Interrogée par Numerama, la Commission européenne juge positivement la décision d’Apple de ne pas lancer plusieurs fonctions d’iOS 18 en France. Elle y voit la preuve que cette « intégration de l’IA peut être anticoncurrentielle » et que la régulation permise par la législation DMA pousse les grandes plateformes à la prudence.

Apple publiera cet automne des nouveautés majeures sur ses appareils, dont Apple Intelligence (des intelligences artificielles génératives intégrées à ses systèmes d’exploitation) et iPhone Mirroring (l’écran de son iPhone sur son Mac). Ces fonctions n’arriveront pas dans l’immédiat dans l’Union européenne, car l’entreprise américaine dit craindre « des incertitudes réglementaires engendrées par le Digital Markets Act (DMA) ».

Le bras de fer entre Apple et la Commission européenne n’est pas nouveau, mais il n’avait jusque-là jamais incité la marque à bloquer des nouveautés en Europe. La marque californienne espère sans doute que sa clientèle du Vieux Continent fera pression sur l’UE dans le but de lui faire assouplir sa politique. Interrogée par Numerama, la Commission européenne, qui vient de condamner Apple pour violation du DMA, voit les choses autrement. De son point de vue, la capitulation d’Apple est une victoire pour la régulation européenne.

« Un signe d’inquiétude pour le reste du monde » : Bruxelles se félicite du blocage

Bruxelles tient à souligner que cette décision n’est pas due à une quelconque action de sa part, puisque Bruxelles ne suit pas les annonces commerciales d’Apple. « Apple a décidé de manière unilatérale de ne pas lancer des fonctions dans l’Union européenne », déclare Thomas Regnier, porte-parole de la Commission européenne, à Numerama.« On ne peut pas se prononcer sur les fonctionnalités sans les avoir vues », détaille-t-il.

Il précise que les grandes plateformes ont pour obligation de fournir des rapports et des démonstrations aux équipes en charge de la conformité avec le DSA et le DMA. « Plus de 100 personnes » travaillent sur le bon respect de ces deux textes par les grands groupes américains, et sont constamment en contact avec eux.

De son côté, la vice-présidente de la Commission européenne, Margrethe Vestager, y voit surtout un indice suggérant une incertitude chez Apple. « La décision d’Apple de suspendre le déploiement des fonctionnalités d’IA pour les iPhone dans l’UE par crainte de contrevenir à la loi est un signe d’inquiétude pour le reste du monde », a-t-elle dit en conférence de presse le 24 juin.

L’intéressée se dit par ailleurs étonnée de constater que d’autres juridictions ne s’inquiètent pas du fait que « cette intégration de l’IA puisse être anticoncurrentielle », alors qu’Apple lui-même semble penser qu’il ne peut pas lancer Apple Intelligence en Europe en l’état.

« Pour l’Union européenne, c’est un message positif. Les très grandes plateformes n’ont jamais été régulées auparavant, elles mettaient ce qu’elles voulaient en place. Aujourd’hui, ça montre à quel point que les plus grandes plateformes du monde sont concernées par les législations », analyse Thomas Regnier. Le fait que la décision vienne d’Apple lui-même, sans intervention de la Commission, est perçu comme une victoire.

Le Digital Markets Act (DMA) force les grandes plateformes, avec plus de 45 millions d’utilisateurs chaque mois (soit l’équivalent de 10 % de la population européenne), à s’ouvrir à des services concurrents, à ne pas imposer de services en exclusivité et à rendre des comptes à l’Union européenne. Elle vise à favoriser l’émergence de nouveaux outils en empêchant les géants de tout écraser sur leur passage.

DMA gatekeeper
Digital Markets Act : La liste des 22 services « gatekeepers » de l’Union européenne. // Source : Commission européenne

Apple a-t-il raison de craindre l’Europe ?

Le renoncement d’Apple sur le marché européen est-il un simple excès de prudence, avec pour seul but de mettre la pression aux régulateurs ? La réaction de Bruxelles laisse penser le contraire, alors que l’Europe semble se satisfaire de l’indisponibilité des fonctions d’iOS 18 sur le Vieux Continent. La Commission s’attend tout de même à ce qu’Apple adapte ses services dans le futur, puisque l’UE est « un marché ultra-attractif avec 450 millions d’utilisateurs », rappelle son porte-parole.

Quid du blocage de la fonction iPhone Mirroring, qui permet de voir l’écran de son iPhone sur Mac ? Sans l’avoir vue à l’action, la Commission européenne ne peut pas se prononcer sur son fonctionnement technique, mais elle se dit tout de même très étonnée par l’interprétation de la marque. Rien ne laisse penser qu’un tel système est incompatible avec le DMA. Ce que souhaite que la Commission est de « donner de la liberté pour s’assurer que le marché reste ouvert », ce qui suggère qu’une intégration d’une seule IA dans tout un écosystème, sans ouverture à la concurrence, n’est pas possible. Mais rien ne bloque techniquement les autres fonctions.

Le nouveau Siri utilise vos données locales pour fournir des réponses personnalisées. Une capacité que n'ont pas les startups concurrentes.
Le nouveau Siri utilise vos données locales pour fournir des réponses personnalisées. Une capacité que n’ont pas les startups concurrentes. // Source : Apple

Interrogé sur le risque que les particularités du DMA engendrent une régulation qui nuit à l’intérêt du consommateur, le porte-parole rejette cette idée volontairement véhiculée par les entreprises qui en subissent aujourd’hui les effets. « Le DMA veut que des petites startups puissent être compétitives. Ça n’a pas d’avantage pour les consommateurs d’avoir des géants qui écrasent tout le monde. » Bref, Apple Intelligence en France n’est pas pour maintenant, même si la Commission se dit ouverte aux discussions avec Apple. La marque, de son côté, s’engage « à collaborer avec la Commission européenne pour tenter de trouver une solution ».

Source : Numerama
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