On va possiblement plus de maturité...?
Hier après-midi, les élèves de Télécom Paris m'ont invité à un "échange" avec eux. J'utilise à dessein le mot "échange" car, à la différence de ce que j'avais l'habitude de faire pour ce genre de public il y a quelques années, cela s'est fait sans "conférence & exposé du problème à résoudre" pour passer directement à une session de questions sur "que faire dans ce contexte". C'est de plus en plus courant dans les demandes d'étudiant(e)s, et c'est plutôt bon signe, puisque cela signifie qu'ils et elles ont déjà le contexte en tête (dont le rappel mobilisait avant l'essentiel du temps d'intervention) pour passer directement à "de là on fait quoi pour avancer dans la bonne direction ?". Dans les sujets évoqués hier, il y a notamment eu : - est-ce pertinent de "bifurquer" (ce que j'interprète comme "vouloir se sortir du système") quand on est jeune diplômé de l'enseignement supérieur ? (petit divulgâchage : ma réponse a été doublement non, car je considère que ce n'est "physiquement" pas possible - et j'ai expliqué pourquoi - et moralement non légitime - et j'ai expliqué pourquoi aussi). - faut-il organiser la décroissance ? Comment organiser notre rapport au monde si c'est la voie que nous choisissons nous alors que "les autres" ne veulent pas du tout aller dans la même direction ? - comment, comme jeune ingénieur(e) télécom, on peut travailler dans un "numérique soutenable" ? - comment faire pour mettre plus de science dans le débat politique ? - comment "embarquer" une large part de la population dans l'envie de décarboner le pays ? - comment faire pour arbitrer entre nuisances environnementales ? (exemple : est-ce légitime d'extraire plus de minerais de terre pour émettre moins de CO2 ?) - est-ce pertinent d'agir en France alors que nous ne représentons que 1% des émissions mondiales ? En 2h de discussion, il y a eu encore d'autres questions posées. Mais, une des choses que j'ai notées, avec satisfaction j'avoue, est que les questions "strictement techniques", par exemple sur le potentiel de la voiture électrique ou de l'hydrogène, ont été minoritaires. Hier soir, le débat s'est donc déplacé de fait de "comment, sans les combustibles fossiles ayant permis son avènement, pourrions nous conserver le monde actuel grâce aux technologies nouvelles" vers "comment parvenir à conserver une société harmonieuse et avec de l'espoir dans un monde qui sera physiquement bien plus contraint, et que peuvent les ingénieurs dans ce mouvement d'ensemble". La suite me dira si c'est le début d'une forme de réalisme/pragmatisme qui s'empare d'un nombre croissant de futurs ingénieurs (l'essentiel du public dans la salle), qui se préparent moralement à se retrousser les manches pour relever un défi nouveau, ou si c'est juste par hasard que cet angle ait prédominé cette fois ci. J'espère évidemment qu'il s'agit de la 1ère éventualité. Comme je l'ai évoqué à la fin de l'intervention, c'est certes un défi, mais, sur la durée, c'est aussi notre meilleur pari.