Mark Zuckerberg a développé une intelligence artificielle pour contrôler sa maison. Qu’a-t-il appris de cette expérience ?

Souvenez-vous : début 2016, Mark Zuckerberg se donnait un défi personnel qui consistait à construire une « intelligence artificielle » capable de contrôler sa maison. Et contrairement à nous, simples mortels, qui ne sommes pas capables de tenir la moindre résolution, Zuckerberg est parvenu à ses fins. L’intelligence artificielle qu’il a développée, nommée Jarvis, est une combinaison de domotique, de bot Facebook Messenger, de reconnaissance vocale et d’apprentissage machine. Et le CEO de Facebook vient tout juste de publier un long résumé de sa quête, plutôt instructif.

Le problème de l’IA

Histoire de faire les choses à l’envers, évoquons d’abord sa conclusion, qui nomme le principal enjeu de la recherche en intelligence artificielle aujourd’hui : l’apprentissage. Zuckerberg estime que c’est l’une des clefs qu’il va falloir trouver si l’on souhaite avancer plus vite, dans la mesure où aujourd’hui, toutes les techniques d’apprentissage reposent sur un même socle, à savoir la reconnaissance de motifs. Au sens très large du terme : il peut s’agir d’images, de sons, de voix, de mouvements, de dessins. Zuckerberg estime qu’il a passé 100 heures cette année à programmer son IA mais que s’il avait passé 10 fois plus de temps dessus, il n’aurait pas un système capable d’apprendre des choses tout seul.

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Ce débat fondamental autour de la recherche en intelligence artificielle ne date pas d’hier. Le prix Pulitzer Douglas Hofstadter l’évoquait déjà dans son Gödel Escher Bach, quand il estimait que la recherche en IA devait être un programme pour découvrir « les structures logicielles de notre esprit ». L’universitaire estimait que la route vers l’IA était longue et complexe et avait proposé d’ouvrir une voie qui couvrirait tout ce qui était nécessaire pour l’amener vers la réflexion, créativité et apprentissage inclus.

Comme le rappelle le très beau portrait paru dans The Atlantic, l’héritage d’Hofstadter a été acclamé puis est tombé subitement dans l’oubli : l’histoire de la technique a préféré emprunter une voie plus simple, plus rentable mais plus efficace, celle de l’intelligence artificielle qu’on connaît et dont l’exemple le plus marquant peut être la victoire de l’ordinateur sur l’humain aux échecs. En bref, l’apprentissage par la répétition et l’usage de cet apprentissage dans un champ d’actions possibles : plus il y a de combinaisons connues, plus la machine paraît puissante. Tentez de lui apprendre un concept hors de son champ, elle sera complètement perdue.

C’est précisément ce à quoi est confronté Mark Zuckerberg aujourd’hui avec sa maison : elle sait apprendre la différence entre deux mots quand on les lui répète un nombre considérable de fois, mais elle est incapable d’apprendre une série de mots d’une autre qualité pour créer de nouvelles interactions. Si, demain, Zuckerberg ajoute un élément à sa maison, il devra programmer un nouveau bout de code pour que son IA le prenne en compte. Ce qu’il veut, en fait, c’est pouvoir lui apprendre à apprendre.

Zuckerberg veut pouvoir apprendre à apprendre à son IA

Un standard pour la domotique ?

Passées ces considérations qui sont peut-être les plus fondamentales de l’article, on apprend que Zuckerberg est allé plutôt loin dans l’automatisation des tâches. Il contrôle en effet ses stores, ses lumières, ses portes, son système Sonos, sa télé Samsung et ses caméras Nest entièrement depuis son logiciel. Il a trouvé fondamental le fait d’avoir une application sur smartphone pour contrôler son intelligence artificielle : pour lui, un outil comme Amazon Echo est intéressant mais incomplet, dans la mesure où il ne vous suit pas partout. Le smartphone est toujours à portée de main, même à distance.

Les smartphones sont aussi suffisamment petits et puissants maintenant pour être mis dans chaque pièce d’une grande maison comme la sienne, ce qui lui permet d’avoir de petits ordinateurs connectés à Internet et capables d’écouter tout ce qu’il dit en permanence à la recherche d’une requête qui servirait à déclencher quelque-chose.

D’ailleurs, et c’est un point assez intéressant qui n’est pas encore résolu par une entreprise grand public, Zuckerberg estime que les demandes les moins précises sont celles qu’un utilisateur désire le plus. Par exemple, il a plus eu besoin que son IA sache lui mettre une liste musicale qu’il apprécie à la commande « Mets-moi de la musique » qu’il n’a eu besoin de trouver le morceau spécifique d’un artiste en particulier. Ajoutez en plus à cela que l’IA doit apprendre, du coup, ce qui plaît, ce qui ne plaît pas et ajuster ses suggestions en conséquence.

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« Ou alors on connecte directement le cerveau des gens dans une matrice »

Enfin, le dernier argument particulièrement digne d’intérêt soulevé par Zuckerberg est celui de l’incompatibilité des appareils. Pour arriver à ses fins, il affirme avoir dû faire du reverse-engineering pour mettre en relations les interfaces et autres API des différents services et composants qu’il utilise. Il est aujourd’hui impossible de faire réagir simplement un grille-pain à un réveil matin — et pourtant, c’est ce qu’on imagine être le B.A.-BA de la maison connectée. « L’industrie doit développer des API communes et des standards pour que les machines puissent parler entre elles », affirme-t-il.

C’est ce que proposent dans une certaine mesure des sociétés comme Philips avec les Hue ou Nest avec ses thermostats qui peuvent interagir, mais on est encore loin d’une communication efficace. Des plateformes comme HomeKit chez Apple peuvent faire office de pont entre les appareils mais ne sont pas une solution idéale, dans la mesure où elle ne s’utilisent qu’avec un seul écosystème.

Le Jarvis de Zuckerberg reste donc bien éloigné de celui d’Iron Man à qui il emprunte le nom. Cela dit, le fait qu’un seul développeur malin et plein de volonté soit capable d’accomplir cela en une centaine d’heures laisse augurer du meilleur pour le grand public à moyen terme. Reste que le principal problème, celui de l’apprentissage réel des concepts par la machine n’a pas encore été résolu et sera, peut-être, le véritable palier qualitatif.

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