Paper Mario : La Porte Millénaire est le meilleur jeu de la saga

Avec la sortie du remaster sur Nintendo Switch, toutes les raisons sont bonnes pour se replonger dans l’aventure Paper Mario 2 : La Porte Millénaire.

Ces dernières années, il ne se passe pas un mois sans qu’un remake ou un remaster d’un de nos jeux vidéo préférés ne soit annoncé. Bon ok, c’est toujours sympa de se faire titiller fermement la corde nostalgique, mais soyons honnêtes, au bout d’un moment, il faut savoir s’arrêter et surtout se renouveler. Ceci est exactement ce que j’aurais dit si Nintendo ne m’avait pas encore fait craquer en annonçant une version remise au goût du jour d’un des plus grands classiques de son catalogue Gamecube : Paper Mario: La Porte Millénaire. Traitez-moi de faible ou de pigeon si ça vous chante, au vu des réactions des joueurs pendant le Nintendo Direct de septembre dernier, je peux vous dire que je n’étais clairement pas le seul.

Bien sûr, si Big N a opté pour un revival de cet opus en particulier, ce n’est absolument pas un hasard. Déjà parce que l’opus original sorti le 21 avril 2003 fêtait ses vingt ans en 2024, mais aussi parce qu’on parle là d’une des plus mémorables itérations des aventures papier du plombier moustachu. Demandez à n’importe qui les ayant parcourus quel est le meilleur jeu de la licence Paper Mario, voire même de l’intégralité des jeux Mario à la sauce RPG, et il y a de fortes chances qu’on vous réponde sans équivoque, La Porte Millénaire. Pourquoi ? Parce qu’en plus de corriger la plupart des défauts de son aîné sorti trois ans plus tôt sur Nintendo 64, Paper Mario 2 se paye le luxe d’améliorer la formule et d’amener notre héros vers des sommets qu’il n’avait encore jamais effleuré.

Paper Mario : La Porte Millénaire, la suite parfaite

Graphiquement, si la DA en papercraft du premier opus jouissait déjà d’un certain charme, elle est réellement sublimée par le passage à l’ère 128 bits. Incontestablement, Paper Mario : La Porte Millénaire est juste un régal pour les yeux : les couleurs sont plus chatoyantes, les décors plus riches et diversifiés et les personnages bien plus détaillés. Tout cela cumulé va donner à l’univers du jeu un aspect organique et bien plus cohérent que sur l’opus précédent.

Le gameplay de la Porte Millénaire est également une merveille et prouve à lui seul qu’il est tout à fait possible d’améliorer grandement cette formule historique du tour par tour qui a déjà fait ses preuves. Comme dans l’épisode 64, on retrouve au cœur des combats les commandes actives et dynamiques à effectuer pour augmenter les dégâts infligés et diminuer ceux subis par notre personnage, les pouvoirs étoiles, les badges, les partenaires et tout le tintouin. A ceci près que tous ces éléments ont été poussés à leur paroxysme.

Exemples : chaque attaque dispose d’une commande unique à réaliser en plus de disposer d’un ou plusieurs mouvements de style cachés. Le système de défense intègre également une toute nouvelle logique de riposte Même les pouvoirs étoiles qui jusqu’à présent étaient cantonnés à des rôles d’invocations passives à la Final Fantasy demandent désormais des talents d'exécution pour être utilisés à leur plein potentiel. Au fil des combats, le joueur perd ainsi son rôle de stratège passif pour se retrouver activement mis à contribution à chaque instant. Résultat : on ne s’ennuie jamais manette en main.

Vous l’avez peut-être noté, mais une fois encore, le terme “rôle” n’a pas été choisi au hasard puisque tous les combats de La Porte Millénaire sont mis en scène à la manière d’une représentation théâtrale. Non-content de s’ouvrir sur un lever de rideau et de littéralement se dérouler sur les planches d’une scène, ils sont constamment portés par la présence d’un public. Loin d’être anecdotique ou simplement visuel, celui-ci ne demandera qu’à être diverti et impressionné pour vos actions. Donnez aux Toads qui le composent ce qu'ils veulent et ils sauront vous galvaniser pour vous permettre de remplir encore plus rapidement votre jauge étoile tout en bénéficiant de nombreux bonus. Un ajout des plus originaux et ô combien stimulant qui vient appuyer encore un peu plus cette théorie bien connue des fans qui affirme que tout l’univers de Mario n’est qu’en fait qu’un immense spectacle vivant.

Si vous trouvez cela déjà dense, sachez que le gameplay de Paper Mario 2 regorge d’encore plus de features inédites et surprenantes. Le système de bingo et les aléas de terrains par exemple, mais nous vous laissons le plaisir d’en découvrir toutes les subtilités par vous-mêmes.

Les jeux Mario n’ont jamais brillé par la profondeur ou la qualité de leur scénario ? Foutaises, Paper Mario 2 fait bel et bien figure d’exception à cette règle.

La technique et le gameplay, tout ça c’est bien beau, mais qu’en est-il de l’histoire du jeu ? Après tout, qu’est-ce qu’un bon RPG sans une histoire digne de ce nom et qui nous donne envie d’aller jusqu’au bout ? La question se pose d’autant plus que comme chacun sait, même si ce n’est pas ce qu’on leur demande, les jeux Mario n’ont jamais brillé par la profondeur ou la qualité de leur scénario. Foutaises puisque Paper Mario 2 fait bel et bien figure d’exception à cette règle.

L’histoire du jeu commence avec les frangins Mario et Luigi qui vivent leur petite vie tranquille au Royaume Champignon. Alors qu’ils vaquent à leurs occupations quotidiennes, ils reçoivent une lettre de la Princesse Peach. Celle-ci ne les invite pas à déguster un délicieux gâteau dans son château, mais leur raconte plutôt qu’elle a trouvé une carte au trésor dans la ville malfamée de Port-Lacanaïe et qu’elle souhaite que Mario la rejoigne pour tenter de mettre la main sur ce fameux trésor. Ni une ni deux, le plombier se rend alors sur place, mais la bougresse est introuvable. En route pour la retrouver, il fait la rencontre de Goomélie, une Goomba archéologue également à la recherche du trésor de Port-Lacanaïe et du professeur Goomstein qui leur explique que ce qu’ils convoitent est caché derrière la fameuse Porte Millénaire. Une porte scellée qui ne s’ouvrira que lorsque les sept gemmes étoiles seront rassemblées. Problème, ce fabuleux trésor est également recherché par Cruxinistre et ses sbires. Bien entendu, les membres de l'organisation criminelle des Mégacruxis n'hésiteront pas à mettre des bâtons dans les roues de Mario pour arriver à leurs fins.

Dis comme ça, ça casse pas trois pattes à un Catacouac et on retrouve même dans ce pitch quelques poncifs propres à la série Mario. Ceci dit, avouez que c’est quand même un peu plus profond que la rengaine habituelle “La Princesse Peach se fait kidnapper par Bowser et Mario part remuer ciel, terre, mer, désert et volcan pour la sauver”. Preuve de l’originalité scénaristique du titre, il y a même un chapitre qui se permet de parodier Le crime de l'Orient Express, célèbre roman policier d'Agatha Christie. Rappelons quand même qu’on est dans un jeu Mario, et un spin-off qui plus est ! Si ça ce n’est pas de l’audace, on se demande ce que c’est.

Et qui dit aventure épique dit aussi compagnons d'infortune. Là encore, Nintendo s’est montré généreux avec pas moins de sept gugusses qui vous accompagneront tout au long de votre périple. Des partenaires qui non seulement vous seront utiles en combat et dans l’overworld grâce à leurs différentes compétences, mais qui en plus sauront se montrer tous plus attachants les uns que les autres. En effet, contrairement à leurs homologues de Paper Mario premier du nom qui, en plus d’arborer des design plutôt classiques, se cantonnaient avant tout à des rôles de personnages fonctions, vos acolytes de La Porte Millénaire disposent tous autant qu’ils sont d’un arc narratif complet et toujours bien écrit. Clairement, si nous étions dans un véritable RPG papier, tous auraient de quoi ajouter de nombreux points de charisme et de profondeur à leur fiche de perso.

Bien entendu, nous ne vous dévoilerons rien sur le mystérieux destin de vos acolytes de Paper Mario 2, au risque de gâcher le plaisir de découverte de celles et ceux qui découvriront le jeu en 2024. On vous dira seulement que l’histoire de Bombart, le bob-omb pirate promet de vous tirer quelques larmes et que la sorcière Viviane, en plus d’être l’une des side kicks les mieux écrit du lot, est l’un des rares personnages transgenre officialisé par Nintendo après Birdo (voir vidéo de confirmation par GameXplain ci-dessous, en anglais).

Les PNJ jouent eux aussi un rôle très important dans le monde de Paper Mario 2 et sont même des pièces maîtresses, autant dans la mise en scène burlesque du titre que dans l’expression de son humour absurde. Disons-le, rarement dans un jeu, on prend autant plaisir à leur adresser la parole tant ils auront toujours un petit dialogue délirant ou une référence bien placée à nous offrir, en plus d’avoir des designs originaux et de la personnalité. Dans plusieurs dialogues même, le jeu nous surprend à casser le quatrième mur, quand ce n’est pas Mario lui-même qui va se plier en quatre ou s’enrouler tel un poster de papier pour le traverser.

La perfection n’est hélas pas de ce monde et Papier Mario : La Porte Millénaire souffre tout de même d’un défaut majeur, son rythme irrégulier

Un DA sublime, un gameplay aux petits oignons, un univers organique riche et varié, une narration maîtrisée et des personnages attachants… Avec tous ces ingrédients cumulés, on pourrait presque arguer sans sourciller que Papier Mario : La Porte Millénaire est un jeu parfait. Mais comme vous le savez, la perfection n’est hélas pas de ce monde et aussi merveilleux soit-il, le jeu souffre tout de même d’un défaut majeur, à savoir son rythme irrégulier qui par moments nous impose de faire des allers-retours incessants. Une faute qu’on lui pardonne sans trop de mal au vu de ses innombrables qualités et du calibre de l’expérience globale. Surtout quand on sait qu’aucun autre titre de la licence Paper Mario sorti depuis n’aura finalement réussi à surpasser cet épisode Gamecube.

3D, stickers, peinture, origamis et papier froissé

20 années se sont donc écoulées depuis la sortie initiale de La Porte Millénaire. Durant toute cette période, la saga Paper Mario a continué à vivre et se développer au travers quatre nouveaux épisodes sortis au fil des générations de machines : Super Paper Mario sur Wii en 2007, Paper Mario: Sticker Star sur 3DS en 2012, Paper Mario: Color Splash sur Wii U en 2016, et enfin Paper Mario: The Origami King sorti sur Nintendo Switch en 2020. Quand bien même chacun de ces jeux a tenté de renouveler la formule Paper Mario à sa manière, force est de constater que l’aura de la licence a progressivement perdu de sa superbe. L’émerveillement auprès des joueurs s’est malheureusement estompé d’année en année, et ce en dépit de chiffres de ventes toujours plus élevés.

Super Paper Mario a beau être une masterclass pour beaucoup, notamment grâce à son scénario encore plus profond et élaboré que celui de La Porte Millénaire, beaucoup de ceux qui y ont joué ont déploré l’abandon du genre RPG au profit d’un jeu davantage orienté vers l’action / plateforme. Si les goûts et les couleurs ne se discutent pas, cet épisode exclusif à la Wii reste l’exemple parfait pour prouver qu’il est tout à fait possible de faire un excellent jeu, tout en chamboulant totalement son gameplay.

La vérité, c’est que c’est surtout à partir de l’épisode suivant, Sticker Star que le destin de la licence Paper Mario a pris une tournure dramatique auprès des joueurs. Qu’on vous explique : lors du développement de ce jeu, c’est la toute première fois dans l’histoire de la saga Mario Papier que Shigeru Miyamoto, papa emblématique du plombier moustachu, décide d’intervenir directement dans la création d’un jeu. Sur le papier (lol), on peut raisonnablement penser que l’initiative est louable étant donné toutes les belles choses dont il est à l’origine. Dans la réalité en revanche, son implication va purement et simplement ruiner tout ce qui faisait le charme des jeux Paper Mario.

Effectivement, alors que la saga a toujours su se démarquer par une grande liberté créative et un véritable supplément d’âme, autant sur le fond que sur la forme, ce bon vieux Shigeru va imposer aux développeurs d’Intelligent System de revenir sur quelque chose de plus proche des jeux Mario classiques. Entendez par là créer le moins de personnages originaux possibles et à l’inverse privilégier l’utilisation de figures connues de l’univers Mario.

Mais ce n’est pas tout puisque après avoir lu une enquête du Club Nintendo au sujet de Super Paper Mario qui disait que seulement 1% des joueurs considérait l’intrigue comme un point fort du titre, Miyamoto-san acta alors que l’épisode suivant sur 3DS ne bénéficierait d’aucune histoire complexe, arguant que “si un jeu fonctionne très bien sans scénario, ce dernier n’a aucune raison d’exister”.

Si son argument paraît tout à fait recevable, encore faut-il que le gameplay soit au rendez-vous. Or, dans le cas de Sticker Star, celui-ci n’est malheureusement pas au niveau. Pire encore, sa mécanique très mal pensée des stickers va tout simplement ruiner la quasi-intégralité du plaisir de jeu, particulièrement les combats d’ailleurs. Résultat, avec un gameplay frustrant à souhait, une DA lissée et une histoire aseptisée de tous les côtés, on comprend pourquoi cet épisode 3DS est le moins bien noté de tous les Paper Mario sur Metacritic, avec un score utilisateur de 5,4/10. Si ce bon vieux Shigeru mérite évidemment tous les éloges qui lui sont faits depuis bientôt quarante ans, n’oublions jamais qu’il est aussi celui qui a souillé l’héritage d’une des licences les plus cultes de Nintendo. Dans notre malheur cependant, et en dépit de la piètre qualité de ce dernier jeu, ses musiques et la finesse de son humour reste d’excellente facture.

L’épisode suivant, Color Splash sur Wii U aura beau corriger quelques défauts de son aîné, ces ajustements couplés aux quelques nouvelles bonnes idées du titre ne seront malheureusement pas suffisants pour rendre à la licence sa gloire d’antan. D’autant que cet épisode ne s’est finalement que très peu vendu, la faute au faible succès commercial de la Wii U dans les foyers du monde entier.

L’espoir a néanmoins de nouveau pointé le bout de son nez en 2020 avec la sortie du dernier épisode en date, The Origami King sur Nintendo Switch. Même si le spectre de Miyamoto plane encore sur cet épisode au travers certains aspects, ce dernier reste un très bon jeu auquel tout bon fan de la saga Paper Mario se doit d’avoir joué au moins une fois. Simplement car s’il ne parvient pas à atteindre le niveau de maîtrise de La Porte Millénaire, il n’en est pas si loin et a au moins le mérite d’avoir remis la saga Paper Mario sur de bons rails.

A l’aube de la sortie de cette version remise au goût du jour du sacro-saint Paper Mario 2, difficile de savoir ce que Nintendo envisage pour la suite des aventures papier du plombier moustachu. La firme de Kyoto va-t-elle poursuivre le retour aux fondamentaux du jeu de rôle amorcé par ce remaster et celui du pionnier Super Mario RPG ou pensent-elles, au contraire, à revenir sur une composante plateforme / action davantage tournée vers le grand public ? Bien sûr, il est également envisageable qu’elle coupe la poire en deux en proposant une formule hybride qui allierait le meilleur des deux mondes, tout comme il est possible qu’elle s’oriente vers quelque chose de totalement nouveau.

Dans un cas comme dans l'autre, gardons en tête que les développeurs ne pourront, de toute façon, jamais satisfaire tout le monde. Face à ce dilemme insoluble et au vu du succès qu’a rencontré The Origami King, réjouissons-nous plutôt que des créatifs aient encore à cœur de proposer de nouvelles idées aux joueurs afin de les surprendre et de les émerveiller toujours plus. Après tout, n’est-ce pas finalement cela le secret de fabrication d’un bon Paper Mario ?


Jérémie Léger est rédacteur freelance IGN France.

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