« J’ai 28 ans et j’aime beaucoup le sexe, si ça te dit d’en discuter et d’échanger avec moi sur le sujet, on peut faire connaissance ;) » , « T’as un snap », « Envoie des nudes ».
Voici le type de messages que l’on a reçus, à peine inscrite sur la plateforme Rencontre ados sous le faux profil de Camille, 13 ans. Aucune preuve n’a été demandée pour justifier cet âge, ni accord parental pour autoriser cette inscription. En une poignée de minutes, et alors qu’aucune photo n’a encore été chargée sur le profil, ce sont des dizaines de demandes d’amis qui affluent. Toutes d’hommes bien plus âgés que la cible de ce site d’échanges, destinés aux jeunes de 13 à 25 ans. Et dont les attentions envers les jeunes utilisatrices sont loin d’être innocentes.
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Un repère de prédateurs sexuels
Créé en 2006, rencontre-ados.net fait l’objet depuis plusieurs jours d’une attention particulière de parents inquiets. Sur X (anciennement Twitter), ils et elles mettent en garde contre le site où les faux profils d’ados, mais véritables prédateurs sexuels, seraient légion.
Comme Madmoizelle, Franceinfo et Femme Actuelle, ainsi que des internautes, ont mené l’expérience et en tirent une conclusion similaire : nombreux sont les hommes ayant bien au-delà de la vingtaine qui s’inscrivent sur Rencontre ados pour solliciter des rapports sexuels avec des mineur·es ou des photos dénudées. Dès les premiers échanges, presque tous demandent de poursuivre la conversation sur Snapchat, dans l’espoir de soutirer des « nudes » à leurs jeunes victimes.
Ainsi, parmi les hommes qui atterrissent sur notre profil, on trouve « Poursamuser », qui dit avoir 17 ans et note dans sa bio être sur le site pour « parler, sympathiser ou s’amuser. Si tu es coquine hésite pas ou si tu veux découvrir ce que ça fait. Je m’adapte facilement donc doux hard domi soumi….. et tout pour te faire plaisir ».
Ou encore Warren, soi-disant 15 ans, à la recherche de « coups d’un soir » selon sa bio, et qui s’énerve lorsqu’on refuse de lui donner notre Snap.
Un site qui mélange délibérément mineur·es et majeur·es
Si Rencontre ados est aujourd’hui dénoncé par de nombreux parents, le phénomène est loin d’être nouveau. En 2019, déjà, Libération avait infiltré le site, ainsi que d’autres plateformes destinées aux plus jeunes et avait constaté qu’elles étaient trustées par les hommes adultes.
Interrogée par Libération, Justine Atlan, directrice générale de l’association e-Enfance, alertait déjà sur le peu de modération réalisée par ces plateformes, ainsi que sur le seuil d’âge fixé par ces sites, explicitement ouvert aux plus de 18 ans. « On ne devrait pas pouvoir mélanger mineurs et majeurs : 12-25 ans, c’est scandaleux. Les prédateurs sexuels qui cherchent des rencontres avec des pré-ados peuvent avoir 25-30 ans, aussi surprenant que ça puisse paraître. Les personnes qui gèrent ces plateformes s’en doutent bien. De plus, les prédateurs sont assez intelligents et migrent ensuite sur d’autres lieux d’échanges pour aller plus loin. Ces sites pour ados sont une porte d’entrée. »
Réguler ces sites pour ado est une nécessité, mais pas une priorité
Quid alors de la modération ? Contacté par Femme Actuelle via le formulaire de contact, rencontres-ado.net a déclaré ne pas répondre aux demandes d’interviews à ce sujet. Sur la page d’accueil du site, une annonce de recrutement de modérateurs parmi les membres vérifiés est depuis bien visible.
Mais pour Thomas Rohmer, le directeur de I’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, le manque de régulation fait aussi partie de leur stratégie. « Ce site s’inscrit dans la lignée d’un nombre conséquent d’autres sites qui ont toujours eu pour vocation de cibler, au niveau marketing, les adolescents ou en tout cas les jeunes, analyse-t-il pour Franceinfo. Cela a toujours existé, mais il est vrai qu’aujourd’hui, le débat sur la vérification d’âge des utilisateurs devrait être une priorité gouvernementale. Le problème est toujours le même : comment éviter que des personnes malveillantes puissent être en contact avec des mineurs sur Internet ? », explique-t-il à Franceinfo.
- L’article 227-22-1 du Code pénal dispose que le fait pour un majeur de faire des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique tel qu’internet est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
- L’article 227-23 du Code pénal prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende pour l’enregistrement ou la diffusion d’images à caractère pédopornographique : « Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsqu’il a été utilisé, pour la diffusion de l’image ou de la représentation du mineur à destination d’un public non déterminé, un réseau de communications électronique. »
Interrogée à ce sujet ce mardi 22 août sur les ondes de Franceinfo, la secrétaire d’État chargée de l’Enfance Charlotte Caubel a insisté sur sa volonté non pas d’interdire ces sites, mais de les réglementer. « Depuis l’été 2022, nous avons une loi qui impose aux sites d’obtenir l’autorisation des parents pour que les moins de 15 ans puissent s’inscrire sur ces sites. Nous sommes engagés pour que le décret d’application de cette loi sorte très vite. C’est un formidable levier, car cela impose le contrôle de l’âge de l’ensemble des clients. »
Mais cette loi risque de bien de ne pas s’appliquer pour Rencontre ados, qui est hébergé en Belgique. Charlotte Caubel reconnaît elle-même que cette domiciliation du site rend compliquée toute enquête, et donc toute condamnation.
En attendant une meilleure réglementation de ces sites, le mieux est encore de sensibiliser ses enfants aux dangers d’internet, et en particulier à ceux que représentent les réseaux sociaux et les plateformes d’échanges, qui sont une porte ouverte aux personnes aux intentions dangereuses. Il ne faut pas non plus hésiter à contacter l’association E-enfance, qui a mis en place un numéro national et gratuit, le 3018, pour répondre aux questions des parents et guider leurs usages numériques.
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