« Un échec de l’imagination collective ». C’était la réponse donnée par un collectif d’économistes après que la Reine ait demandé, lors d'une visite à la London School of Economics, pourquoi personne n'avait prédit crise de 2008. Malheureusement, les économistes sont loin d’être sortis de l’ornière. Dernier exemple en date, Olivier Blanchard, un économiste français professeur au MIT qui vient de s’exprimer pour expliquer en quoi le programme économique du Nouveau Front populaire est non seulement « dangereux » mais aussi « pire » que celui du Rassemblement National.
« Il est difficile d'imaginer que cela ne conduira pas les entrepreneurs à déplacer massivement leurs activités ailleurs », explique-t-il, en commentaire aux mesures visant à rétablir l’ISF, accroître la progressivité de l’impôt sur le revenu, et réformer l’impôt sur l’héritage. Deuxième argument : rehausser le Smic « conduira de nombreuses entreprises à faire faillite, de nombreuses autres à devenir non compétitives et à licencier des travailleurs, toutes les entreprises à réduire leurs investissements et la croissance à diminuer. »
Et en guise de synthèse : « En tant qu'économiste et personne parfois impliquée dans l'élaboration de politiques, je sais également qu'il existe un équilibre délicat entre la réduction des inégalités et le maintien d'une croissance forte. Le programme du NFP ne tient tout simplement pas compte de cet équilibre et ne peut que conduire, comme nombre de ses prédécesseurs, à une catastrophe économique. »
Les historiens du futur s’étonneront sûrement qu’en plein effondrement écologique, ce qui inquiétaient véritablement les économistes, c’était le Produit Intérieur Brut. C’est un angle mort qui à lui tout seul rend une grande partie de la discipline obsolète : considérer la croissance économique comme l’alpha et l’oméga des sociétés humaines. Nous ne pouvons pas agir pour le climat, cela ralentirait la croissance. Impossible d’assurer un salaire digne à toutes celles et ceux qui travaillent au salaire minimum : cela viendrait heurter la croissance. La soutenabilité (et la justice sociale) sont sacrifiées sur l’autel du PIB, avec des arguments douteux du type « ne pas toucher peinture fraiche », comme si notre système économique était un fragile château de carte.
En période d’élections, toutes les analyses qui commencent par « en tant qu’économiste » devraient être considérées avec une certaine suspicion. Ne laissons pas les économistes capturer le débat public et nous imposer les limites de leur pensée étroite. Les opinions d’Olivier Blanchard peuvent être discutées (il n’existe pas de consensus en économie sur ces questions – voir les liens en commentaire), mais ce n’est pas l’excès d’arrogance qui m’inquiète. Le plus effrayant, c’est de voir toute une génération d’économistes ferrailler sur des questions absolument périphériques, sorte de débat de salon sur comment disposer autrement les chaises sur le pont du Titanic.