Ce 13 avril 2023, le monde découvre Jack Douglas Teixeira, jeune homme de 21 ans arrêté par le FBI pour avoir fait fuiter plus d’une centaine de documents secrets. Depuis une dizaine de jours, ce militaire américain balançait sur le réseau social Discord des fichiers, des rapports sur l’Invasion de l’Ukraine par la Russie et des photos qui finissaient rapidement sur toutes les grandes plateformes du web.
Déployé au sein de la 102e escadre de renseignement de la garde nationale aérienne du Massachusetts, le jeune Américain était également un membre d’un groupe d’une trentaine de personnes. Elles partageaient un intérêt pour les armes à feu, les jeux vidéo et des mèmes racistes. Jack Douglas Teixeira, profondément anti-Biden, a voulu, dans un sursaut de « patriotisme », dévoiler des documents secrets pour donner raison à ses arguments sur « le salon Discord ». Il risque jusqu’à dix ans de prison pour avoir transmis des documents de défense nationale. Cette fuite ne fait que mettre en lumière le manque de sécurité autour du partage de ces fichiers.
Des membres de la Garde nationale sur les bases du Massachusetts, aux généraux du siège de l’OTAN à Bruxelles, en passant par des bureaucrates américains installés dans le monde entier, le niveau d’autorisation « secret » n’a plus grand-chose d’extraordinaire. Des centaines de milliers de personnes avaient accès des briefings quotidiens sur le renseignement, des cartes de situation et des analyses détaillées de l’état du monde vu à travers les yeux de la communauté du renseignement américain.
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« De toute évidence, trop de gens ont accès à trop d’informations top secrètes qu’ils n’ont pas besoin de connaître », a déclaré Evelyn Farkas, responsable du ministère de la Défense pour la Russie et l’Ukraine sous le mandat de Barack Obama au New York Times.
Des documents imprimés puis pris en photo
Afin d’éviter une nouvelle fuite à la suite de l’affaire Snowden, l’administration américaine a mis en place des règles limitant la capacité des personnes à accéder électroniquement au matériel militaire. Ainsi, il était interdit de prendre avec soi des objets pour enregistrer les informations. « Le problème de Snowden était d’empêcher les gens de siphonner électroniquement des documents classifiés », a déclaré Javed Ali, ancien officier du contre-terrorisme. Or, les documents ont tout simplement été imprimés puis pris en photo par le jeune militaire.
« On peut évidemment se demander pourquoi quelqu’un qui occupe un poste relativement modeste et plutôt obscur au sein de l’armée, à savoir la Garde nationale aérienne du Massachusetts, peut avoir accès non seulement à certains des secrets les plus importants de la nation, mais aussi à un éventail aussi extraordinaire de secrets qui n’ont aucun rapport avec son travail », a déclaré Glenn Gerstell, ancien conseiller général de l’Agence nationale de sécurité.
Le Pentagone devra probablement faire face aux retombées de la fuite de dizaines de pages de documents sensibles pendant des mois. Les rapports sont un condensé brouillon de nombreuses discussions révélant la forte présence du renseignement américain à travers le monde et notamment au sein des cercles russes les plus intimes. Il montre aussi l’implication de pays comme la Corée du Sud dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine, ou même d’un possible accord de la Serbie avec l’Ukraine, alors que Belgrade serait proche Moscou.
Des infos modifiées par les Russes
Plusieurs documents ont également repris la propagande russe et été modifiés pour faire croire que l’Ukraine avait subi plus de pertes qu’estimées par les États-Unis. Ainsi, un rapport indiquant que 17 000 soldats ukrainiens auraient perdu la vie, a été transformé en 71 000 soit par les Russes et partagé sur des chaînes Telegram.
La base de données révèlerait aussi la présence de soldats français et britanniques en Ukraine. Sébastien Lecornu, le ministère de la Défense, a démenti la présence de soldats français en Ukraine, telle qu’elle aurait été révélée dans des documents attribués au Pentagone et divulgués sur les réseaux russes en milieu de semaine. Le porte-parole du ministre des Armées a déclaré au quotidien britannique The Guardian : « Il n’y a pas de forces françaises engagées en Ukraine. Les documents cités ne proviennent pas des armées françaises. Nous ne commentons pas les documents dont la source est incertaine. »
Officiellement, une équipe du GIGN, l’unité d’élite de la gendarmerie, était à Kiev au début de l’invasion pour renforcer la sécurité de l’ambassade française. Les rapports ont parfaitement pu intégrer cette information sans faire un état précis des forces en présence.
On imagine maintenant que Joe Biden doit des explications à tous les chefs d’États européens, depuis que ce militaire de 21 ans a révélé autant de secrets.
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