L’été rime souvent avec vacances à la plage. Certaines plages sont faites de sable, tandis que d’autres sont couvertes de galets. Chacun a sa préférence entre les deux, mais d’où vient la différence ? Comment se forment-elles ?

Pour les chanceux qui participent à la croisée des chemins estivaux, cette question évoque sans aucun doute un critère prioritaire dans le choix de la destination de vacances. Quels sont les processus en œuvre à l’origine d’un dépôt, qu’il s’agisse de sable ou de galets ?

Un dépôt sédimentaire correspond au transport d’éléments provenant de l’altération des roches sur le continent, et de leur sédimentation dans un milieu propice, ici le bord de mer. Qu’il s’agisse de sable ou de galet, ils correspondent à des sédiments dont la granulométrie diffère. Passons d’ailleurs sous silence la frontière qui sépare ces deux types de dépôts, pour éviter les débats de chiffre, et appuyons-nous sur l’expérience de chacun pour opposer un sable fin d’un dépôt de galet.

Plage de sable ou de galets ? Tout est une question d’énergie mécanique

Dans certaines conditions favorables, il est possible d’observer des dépôts de plages fossilisés dont la succession verticale des couches permet alors de saisir la variation des conditions de dépôt au cours du temps.

De cette manière, on déduit alors qu’un même milieu, sur quelques dizaines de milliers d’années, a pu présenter successivement des paysages très changeants, passant de la plage de sable à la plage de galets, voire à un pied de falaise peu accueillant. Le dépôt est donc sous le contrôle d’un ou plusieurs paramètres évolutifs.

De plus près, ces sédiments recèlent de nombreux indices renseignant sur leur origine, ainsi que sur leur transport. Alors qu’un dépôt de petits galets émoussés évoque un transport long favorable à leur fragmentation et leur polissage, un dépôt de blocs peu émoussés indiquera une fabrique avec peu de transport.

Ce constat souligne la nécessaire question du mode de transport. Au cours d’un effondrement, un bloc issu de la fragmentation d’une falaise se trouve aisément déplacé à quelques centaines de mètres de sa source, fonction de la pente rencontrée sur son trajet.

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Mais comment alors comprendre les dépôts loin de la source ? L’observation des processus actuels nous renseigne alors sur l’origine des dépôts anciens. Les cours d’eau sont les vecteurs de transport des fragments rocheux qui s’altèrent à plus ou moins longue distance des bandes littorales. Ce transport depuis la source prend le nom d’érosion. Les temps de transport ont été étudiés et concernent une période allant d’un simple épisode de crue (transport massif à longue distance) à plusieurs dizaines de milliers d’années.

Une fois le transport accompli, les fragments se déposent dans un milieu suffisamment calme pour que ces derniers ne subissent plus de déplacement conséquent. Les lieux calmes seront propices aux dépôts, et plus les milieux seront calmes, plus les fragments fins pourront s’y décanter, constituant alors les paysages typiques des baies et des anses.

À l’inverse, les fronts de mer où la houle est puissante ne constituent pas de bons milieux de dépôt. La sédimentation y est instable et le trait de côte correspond à de la roche dénudée, soumise aux assauts incessants des vagues de haute énergie. C’est un paysage récurrent des caps ou du front des îles dans le vent.

Tout est donc une question d’énergie mécanique mise en jeu dans la circulation de l’eau à la surface de la Terre. Lorsqu’elle s’écoule depuis sa source jusqu’à l’embouchure, l’eau perd de l’énergie potentielle en partie convertie en énergie cinétique. Loin en amont, le cours d’eau adopte un profil de pente conséquent, l’énergie en jeu y est alors forte et mobilise les fragments les plus massifs. En aval, le cours d’eau s’élargit et les pentes s’adoucissent. L’eau perd de son énergie. Les gros fragments se déposent dans le lit, et seuls restent mobiles les fragments de taille plus modérée… et ainsi de suite. En bout de course, on constate alors le long des cours d’eau, le résultat d’un classement des fragments.

Ce classement est complet dès lors que le lit du cours d’eau traverse de basses vallées dont la topographie est marquée par une très faible pente. Le développement total du cours d’eau est également souvent un bon indicateur du classement. Bien développé, le classement ne laisse plus que le sable parvenir à l’embouchure. Pour s’en convaincre, il suffit juste de comparer les photos satellitaires des embouchures de nos rivières principales. Si les grands fleuves rejettent en mer de grandes quantités de sédiments fins, l’observation montre que le sud-est de la France échappe à la règle.

Prenons le cas extrême de la région niçoise. Aucun grand fleuve n’assure l’approvisionnement conséquent des dépôts de plage. Autre particularité, tous les fleuves côtiers adoptent des pentes exceptionnellement fortes. C’est que la région niçoise est une région de montagnes. Le massif de l’Argentera situé à 50 km du bord de mer, culmine à plus de 3000 mètres d’altitude. L’énergie des rivières qui y prennent leur source se maintient donc jusqu’à leur embouchure. Le classement demeure donc incomplet et les dépôts qui atteignent la mer sont donc plus grossiers et hétérogènes.

Un détour par la chimie pour percer le mystère

Nous commençons donc à dessiner les contours d’une réponse à la question posée. Mais un détour par la chimie est nécessaire pour percevoir la complexité des processus en jeu. Le sable apparaît sur nos plages dès lors que les produits grossiers d’érosion se sont déposés sur le continent dans le lit des fleuves. Lorsque ce n’est pas le cas, ces gros éléments participent à la sédimentation du bord de mer. À ce stade, précisons que les plages de galets ne sont pas de beaux dépôts homogènes, mais qu’ils sont le résultat d’un mélange.

Cela présuppose donc que les cours d’eau charrient des fragments grossiers de type « galet », mais qu’ils emportent également une fraction de granulométrie plus fine donnant les sables. Dans les faits, les cours d’eau transportent les fragments des roches constitutives de leur bassin versant. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que toutes les roches n’adoptent pas le même comportement face à l’eau.

Une plage de galets. // Source : Canva
Une plage de galets. // Source : Canva

En tant qu’agent d’altération, l’eau est un solvant. Ainsi, pénétrant dans les fractures de la roche, elle modifie peu à peu la chimie des minéraux, en remettant en solution une partie des atomes constitutifs sous forme d’ions, ou en prenant part à leur composition. En tant qu’agent physique, les variations volumiques de l’eau, sous le contrôle de sa température, accomplissent également un véritable tour de force dans les fractures qu’elles agrandissent peu à peu. En substance, il faut donc retenir que l’eau est un corps simple aux propriétés complexes, qui fracture et modifie la composition des roches sur lesquelles elle s’écoule et dans lesquelles elle s’infiltre.

Un seul minéral résiste inlassablement aux assauts de l’eau, c’est le quartz. Il en résulte que toute roche possédant des cristaux de quartz (granite, grès…) sera soumise à la fragmentation, mais qu’elle produira en toute fin un dépôt fin de grains rendus indépendants, le sable.

Le rôle prépondérant des climats

Nos plages sont donc la conséquence des dépôts des produits de l’érosion des roches continentales. Emportés par les cours d’eau, les fragments, dont la nature et la granulométrie sont liées à la géologie régionale, sont triés par ordre de taille, en fonction du profil du cours d’eau. Les produits arrivés en mer se déposeront alors sur les traits de côte en fonction de l’énergie locale mise en jeu par les vagues et courants marins. Au regard de l’ensemble des processus dynamiques en jeu, on comprend mieux qu’un tel dépôt puisse évoluer dans des temps géologiques courts, de l’ordre du millier d’années.

L’histoire de nos plages est donc sous le contrôle essentiel de l’eau. Il paraît opportun de questionner l’impact des paramètres contrôlant le cycle de l’eau sur la répartition des plages. En 2018, une équipe de chercheurs néerlandais travaillant sur un outil de traitement de l’imagerie satellitaire a proposé une synthèse mondiale des traits de côte occupés par des plages de sable.

La latitude du lieu apparaît alors comme un paramètre discriminant, en d’autres termes, les climats ont un rôle prépondérant dans la distribution de nos plages de sable. À cela rien d’étonnant, à condition d’avoir bien assimilé que les conditions du transport par l’eau décident de la nature des plages en aval. Soumise à des précipitations continues et abondantes, la zone de convergence intertropicale présente un profil de relief très adouci, disloqué par l’érosion intense. Les pentes y sont faibles et le classement des fragments transportés maximal, de sorte que le sable se dépose bien avant le bord du continent. En bord de mer, les plages concentrent donc des fragments encore plus fins, les argiles, constituant le sol des mangroves. Sous nos latitudes et dans les zones tropicales, l’intensité de l’érosion est moindre, les plages de sable s’y concentrent. Quant aux dépôts de galets, ils sont finalement le fruit de contextes très locaux. De quoi évoquer en pointillés l’éventuel impact du dérèglement climatique sur la distribution des plages de sable.

Finissons-en par un clin d’œil qui a fait le tour de la toile en 2018, autant dire une éternité ! Une équipe de chercheurs anglo-saxons s’est penchée sur l’origine des sables blancs entourant les îles des mers chaudes. Un mystère qui ne trouve pas son explication dans notre article, car aucune roche de ces îles ne pouvait livrer de tels sédiments. Ces dépôts, qui composent le premier plan des plus belles photos de plage, dérivaient en fait des coraux environnants. Mais ici, l’eau n’était pas le facteur prépondérant de l’altération. C’est un agent biologique, le poisson-perroquet et son bec fascinant, véritable brouteur de coraux, qui assure l’approvisionnement en sable. En effet, ce dernier broie le squelette de l’animal et son tube digestif assure le tri. Le sable est alors un déchet rejeté et mobilisé par les vagues jusque sur les rivages. Un seul individu peut ainsi produire 100 kilos de sable par an. Voilà de quoi redorer le blason de nos jolies plages, dont chaque grain constitue plutôt un souffle dans la longue histoire de nos chaînes de montagnes.

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Fabrice Jouffray, Docteur en Géosciences, Université Côte d’Azur

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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