La chronologie des médias version 2025 émerge. Un premier accord avec les organisations a été conclu par Disney+ pour bénéficier d’une fenêtre de diffusion bien plus attractive qu’avant, en échange d’un financement accru de la création française. D’autres plateformes de la SVOD devraient aussi accéder à des délais d’exploitation renouvelés.

Qu’on se le dise : 2025 sera l’année d’un grand chamboulement pour la chronologie des médias, avec des rapports de force qui promettent d’être complètement renversés. On vient d’en avoir un aperçu très net en cette fin de mois de janvier. Disney+ a lancé une offensive pour récupérer une bien meilleure place, doublant Netflix au passage.

Dans ce nouveau cadre, Disney+ peut désormais diffuser les nouveaux films 9 mois après leur sortie au cinéma, et non plus attendre 17 mois. Cela fait de la plateforme de streaming américaine l’une des plus attractives pour voir rapidement des films. Actuellement, seul le couple myCANAL / OCS se trouve mieux loti, avec un temps d’attente de 6 mois.

Attention cependant : on sait que le cadre actuel de la chronologie des médias prévoit de nouvelles discussions pour février 2025. De fait, il est tout à fait plausible que les autres géants de la SVOD, comme Netflix, négocient avec les instances du cinéma français pour décrocher de nouvelles fenêtres de diffusion, en échange de financements en hausse.

D’autres accords avec les organisations sont donc à prévoir durant ce réaménagement de la chronologie des médias

En bout de course, c’est l’internaute qui en profite, puisque les films arrivent désormais plus vite en streaming sur les grandes plateformes de SVOD. C’est le reflet d’un changement de pratique dans la manière de profiter des œuvres, et l’une des meilleures réponses à donner contre le piratage, qui se nourrissait aussi de ces délais d’attente bien trop longs autrefois — il fallait parfois attendre des années.

Voici ce qu’il faut retenir dans les grandes lignes.

Quelle est la logique de la chronologie des médias en France ?

La chronologie des médias est un mécanisme français qui organise la diffusion des films après leur exploitation dans les salles de cinéma. Plusieurs supports (sortie en DVD et Blu-ray, Canal+, vidéo à la demande, télévision, SVOD, etc.) se succèdent au fil des mois, selon des règles particulières (comme le niveau de financement de la production ou le nombre d’entrées en salle).

Autrement dit, les chaînes et les plateformes qui apportent des fonds pour la création occupent une meilleure place dans cette chronologie des médias. Ainsi, elles se situent à un emplacement espacé à peine de quelques mois après la projection au cinéma, au lieu de devoir attendre une période très longue, qui peut se compter en années.

Source : Montage Numerama
Les plateformes de SVOD sont concernées par la chronologie des médias si elles opèrent en France. // Source : Montage Numerama

La chronologie des médias est ponctuellement actualisée, pour tenir compte des usages qui émergent, de l’arrivée de nouveaux concurrents et de l’évolution du paysage audiovisuel. La dernière fois qu’elle a été révisée, c’était le 21 décembre 2018 — l’arrêté qui a officialisé la nouvelle architecture a été publié au Journal officiel le 11 février 2019.

Il s’avère que la durée de validité de cette organisation était de trois ans. Il était donc plus que temps d’y revenir. Hélas, trouver un accord consensuel compte tenu des enjeux financiers et de parts de marché est un exercice d’une infinie complexité. Tout le monde cherche à avoir la meilleure place possible et tout le monde essaie de repousser ses rivaux à la pire.

Quand sortent les films en VOD après leur exploitation au cinéma ?

Une nouvelle version de la chronologie des médias a été signée le 24 janvier, en présence de vingt-huit professionnels du cinéma. Ce nouveau cadre est entré en vigueur le 10 février 2022, à l’expiration de l’ancien. Au Journal officiel de ce jour a été publié un arrêté qui détaille les nouvelles fenêtres d’exploitation.

Attention : de nouveaux délais d’exploitation et de nouvelles fenêtres de diffusion sont en train d’être déterminés avec l’industrie cinématographique française. Le tableau ci-dessous est provisoire, car les discussions entre les éditeurs de services de streaming et les organisations professionnelles se poursuivent.

Le dispositif final de la chronologie des médias sera connu d’ici quelques semaines, par un arrêté, une fois tous les détails réglés (délais d’exploitation par rapport à la sortie en salle, dispositions particulières, etc.).

Fenêtre de diffusion Nouvelle chronologie (2025)Ancienne chronologie (2022)
Vente et location (DVD, VOD, Blu-ray)4 mois4 mois
Canal+ / OCS6 mois8 mois
Disney+9 mois17 mois
Netflix15 mois36 mois
Amazon Prime, Max, Apple TV+, Paramount+17 mois36 mois
Chaînes gratuites (TF1, France 2, M6, Arte…)22 mois30 mois

Qu’est-ce que cet accord change pour les Français ?

Pour les Françaises et les Français, l’impact le plus évident est celui d’un accès plus rapide aux œuvres pour un certain nombre de supports. Les modifications les plus notables sont pour la SVOD, dont le temps d’attente a été divisé par plus de deux. Le resserrement profite aussi à la télévision gratuite, qu’elle soit privée ou publique. Canal+ aussi gagne du terrain.

Cette densification des fenêtres accroit la concurrence entre les plateformes, mais elle est censée aussi avoir un effet vertueux sur le comportement du public. Il est en principe moins tenté de se tourner vers le piratage si les films arrivent plus vite sur sa plateforme de prédilection — un temps d’attente de trois ans pour un film sur Netflix était jugé anachronique à l’ère de l’immédiateté.

Popcorn Time Home
Le piratage reste une pratique courante, mais l’étoffement de l’offre légale, des tarifs accessibles et une chronologie des médias modernisée sont vus comme des parades pertinentes.

Une incertitude demeure : compte tenu de certaines obligations nouvelles quant au financement de la création, il faudra observer si les grandes plateformes de vidéo à la demande par abonnement ne vont pas tôt ou tard faire évoluer à la hausse le prix de leur forfait mensuel. Ces ajustements s’observent parfois à l’étranger ; il n’y a pas de raison que la France y échappe toujours.

Pourquoi Netflix, Amazon Prime et Disney Plus ne sont pas sur la même fenêtre ?

Selon le journal L’Opinion, la raison réside dans le fait que Netflix a pu signer un accord bilatéral avec les professionnels du cinéma pour financer des films de petite envergure. Au global, Netflix fournit un effort financier d’environ 40 millions d’euros par an. Et sur ce montant, une fraction est fléchée à ces films produits avec un budget modeste.

C’est à travers ce sous-quota que Netflix parvient à gagner deux mois de plus sur ses deux rivaux directs dans la vidéo à la demande par abonnement.

Netflix. // Source : Unplash/Mollie Sivaram (photo recadrée)
Le géant de la SVOD a une position plus avantageuse avec la chronologie des médias de 2022. // Source : Mollie Sivaram

Pendant un temps, il a été envisagé de rapprocher davantage la fenêtre de la SVOD, à 12 mois au lieu de 15 et 17, en échange de leur contribution au financement du cinéma français, mais Canal+ a réussi à maintenir une cloison suffisamment large entre lui et les plateformes américaines pour ne pas avoir à subir trop directement leur concurrence.

Cette organisation engendre des frictions, car, toujours selon nos confrères, Disney+ n’avait pas l’intention de signer cette nouvelle chronologie des médias, car le service estime être bien trop loin de la sortie en salle (presque un an et demi d’attente), alors qu’il diffuse de nombreux films à travers ses filiales (Disney, Pixar, Marvel Studios, Lucasfilm).

Ces frictions peinent, de toute évidence, à être enjambées. En octobre 2022, Disney avait menacé de ne pas sortir le prochain Black Panther au cinéma, avant d’accepter de le projeter en salles. Selon la présidente de Disney France, les pouvoirs publics auraient reconnu la nécessité de moderniser encore la chronologie des médias, avec un calendrier précis pour en discuter. Des échanges étaient toujours en cours au mois de décembre.

Quand s’applique la nouvelle chronologie des médias ?

Cette chronologie des médias est entrée en vigueur le 10 février 2022, pour une durée de trois ans. Une nouvelle négociation doit advenir entre toutes les parties prenantes pour envisager à une mise à jour courant février 2025. Actuellement, il s’agit de la cinquième version de la chronologie des médias.

Les séries doivent-elles respecter la chronologie des médias ?

Non. Les séries télévisées ne sont pas soumises au cadre de la chronologie des médias, dans la mesure où elles ne sont pas diffusées dans les salles de cinéma, mais directement à la télévision ou sur les plateformes de vidéo à la demande. C’est ce qui permet, par exemple, de faire de sorties simultanées dans le monde entier ou à peine 24 heures après la diffusion aux USA.

On reverra Wanda au moins dans Doctor Strange 2. // Source : Disney+/Marvel
Les séries télévisées ne sont pas concernées par ce dispositif, car elles ne sont pas diffusées au cinéma. // Source : Disney+/Marvel

Y a-t-il des exceptions à la chronologie des médias ?

Il peut y avoir des règles spécifiques qui entrent en jeu et qui modifient dont l’échafaudage de la chronologie des médias. Par exemple, un film qui n’a pas fait beaucoup d’entrées en salles peut avoir le droit de glisser sur des fenêtres encore plus avantageuses. Dans le cas de la vente et de la location, le temps n’est plus de 4 mois, mais de 3.

Lors de la chronologie des médias précédente, le seuil permettant d’avancer un peu la fenêtre était de 100 000 entrées après un mois d’exploitation. Pour Canal+ et OCS, cela passait de 8 à 6 mois. Pour les chaînes de télévision gratuites, la durée basculait de 22 à 20 mois. Enfin, pour les plateformes de SVOD américaines, le délai était ramené à 34 mois, au lieu de 36.

D’autres dispositions peuvent aussi entrer en ligne de compte. Une plateforme de SVOD peut accéder à trois fenêtres (36, 30 et 17 mois, ou bien 34, 28 ou 15 mois pour les films de moins de 100 000 entrées), selon l’existence ou non d’un accord avec les organisations du cinéma et son niveau de participation au financement de la création.

(mise à jour pour l’année 2024)

Source : Montage Numerama

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