Paper Mario: The Thousand-Year Door [Remake] - Critique

Qualité, épaisseur et grammage au rendez-vous

Les fans de Paper Mario 2 défendent, depuis presque vingt ans désormais, leur titre dans le Grenelle de la Fanitude Performative. Je le sais, je fais partie du problème. Dans les tous derniers jours de la Nintendo 64, après un Paper Mario déjà tout en simplicité, mais charmant d'un bout à l'autre, la franchise revenait un petit lustre plus tard, et s'est imposé comme le "dernier excellent RPG Mario". Après, la franchise Mario et Luigi a quelque peu périclité, non sans offrir de bons épisodes de départ. La suite de Paper Mario sur 3DS et autres, c'est comme le Fight Club, on en parle pas. La franchise a choisi de dépiauter tout ce qui y était intéressant, sans doute parce que quelque part chez Nintendo, une grosse légume commande des pizzas juste pour manger la croûte.

En bref, dans le tête du fan club, Paper Mario : La Porte Millénaire représente le concept "paper" (dans la direction artistique, vous l'aurez compris - personnages et décours, tout est de papier) à son apogée, un peu par défaut et aussi parce que le titre original est excellent.

Je suis convaincu que c'est vrai. Car Paper Mario 2 reprend des bases plus que solides pour en faire une aventure à l'ADN similaire, avec des similarités aux latitudes scientifiques (la durée de vie de trente heures à la seconde près, un art chez Nintendo) tout en améliorant deux-trois choses, rajoutant du contenu ici et là et en variant les situations proposées. La même, mais en mieux.

Un peu d'amour (papier velours)

Nintendo a entendu Le Grenelle et nous a livré un remake en bonne et due forme. Tout va bien, il n'y a pas eu d'hallucination collective - La Porte Millénaire et bel et bien un excellent jeu, mais certaines lourdeurs d'époque auraient pu être corrigées. De nombreux joueurs, sans doute un poil excédés par des années de lobbying, y vont passer de premières heures à ne pas comprendre. Je vais tenter d'expliquer ici.

Mario et Luigi coulent de beaux jours à faire des mouvements aléatoires dans leur maison quand ils reçoivent une missive de Peach. Elle leur envoie la carte vers un trésor qui se cacherait derrière la porte éponyme, mais qui ne peut s'ouvrir qu'avec les sept gemmes étoiles. Ces McGuffins sont tous au bout d'autant de chapitres au rythme ultra séquencé. Vous évoluez dans le hub interlope de Port-Lacanaïe, commencez un chapitre dans un environnement à la direction artistique bien spécifique, êtes plongés dans un peu de lore local, faites un donjon, occi...ssez (un verbe défectif, le saviez-vous ? Il n'a pas de présent) un boss et un item du chapitre vous ouvrira la voie vers un chapitre suivant. Entre deux, vous suivez les aventures parallèles de Peach - stalkée par une intelligence artificielle et cette suite de mots sonne encore pire en 2024 - puis celle de Bowser, elle délicieusement crétine avec ses parodies de Super Mario Bros.

Et d'esthétique (papier musique)

Le tout dans une ambiance étrangement sombre (une potence dès le premières minutes, ça marque) qui trouve une issue franchement crépusculaire, et dans une variété de situations qui maintient en haleine. Après un premier chapitre affreusement générique, ça décolle : Mario combat dans un tournoi de catch, Mario a des problèmes d'identité, Mario résout une enquête dans un train, Mario sur la lune. La Porte Millénaire est bien écrit, à niveau macro et microscopique - les nombreux PNJ ont tous quelque chose de rigolo à dire. Le jeu est souvent méta, vous lance des non-standard Game Over à la figure (sauvegardez souvent, vous serez tentés de tomber dans des pièges évidents) et prend quelques libertés avec le vademecum habituel de Nintendo. En 2004, ça a été, pour toute une génération, l'univers le plus vibrant et écrit dans lequel le plombier a évolué. C'est toujours le cas.

Le passé est une terre étrangère !

Le système de combat est d'une grande simplicité. Des ennemis à rencontrer en temps réel sur votre route, et des joutent qui ont lieu sur scène - la racine d'une dizaine d'idées mécaniques et visuelles charmante dont ce jeu a le secret. Saut, marteau, et une demi-douzaine de partenaires aux capacités variées sont vos armes principales. La secondaire est votre sens du timing - des pressions contextuelles au bon moment et quelques QTE sans difficulté vous aideront à mieux frapper et à vous accorder un point de défense en plus. C'est important dans ce jeu où tous les chiffres sont petits, et où les boutons de Joycons manquent affreusement de détente.

Avec un peu d'expérience et un niveau supplémentaire, vous pourrez monter points coeur, fleur (qui lancent les coups spéciaux) et badges, qui permettent de débloquer des avantages actifs et passifs. Et n'importe quel let's play vous montrera que la meilleure façon de taper fort est de capitaliser sur ces derniers, et de faire de Mario un canon de verre.

Vous atteindrez le niveau 30 et choisirez, bien avant, votre manière de jouer préférée pour affronter un bestiaire sympathique et typique de l'écurie Mario - en tout cas, assez varié pour poser souci de temps en temps. Les boss, notamment, ne sont pas toujours simples, mais c'est un adjectif qui qualifie le jeu dans son ensemble. Un système assez fluide et agréable pour toujours donner envie de taper les ennemis, dans l'ensemble évitables, et donnant de l'expérience en fonction de votre "avance" ou "retard" sur le niveau attendu.

Si, et seulement si, vous découvrez le jeu, ces combats ne lasseront jamais et procurent un plaisir simple, souligné par ses animations charmantes et de bons remixs des thèmes de combats, pléthoriques - et de la bande-son tout court. Petite coquetterie, héritée du premier : chaque boss a sa musique (les boucles de Paper Mario n'ont pas quitté ma tête) et cette fois, elles sont dynamiques. Plaisiiiiir ! Et si vous cherchez quelques combats qui dépassent la difficulté du jeu principal, vous pourrez toujours voir dans le fond du donjon aux 100 étages, un mini-rituel de la franchise, dans lequel vous pourrez trouver ☆ une petite surpriiiiiiise ☆♪ !

Et c'est ce qui caractérise La Porte Millénaire - derrière une apparence simplicité se cache un jeu qui, mine de rien, propose pas mal de contenu supplémentaire, de jeu vidéo "caché" et de petites quêtes annexes. C'est un titre Mario qui fait des efforts, largement plus écrit que la moyenne (on penserait que ça viendrait avec le genre, mais les Mario & Luigi souffrent de la comparaison, par exemple) et qui planque le mystère derrière le mystère derrière le mystère. Pas de dinguerie de level-design à la Baba Is You, mais un jusqu'au-bout-isme inédit pour du Nintendo. Ce sont ces séries de subversions qui ont, vraisemblablement, provoqué cette stupéfaction générale en 2004.

C'est du chagrin (papier dessin)

Tiennent-elles le poids de deux décennies ? L'écriture, atemporelle, sans problèmes. Les graphismes ont été refaits et fluidifiés, avec un microgramme de juice en plus, mais à 30 FPS, qui peut flancher dans certaines séquences qui sentaient le show-off technique sur Gamecube. Pas de contenu majeur en plus, mais tout de même quelques carottes bienvenues : une "roue des partenaires" bien plus pratique pour la fin du jeu où il faut souvent les alterner, et un hub supplémentaire pour se rendre plus vite dans les chapitres déjà visités. Vous allez le voir, ça aura son importance.

Il m'est difficile d'être objectif avec Paper Mario 2. C'est, tout simplement, mon jeu vidéo préféré. Cette critique est d'autant plus une épreuve pour déceler la part de rationnel dans cet état de fait. Hélas, Nintendo m'a un peu aidé en ne corrigeant pas des choses très simples qui soulignent les défauts d'antan. Comme son prédécesseur, La Porte Millénaire se traîne. Plombé par un premier chapitre étrangement générique (surtout articulé à toute la suite de l'aventure, donc) - les dialogues et les scènes cinématiques ne peuvent être accélérées. C'est une humeur qui s'impose à vous, tout le temps, jusque dans la pression bien moins réactives d'un bouton de joycon que sur une manette Gamecube, et il se trouve que c'est au coeur du gameplay des combats ! Ce jeu se traîne trop et il partage immodérément son amour des aller-retours. Impossible d'y réchapper, présents à chaque chapitre pour pallier à une légère économie de moyens sur les environnements. Ne toujours pas pouvoir prendre plus d'une "requête" à la fois à Port-Lacanaïe demeure une tannée.

Verdict

La flamme est toujours là. La Porte Millénaire reste un univers Mario sur-écrit avec une âme et une personnalité, aux combats variés et sympas, qui collectionne de petits moments culte de la franchise.Une aventure délicieuse qui subit le poids des années, notamment dans son rythme haché et son amour un peu trop débordant des aller-retours. Néanmoins, Paper Mario 2 propose toujours une aventure, une vraie, avec une âme et son lot de petits moments de jeux vidéo réjouissant. C'est, et ça demeure, un plaisir.

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Critique Paper Mario, La Porte Millénaire : qualité, épaisseur et grammage au rendez-vous

9
Excellent
"Mon premier JRPG", avec une très grande sagacité et un charme qui détonne toujours, désormais obéré par le poids des années - et par des mécaniques qui semblaient facile à corriger.
Paper Mario: The Thousand-Year Door [Remake]
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