1 — Mark Zuckerberg ne s’est pas exprimé sous serment
En principe, les personnes passant devant des commissions parlementaires aux USA sont susceptibles de témoigner sous serment et les auditions sont publiques (sauf celles qui relèvent du secret défense). Lorsqu’une personnalité doit prêter serment, elle s’expose alors à des poursuites judiciaires pour parjure s’il est avéré qu’elle a fait un faux témoignage.
Si l’audition de Mark Zuckerberg était effectivement publique, il a été constaté que Mark Zuckerberg ne s’est pas exprimé sous serment, alors même qu’il se trouvait devant des représentants des commissions sénatoriales du commerce et de la justice, et que le président de la première, John Thune, a qualifié la nature de cette audition « d’extraordinaire ».
2 — Esquive de certaines questions difficiles
Avec une audition devant les membres du Sénat qui a duré pratiquement 5 heures, Mark Zuckerberg a été confronté par moments à des questions difficiles pour lesquelles il n’a pas su répondre ou été en mesure de fournir une explication claire. Ainsi, à quelques reprises, l’intéressé a déclaré ne pas avoir la réponse à cette question mais promis que ses équipes reviendront vers les élus pour la leur donner. Une consigne qui a probablement été donnée par ses équipes de communication… et ses avocats.
Par exemple, qui possède vraiment les données personnelles générées à travers Facebook ? Pour quelles raisons le site n’a-t-il pas alerté immédiatement les usagers dont les informations avaient été siphonnées par Cambridge Analytica, alors que la société avait connaissance d’un problème dès 2015 ? Combien a-t-il gagné avec les publicités achetées par des organes d’influence étrangers ?
3 — Pistage des membres déconnectés
Un exemple de l’embarras de Mark Zuckerberg sur certaines interrogations des sénateurs porte sur le pistage des internautes inscrits sur le réseau social mais qui se sont ensuite déconnectés. Le réseau social trace-t-il les données de navigation de sa communauté même quand elle n’est pas connectée ? Là encore, le PDG a préféré passer la patate chaude à ses équipes, en promettant qu’elles reviendront vers eux.
Il faut savoir que Facebook a été condamné en première instance en Belgique à cause de ça. Le tribunal a reproché à Facebook un usage trop intensif des cookies pour conserver les données et les habitudes des internautes, notamment à des fins de pistage, qu’ils aient ou non un compte. En France, la Cnil a infligé une sanction de 150 000 euros au site pour des raisons similaires (traçage via le cookie datr).
4 — Mark Zuckerberg apprécie sa vie privée
Mark Zuckerberg apprécie la vie privée. En tout cas, la sienne. On se souvient que le PDG du site a acheté les quatre maisons qui entourent la sienne en 2013 pour être tranquille. Ce désir de préserver son jardin secret a été très habilement mis en exergue pendant son audition. Le sénateur Dick Durbin a nonchalamment demandé au patron s’il serait disposé à partager le nom de l’hôtel dans lequel il a dormi avant d’aller au Sénat.
Après un moment de flottement, Mark Zuckerberg a fini par répondre par la négative et en souriant. Et serait-il partant pour dévoiler le nom des personnes avec qui il a discuté la semaine passée ? Pas davantage. Le sénateur a alors porté l’estocade : « Je pense que c’est bien de cela dont il est question aujourd’hui : votre droit à la vie privée […] et de savoir si vous êtes prêt à l’abandonner afin, je cite, de connecter les gens à travers le monde ».
5 — Facebook sait que les CGU ne sont pas lues
Mark Zuckerberg l’a admis devant les membres du Sénat des États-Unis : il ne croit pas que les internautes lisent l’intégralité des conditions générales d’utilisation (CGU), qui sont pourtant un contrat passé entre la plateforme et l’utilisateur qui s’y inscrit. Résultat, les personnes ayant un compte sur Facebook ne connaissent pas les règles auxquelles elles ont accepté de se soumettre, ni leur portée.
Ce n’est certes pas une surprise. On sait depuis longtemps que l’internaute ne lit pas les CGU (ce qui a d’ailleurs fait naître des initiatives comme cette IA qui synthétise ce qu’on y trouve, une éventuelle réglementation pour limiter la taille des CGU à cent mots ou encore le service Terms of Service;Didn’t Read pour résumer ces contrats), parce qu’elles sont interminables et difficiles à comprendre.
Mais entendre le patron du principal réseau social l’admettre est loin d’être anodin.
6 — Rejet d’une rumeur décrite comme complotiste
Il existe une rumeur persistante selon laquelle Facebook se servirait secrètement du micro des smartphones pour entendre ce que disent les membres du réseau social, afin de leur proposer ensuite des publicités ciblées en fonction de ce qu’ils disent. Aucune preuve n’a jusqu’à présent été avancée permettant de la démontrer et le site a à plusieurs reprises fait comprendre qu’il s’agit d’un fantasme.
On trouve par exemple un communiqué publié en 2016 dans lequel Facebook dément cette rumeur. Un an plus tard, le vice-président responsable de la publicité a déclaré que ce bruit de couloir est faux. Et pour la première fois, c’est au tour du patron de Facebook de prendre la parole à ce sujet, en la balayant d’un revers de main : il s’agit d’une « théorie du complot », Facebook « ne fait pas cela ».
7 — Course aux armements avec la Russie
Il existe une « course aux armements » entre Facebook et certaines officines qui sont suspectées d’agir pour le compte du Kremlin. « Il y a des gens en Russie dont le travail est d’essayer d’exploiter nos infrastructures et d’autres systèmes Internet » pour influencer sur le cours d’élections politiques, a jugé le patron du réseau social. « C’est donc une course aux armements ».
« Ils vont continuer à s’améliorer dans ce domaine, et nous devons investir pour continuer à nous améliorer dans ce domaine également », a continué Mark Zuckerberg. «Tant qu’il y aura des gens installés en Russie dont le travail est d’essayer d’interférer avec les élections dans le monde entier, ce sera un conflit actif ». Il a ajouté qu’il n’y a pas toujours eu d’incident, comme en France, même si des espions russes auraient utilisé Facebook pour perturber la campagne d’Emmanuel Macron.
Et qu’il y a eu l’affaire des fuites juste avant le second tour de l’élection présidentielle.
8 — Facebook est une place pour toutes les idées
« Considérez-vous Facebook comme un espace public neutre ou êtes-vous engagé dans un discours politique ? », a demandé un sénateur américain à Mark Zuckerberg, en lui signalant des allégations de censure et de suppression de discours conservateurs sur la plateforme. Alors que l’on prête au patron américain des ambitions politiques, il a rétorqué que « nous nous considérons comme une plateforme pour toutes les idées ».
« Notre but n’est certainement pas de nous engager dans un discours politique », a-t-il fait savoir. Mais il a ajouté qu’il y a « un certain nombre de choses dont nous sommes tous d’accord pour dire qu’elles sont clairement mauvaises », et qu’elles doivent donc être retirées séance tenante du site. En filigrane, on comprend qu’il peut s’agir de contenus terroristes ou pédopornographiques.
Ces propos ont été critiqués par Jillian C. York, la directrice des thématiques liées à la liberté d’expression à l’international, un programme géré par l »Electronic Frontier Foundation (EFF), une puissante organisation américaine de défense des libertés dans l’espace numérique. « Non, vous n’êtes absolument pas [une plateforme pour toutes les idées], et j’ai une décennie de recherche pour le prouver », a-t-elle asséné.
9 — Pas de situation de monopole avec Facebook
Facebook est-il en situation de monopole avec son réseau social, qui compte plus de 2 milliards d’inscrits ? « Ce n’est pas le sentiment que j’ai », a répliqué Mark Zuckerberg, ce qui a déclenché quelques éclats de rire dans l’assistance. Le patron du site a rappelé que les individus se servent en moyenne de huit applications pour communiquer avec leurs contacts.
Il existe techniquement d’autres réseaux sociaux, comme Google+ ou Diaspora, mais leur visibilité est nulle ou leur communauté n’est pas aussi étendue que Facebook, que ce soit sur le plan géographique ou de la fréquentation. En rappelant que Facebook a quand même de la concurrence, à défaut d’avoir un véritable équivalent, comme par exemple Snapchat, Mark Zuckerberg cherche à éloigner le spectre d’un démantèlement.
Le site a en effet atteint une telle ampleur que des voix se font parfois entendre au sujet de la nécessité de scinder certaines activités au nom d’un rétablissement de la concurrence et des règles limitant les comportements illicites de véritables « cartels », y compris dans le numérique. Ainsi plane la menace, encore diffuse, de découper Facebook afin de relâcher des sociétés comme WhatsApp ou Instagram,
Mais Facebook est-il vraiment un réseau social ? N’est-il pas plutôt un gigantesque service de publicités, déguisé en site communautaire ? Dans ce cas, ses concurrents sont plutôt des plateformes comme Doublick, de Google.
10 — Le RGPD, un peu, beaucoup… pas du tout ?
Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) est un texte qui sera appliqué à partir du 25 mai 2018 et s’imposera à toute entité manipulant des données personnelles d’un citoyen de l’Union européenne. En début d’année, le site a dit qu’il sera prêt pour le jour J. Cela étant dit, est-ce que Facebook va appliquer les prérogatives partout dans le monde, pour l’ensemble de sa communauté ?
En la matière, Mark Zuckerberg a soufflé le chaud et le froid. Devant les élus, le PDG a simplement déclaré que « tout le monde mérite une bonne protection des données » mais qu’il faut tenir compte des « sensibilités » d’un pays à l’autre. Ainsi, il a dit que le cadre américain « sera relativement différent ». Toutefois, certains aspects du RGPD pourraient être déployés partout, comme le consentement éclairé.
En tout cas, Mark Zuckerberg avait reçu l’instruction de ne pas dire que Facebook est en conformité avec le RGPD. Le site a toutefois jusqu’au 25 mai pour être dans les clous.
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