainhorn (1984) écrivait : « Un code international d’éthique dans le domaine pharmaceutique devra être imposé par le combat de ceux qui sont aujourd’hui les victimes impuissantes d’un cynisme sans entraves ». Le récent procès (avril 2001) intenté par l’Afrique du Sud à quinze puissants groupes pharmaceutiques pour permettre la copie de médicaments (encore sous brevet) pour soigner le sida est peut‑être un début à ce code international d’éthique.
25– L’innovation pharmaceutique profite‑t‑elle aux populations « locales » dans le domaine de leur environnement ?
- 25 Le WWF (Fonds mondial pour la nature) a mis en place une série de recommandations pour éviter la (...)
26Les laboratoires pharmaceutiques sont parfois intéressés par des espèces faisant partie de pharmacopées indigènes. Ils doivent alors s’en procurer très rapidement (concurrence oblige) et pour un temps qui ne peut être déterminé (dès que les recherches pour obtenir des molécules de synthèse le permettent, les demandes sont stoppées). Il en résulte des problèmes concernant une gestion durable de l’environnement car les demandes (pressantes et sans lendemain) sont à l’origine de dégradations sauvages de l’environnement25 qui portent gravement préjudice aux populations locales. On pourrait être tenté d’alléguer que les populations sont parfaitement libres de refuser ce négoce mais où serait l’honnêteté de tels propos alors que l’on sait pertinemment qu’il s’agit d’êtres humains dont la survie est particulièrement précaire parce que leur environnement a été dévasté par d’autres que par eux‑mêmes et qu’ils sont contraints, pour une rémunération misérable, à accepter d’agir d’une façon dont ils savent qu’elle compromettra leur avenir ? L’éthique est‑elle dans un habile jeu de paroles ou dans la conscience des conséquences des requêtes que l’on fait ?
27Le deuxième registre le plus riche en recherches ethnopharmacologiques est celui de l’évaluation des thérapeutiques traditionnelles. Délaissant la formulation « mieux connaître les remèdes traditionnels en vue d’améliorer la santé » (la santé dans les pays en développement étant déterminée avant tout par la dénutrition et la malnutrition, les conditions d’hygiène, la dégradation de l’environnement, etc.), on s’attardera plutôt sur la proposition de questionnement suivante : « Dans quelles conditions les pharmacopées et pratiques traditionnelles peuvent‑elles être utilisées avec les meilleures garanties d’efficacité ? ». A première vue tout à fait raisonné et altruiste, ce dessein n’est pas exempt d’interrogations, de difficultés, de controverses.
28Il n’est pas inutile de rappeler quelques lieux communs car, comme toujours, ce qui apparaît évident et rebattu dans une discipline, est souvent méconnu dans d’autres. Il en est malheureusement ainsi des recherches en anthropologie de la maladie, peu, mal ou pas du tout intégrées dans certains milieux scientifiques et par les décideurs.
29– L’évaluation est-elle incontestable et définitive ?
30S’il n’est nullement question de mettre en doute le caractère performant des analyses réalisées ni de nier les remarquables avancées qu’elles ont permis en biomédecine, il est indispensable d’en reconsidérer les limites. Un scientifique peut‑il sérieusement affirmer, comme de très nombreux écrits le laissent croire, que l’efficacité d’un médicament peut être vérifiée de façon certaine et irrévocable, c’est‑à‑dire : que la science permet de maîtriser tous les éléments d’analyse ; que la science est arrivée à un niveau de maîtrise qui ne sera jamais dépassé et donc que les affirmations sont définitives ; qu’aucun problème méthodologique ne limite l’appréciation du scientifique dans l’observation des effets de substances naturelles sur l’être humain ; que les résultats d’une expérience réalisée dans un pays sont, par définition, transposables à toute autre population dans le monde, etc. Si tout ceci était réel et donc valable pour l’appréciation des pharmacopées traditionnelles, on serait en droit de penser que tous les médicaments produits par et pour la biomédecine et qui ont franchi toute les étapes des tests et vérifications, sont totalement efficaces et sans danger. Qui oserait le prétendre ? Divers exemples ont montré que l’efficacité d’un remède traditionnel, après avoir été niée à la suite de certaines expériences scientifiques, pouvait parfois être à nouveau reconnue grâce à l’utilisation de nouvelles méthodes et/ou techniques de recherche. De tels renversements devraient inciter à la prudence, à une réflexion sur le danger des conclusions trop hâtives et catégoriques dans les travaux scientifiques, ce qui est encore loin d’être le cas actuellement. Que « la science » s’impose comme connaissance rigoureuse, soit. Qu’on la dise objective, le propos est à modérer. Qu’on la déclare incontestable, certainement pas.
31– Les appréciations d’un scientifique sont-elles toujours scientifiques ?
- 26 Un exemple parmi tant d’autres : les crottes de chauve‑souris, utilisées par les Egyptiens pour (...)
32Les dimensions que manipulent les pratiques traditionnelles sont souvent difficilement comprises et on peut lire nombre de publications où les médecines traditionnelles sont envisagées « comme une médecine du pauvre, inefficace, superstitieuse et ne méritant pas sa place dans le cadre d’un système de santé local » (Moretti, 1993). Certains jugements catégoriques et virulents ou, au mieux, paternalistes et condescendants, auxquels certains scientifiques se laissent parfois aller, sont des a priori, c’est‑à‑dire totalement contraires à la rigueur scientifique la plus élémentaire qui voudrait que l’affirmation d’un manque d’activité ou d’un danger soit le résultat de recherches préalables. De tels propos ne seraient pas gênants si – malgré la médiocrité de leur niveau scientifique – ils ne venaient émailler les écrits et discours de personnalités jouissant d’une certaine autorité dans les médias, ou les rapports de conseillers, décideurs, etc. Il a été montré à maintes reprises (après des années de dénigrements, discrédits, attaques) qu’une pratique qualifiée, a priori, de ridicule, primitive, dégoûtante, « magique », inutile, pouvait être bel et bien fondée sur un savoir empirique remarquable26. En dehors des méthodes et/ou technologies permettant de l’affirmer, c’est aussi le courage de chercheurs capables de mettre en jeu leur réputation en se lançant dans l’étude d’une pratique décriée par l’ensemble de la communauté scientifique, qui a souvent fait défaut. Si on ne peut remettre en cause le caractère dangereux de certaines pratiques traditionnelles, on peut se demander comment formuler ce constat. La biomédecine, pur produit de « la science », est‑elle exempte de tout risque pour les malades ? Les actions et produits qui présentent un certain danger sont‑ils systématiquement éliminés ? Ne conserve‑t‑on pas certaines méthodes, considérant que, malgré la menace qui pèse sur les malades, elles soignent plus qu’elles ne déséquilibrent, endommagent ou détruisent ?
33– Par une méthode scientifique peut‑on évaluer toutes les dimensions de la thérapeutique ?
- 27 Motte‑Florac (1997, 1999).
34Les thérapeutiques traditionnelles prennent en compte l’être humain, sa complétude, son caractère unique. Elles légitiment l’importance que revêt pour chaque individu la perception qu’il a de sa propre existence, de sa place dans la communauté, de son éventuelle destination suprasensible. Ces façons de percevoir et de procéder les différencient fondamentalement de la biomédecine car, comme le souligne Hall (1979), « l’homme occidental a privilégié ses dons d’analyse aux dépens de ses dons d’intégration de l’expérience » et cette formation qu’Israël (1995) dit être « déformante et pénalisante », a des répercussions lourdes de conséquences puisqu’elle ne permet qu’une connaissance limitée des événements et une interprétation déformée des observations. C’est pourquoi l’efficacité des pratiques thérapeutiques traditionnelles peut difficilement être mesurée à l’aune de l’activité pharmacologique de substances naturelles ou d’un totum. Elle doit être déterminée en prenant en compte les dimensions multiples et complexes de l’acte thérapeutique et en adaptant les expérimentations aux populations auxquelles elles sont destinées, à leurs référents culturels. Certains maux de l’époque actuelle (comme la dépression) et les problèmes financiers qu’ils commencent à poser, seront certainement des moteurs importants pour reconsidérer l’intérêt de recourir à d’autres paradigmes pour appréhender les pratiques traditionnelles, la puissance des actes symboliques27 accomplis et leur projection dans la sphère biologique, leur valeur psychothérapeutique, leur portée transcendantale. Les moyens technologiques actuels sont‑ils suffisants pour permettre de se prononcer de façon avisée sur ces domaines ?
35Comme le rappelle Beaune (1993) : « Le remède, le médicament, l’acte médical et chirurgical sont encore des phénomènes culturels qui mettent en question, à mesure de leur “invention” et de leur dicibilité même, les possibilités dont témoigne la société savante à les intégrer et la société tout court à les accueillir ».
36Il n’est nullement question d’aborder l’évolution des « médecines traditionnelles » ou d’analyser la façon dont leurs représentants (ont envisagé ou) envisagent – ou non – leur participation aux enquêtes réalisées par des chercheurs en ethnopharmacologie et, au‑delà, leur « contribution à l’amélioration de la thérapeutique mondiale », leur intégration à de nouveaux systèmes économiques, etc. Les comportements sont aussi nombreux et divers que les degrés d’intégration du savoir « biomédical ». Tout existe, depuis le refus de céder un tel « trésor » ou de le transmettre dans un cadre qui n’est plus celui de « la tradition » (la jeunesse locale ayant d’autres centres d’intérêt), à la coopération totale parce que « le savoir appartient à tous et il est là pour sauver les vies humaines et aider les personnes en détresse », en passant par le saut définitif du thérapeute, du monde de l’oralité à celui de l’écriture « pour que ce témoignage puisse servir à la famille, à la communauté » ou encore par le recours aux associations bénévoles de juristes qui apprennent aux minorités à défendre leurs intérêts.
- 28 Ils ont été choisis pour être représentatifs et sont particulièrement fréquents en Amérique Lati (...)
37Il ne s’agit ici que de présenter quelques exemples d’effets pervers que peuvent induire – ou pour le moins auxquels contribuent – les recherches en ethnopharmacologie ayant pour objectif l’évaluation des thérapeutiques traditionnelles. Trois cas28 seulement seront envisagés, en raison du cadre limité de cet exposé. Ces exemples concernent le Mexique et, au‑delà, plusieurs pays de l’Amérique Latine.
38De nombreux chercheurs désireux d’aider des minorités à préserver leur thérapeutique traditionnelle de la disparition, ont essayé de prouver le sérieux et la compétence de ceux qui la pratiquent. Afin de jouir d’un certain crédit auprès des autorités gouvernementales, des décideurs scientifiques et du milieu médical, ils ont basé leur plaidoyer sur les recherches scientifiques réalisées sur les substances naturelles des pharmacopées locales. Cette quête de légitimation des thérapeutiques traditionnelles a contribué, d’une certaine façon, à précipiter l’évolution, voire la disparition de certains savoirs.
- 29 En Amérique Latine, il s’agit surtout de celles qui ont été introduites par les Espagnols et uti (...)
- 30 Il est également diffusé par différentes personnes comme, au Mexique, les « promoteurs de santé (...)
39Un grand nombre de produits naturels utilisés en thérapeutique traditionnelle n’ayant pas encore été étudiés scientifiquement, ceux qui servent de référence pour tester le niveau du thérapeute traditionnel (voir infra) sont, pour la plupart, des plantes introduites29. Nécessaire aux thérapeutes pour justifier leur valeur, ce savoir scientifique – de tradition écrite – est diffusé30 par les organisations de « médecins indigènes » dont les rencontres ont lieu à travers toute l’Amérique. Il convient de souligner que ces réunions sont l’occasion pour les thérapeutes venant de pays très divers, de partager une partie de leurs connaissances. Toutefois, comme d’une part, les thérapeutes sont originaires de régions aux écosystèmes très différents et, d’autre part se retrouvent dans des zones où ils ne peuvent montrer les produits naturels qu’ils utilisent, le partage des connaissances se fait essentiellement sur la base de plantes introduites. Ces réunions – dont le but affiché est de préserver la pérennité de pratiques ancestrales – contribuent, en fait, à un nivellement des connaissances, à une homogénéisation à partir d’un savoir scientifique « globalisé » (Motte‑Florac, 1996).
40Au Mexique comme dans d’autres pays, les thérapeutes doivent être détenteurs d’une carte gouvernementale pour pouvoir exercer en toute légalité. Ce permis traduit le désir des gouvernements d’effectuer un tri entre « bons » thérapeutes (ceux qui administrent des remèdes préparés à partir d’une pharmacopée « reconnue ») et « charlatans » (ceux dont les pratiques sont insolites). Cette carte est délivrée au thérapeute traditionnel après vérification de ses connaissances mais seules sont appréciées celles qui sont relatives à la pharmacopée végétale (et seules sont prises en compte les espèces dont l’activité a été démontrée par des travaux scientifiques). Les pratiques qui ne relèvent pas de l’administration de remèdes sont considérées comme superflues, « folkloriques », « magiques », et dénigrées. Pour être crédibles et obtenir cette carte leur permettant d’exercer et d’être reconnus par les autorités locales, par leurs confrères et par la population, de plus en plus de thérapeutes n’hésitent pas à abandonner tous ces actes dont nous avons pourtant vu, à la fois qu’ils sont essentiels et que la science est incapable de les évaluer de façon sérieuse (Motte‑Florac, 1996).
- 31 Demandes de minorités déracinées à la recherche de pratiques qui soient en accord avec leur cult (...)
- 32 Un exemple parmi d’autres : une séance de temazcal (bain de vapeur traditionnel mexicain) au cou (...)
41Ces pratiques « folkloriques », « magiques » acquièrent, par contre, une réelle importance dans un cadre plus « urbain ». Elles sont réalisées sous des formes qui changent rapidement pour répondre à des demandes31 très diverses et en évolution constante. Nombreux sont les thérapeutes concernés qui, à travers ces pratiques, sont engagés dans des revendications identitaires. Se sentant écrasés par les pressions économiques, sociales et politiques, la mondialisation, cherchant à protéger leur culture « mise à mal par les Espagnols », ils se regroupent pour défendre leurs valeurs et organisent de grands rassemblements. Mais, comme nous l’avons vu à propos des plantes médicinales (voir supra), ces réunions ont un effet de nivellement qui va bien au‑delà de simples rencontres entres thérapeutes amérindiens de cultures différentes. Elles donnent lieu à des mélanges assez vertigineux entre médecines « traditionnelles » de tous les continents, pratiques alternatives du monde « occidental » mais aussi toutes les formes traditionnelles remodelées par le courant « new age », etc. On assiste ainsi à des séances thérapeutiques au cours desquelles langue et pratique appartiennent aux cultures locales mais dont les composantes sont nouvelles et fluctuantes32, intégrées de façons diverses.
- 33 Comme l’évolution des législations mondiales concernant les brevets pris sur « le vivant ».
- 34 Comme la mise en place de réglementations et législations grâce à l’effort d’associations et org (...)
42Même si certaines parties semblent perdues d’avance (à moins d’un renversement radical)33 et si, par ailleurs, certaines améliorations34 se font sentir et entraînent une certaine démobilisation, le débat éthique ne peut être écarté. Il oblige à mettre en lumière et sans compromis, les obstacles, complexités, confusions, troubles, qui existent chez tous les acteurs concernés, depuis les effets pervers des réglementations émises pour protéger les populations locales, leur environnement, leurs savoirs et savoir‑faire, jusqu’aux luttes internes qui paralysent les minorités dans leurs efforts pour préserver leur culture et leurs intérêts, en passant par les difficultés des firmes pharmaceutiques confrontées à la mondialisation, et leur cortège de répercussions sociales, de retentissements sur le réseau serré et interdépendant d’économies diverses, etc.
43Face à toutes ces difficultés, les sciences « exactes » doivent garder, plus que jamais, un souci fondamental d’honnêteté et d’humilité.