La Terre a connu cinq extinctions massives. Elles se définissent toutes par la perte de 75 % de la biodiversité au fil d’une courte période géologique (soit moins 2,8 millions d’années). Depuis quelques années, et notamment le livre La Sixième Extinction : comment l’Homme détruit la vie, l’idée s’impose de plus en plus que nous vivons une sixième extinction de masse, et que l’humanité en est la cause. À l’origine de ce constat, l’observation d’un déclin croissant de la biodiversité. Les insectes en font partie. Et parmi eux, les lucioles.
Une étude sur ce cas particulier vient de paraître, le 3 février 2020, dans le journal BioScience. Les auteurs pointent du doigt le manque d’attention envers les menaces qui pèsent sur les quelques 2 000 espèces de lucioles ; et ils espèrent corriger le tir avec la première étude vraiment complète sur ce sujet. En plus de préciser les menaces qui pèsent sur ce coléoptère unique, ils expliquent également leur rôle au sein des écosystèmes.
Les raisons du déclin des lucioles
Si les lucioles sont menacées, c’est avant-tout à cause de l’expansion humaine constante et de l’empreinte écologique que cet urbanisation génère. Parmi ces empreintes, la plus importante est la pollution lumineuse. L’une des caractéristiques physiques majeures des lucioles est de briller durant la nuit. Ce « super-pouvoir » offert par la nature ne relève pas que d’un petit bonus accessoire pour ces coléoptères : cela fait partie de leur mode de vie et joue un rôle dans leur reproduction. « En plus de perturber leur biorythme naturel, la pollution lumineuse saccage les rituels de rencontre des lucioles », explique l’un des co-auteurs de l’étude.
Les mâles brillent pour signifier qu’ils sont partants pour des ébats et les femelles émettent, en réponse, des flashs de lumière pour exprimer qu’ils sont également partantes. Sauf que la pollution lumineuse, qui provient des commerces et des habitations, perturbe la capacité des lucioles à repérer ces signaux… et les empêche donc de se reproduire. Le problème ne se pose pas seulement dans le voisinage immédiat des villes. La pollution lumineuse se diffuse bien plus loin.
Les habitats des lucioles sont rasés
Plus globalement, les lucioles subissent, comme tant d’autres espèces, la perte de leurs habitats. Les femelles de la branche Lampyris noctiluca n’ont pas d’ailes, ce qui signifie qu’à mesure que leur écosystème disparaît sous le coup de l’urbanisation, elles ne peuvent pas fuir pour s’installer ailleurs. Les biologistes donnent, en complément, l’exemple des lucioles malaisiennes. Elles installent leurs larves dans les mangroves, sauf que ces dernières sont rasées au profit des plantations d’huile de palme et des zones de pêche intensive.
Les insecticides participent eux aussi à faire des lucioles une espèce vulnérable. Les composés organophosphorés et les néonicotinoïdes sont des produits toxiques utilisés comme pesticides. S’ils sont censés détruire les indésirables, ils portent atteinte, comme effet secondaire, à des espèces tout à fait utiles naturellement, telles les lucioles. Enfin, les chercheurs évoquent bien d’autres facteurs, dont la pollution de l’eau et le changement climatique.
Pourquoi les lucioles sont importantes
Le déclin des lucioles a de quoi émouvoir : ces petits insectes lumineux ont une place particulière dans nos cœurs. Au-delà de cet aspect affectif, les lucioles ont une place économique et écologique importante. Économique, car leur valeur est culturelle : dans certaines régions, elles participent à l’attractivité dans le cadre de l’écotourisme. Écologique, car elles sont essentielles à de nombreux écosystèmes dans le monde.
Les lucioles jouent effectivement un rôle dans la chaîne alimentaire à la fois comme proies et comme prédatrices. De nombreuses espèces dépendent en partie d’elles pour se nourrir. Inversement, elles chassent d’autres espèces d’insecte que nous considérons comme indésirables. Ce cycle contribue à une certaine stabilité. À quoi nous pouvons rajouter que les lucioles sont d’incontournables pollinisatrices.
Les dangers qui pèsent sur les lucioles menacent la plupart des insectes
Sara Lewis, principale autrice de l’étude, explique à Popular Science que tout est parti d’une simple observation. En tant que biologiste, elle étudiait les lucioles depuis longtemps jusqu’à ce qu’elle se rende compte que « hey, on dirait qu’il y a bien moins de lucioles qu’il n’y en avait auparavant ». Un constat que prédisaient déjà de précédentes études, dont l’une publiée dans Nature en 2016 et qui s’intéressait à « comment le changement climatique peut affecter les lucioles ».
Elle précise aussi que parler des lucioles est d’autant plus important que « les lucioles sont en fait un insecte que tout le monde a envie de défendre ». Or, elles illustrent de façon très parlante une situation bien plus globale. L’impact que la pollution lumineuse a sur elle saute aux yeux, puisque ces coléoptères mobilisent la lumière. Mais les dangers qui pèsent sur elles — de ce type de pollution en passant par la destruction des habitats — menacent la plupart des insectes aujourd’hui.
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