De l’ESG à l’impact : aller plus loin !
Par Jérémie Joos, Associé Co-Lead du Centre d’Excellence ESG de KPMG France
Depuis l’instauration de l’obligation de mesurer et déclarer sa performance extra-financière au début des années 2000, les entreprises cotées publient un rapport détaillé autour des trois piliers de l’ESG. Cette demande du marché incite les entreprises à afficher de manière plus explicite leurs ambitions dans ce domaine, au risque que leur soit reproché l’écart entre l’intention affichée et la réalité de l’exécution. Depuis peu, elles se trouvent dans une forme d’injonction paradoxale entre la nécessité d’agir immédiatement face à l’urgence environnementale, tout en maintenant une rentabilité solide pour leurs investisseurs, ce qui nécessite parfois le report de certaines transformations. Mises sous tension, souvent attaquées, les entreprises ont-elles les moyens de conduire une transformation ESG à la hauteur de l’enjeu d’accélération de la transition environnementale ?
ESG : les entreprises à marche forcée ?
L’exercice concomitant de plusieurs pressions pousse à généraliser l’intégration d’objectifs ESG dans la stratégie, les opérations et le pilotage. La conjoncture d’abord : les clients et plus généralement la société civile, les salariés, les investisseurs, les évolutions réglementaires et depuis peu les prix de l’énergie qui accélèrent la recherche de sobriété. Ces transformations sont parfois délicates car rapides. Néanmoins le changement généré est une opportunité réelle de transition mais aussi de création de valeur.
Deux aiguillons vont jouer un rôle prépondérant. D’abord l’accélération des contraintes réglementaires, comme la loi AGEC ou la règlementation sur l’usage du plastique pour les biens de consommation. A condition toutefois de piloter et d’engager fermement la reconversion des filières industrielles amont et aval qui demeure lente et épineuse à engager.
Second aiguillon, perçu de façon croissante : le risque réputationnel lié à une mise en valeur controversée de l’impact environnemental ou sociétal prétendument « positif » de leurs activités, produits ou services. Les récentes mises en demeure témoignent de la nécessaire vigilance de la société civile sur ces questions. Elles exercent une pression croissante sur la qualité des décisions comme sur la transparence de la communication extra-financière et contribuent à faire reculer le greenwashing.
Dans tous les cas, la mesure d’impact, transparente, fiable et robuste, devient un critère clé de succès, moyen d’une prise de décision revue et ambitieuse.
La nécessité de l’impact : le mesurer, le piloter
Pour être valorisé, l’impact doit être mesurable. Les directions financières comme les investisseurs s’engagent sur cette voie, notamment avec le développement des investissements à impact, pour lesquels ont été élaborés des méthodes de mesure et indicateurs dont la standardisation se renforce.
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Sur le pilier Social par exemple, il est possible de valoriser le nombre d’emplois indirects et induits créés, de logements construits, de personnes scolarisées ou de soins prodigués et d’en quantifier en euros le bénéfice sociétal. Mais la mesure des impacts sur les choix d’achats responsables, sur le bien-être ou la fixation de justes rémunérations peut encore être améliorée.
Sur le champ environnemental, le pilotage des impacts carbone a considérablement progressé mais doit maintenant se renforcer sur les émissions indirectes (scope 3) pour lesquelles les incertitudes demeurent élevées, que ce soit en amont (fournisseurs, sous-traitants) et aval (clients et consommateurs). Quant aux questions de l’eau et de la biodiversité, elles doivent davantage être prises en compte pour une approche globale des enjeux environnementaux.
Ensuite, l’impact doit être intégré dans les processus de planification financière, de reporting et de financements internes ou externes. Ce qui suppose trois axes de réflexion : décliner les critères de décision et de pilotage à partir de la stratégie ESG, clarifier qui, au sein de l’organisation, doit disposer de quelle information pour prendre quelle décision, et enfin, structurer les flux de données dans les systèmes d’information.
A court terme, cela doit permettre un plus grand alignement entre l’impact environnemental, la stratégie ESG et la planification, le financement et le suivi des investissements, le tout permettant d’atteindre les objectifs fixés. Trop peu de groupes mettent en œuvre de telles visions coordonnées, faisant peser un risque réel sur l’exécution des stratégies ESG, donc sur la transition environnementale.
Se faire accompagner pour se transformer
Pour réussir leur transformation, les entreprises doivent se faire accompagner et se lancer dans l’expérimentation. D’abord, en structurant les initiatives au bon niveau d’ambition et en déterminant les impacts dès le départ. Les impacts davantage que les objectifs et les moyens doivent désormais être fixés avec un indicateur d’impact associé, formalisé grâce aux données opérationnelles et financières en comparaison de baselines établies. Il est ensuite nécessaire de décloisonner les informations, en intégrant les sujets ESG dans les processus financiers, de la planification stratégique au reporting final. Lors des planifications triennales et quinquennales, les périmètres des stratégies ESG et des décisions budgétaires doivent être réconciliés pour sécuriser l’exécution de la stratégie par une planification des CAPEX et une anticipation des risques à piloter.
Quant au dirigeant, il peut s’entourer pour traiter de ces thématiques en se faisant accompagner par des critical friends, c’est-à-dire des interlocuteurs externes comme des ONG pour challenger ses analyses et engagements. En interne, le dirigeant doit également mobiliser l’ensemble de ses parties prenantes, en formant les comités de direction et les administrateurs et en validant une feuille de route claire où les ambitions sont partagées et les engagements répartis. Le dirigeant est garant dans le temps de l’exécution des arbitrages et des priorités, main dans la main avec le business, la finance et l’ESG.
ESG : ces trois lettres commencent, lentement mais sûrement, à transformer véritablement les entreprises. Nous sommes passés d’une approche marketing à une démarche business de transformation, où l’ESG devient une norme structurante et exigeante. Les entreprises ont pris la mesure de l’enjeu, tout particulièrement ces 18 derniers mois, et progressent de front sur de nombreux sujets. L’enjeu est de rendre petit à petit naturelle la prise en compte des impacts environnementaux et sociétaux dans la décision et le reporting, et ainsi de faire disparaître les deux silos que sont les visions financières et extra-financières.
Dirigeant engagé / Sustainability expert / CFO
1 ansBravo très bel résumé des impacts ESG dans l'enreprise. Je rajouterai un point non mentionné dans cet article. Dans le S il manque certainement la vision de l'employeur vis à vis de l'inclusion des Seniors dans l'entreprise Rappelons nous que ce sujet reste central en France Le chômage de masse progresse dans le bon sens mais le recours aux seniors en entreprise reste toujours dramatiquement bas en entreprise. Le taux d'emploi des seniors ne progresse pas (56,!%) comparé à d'autres pays comme l'Allemagne par exemple (74%) et la suède (77%). Ce thème central qui est remis sur la table dans le débat sur les retraites n'est pas suffisamment identifié en France. Les indicateurs ESG doivent progresser dans ce sens
Responsable Communication Interne et Stratégie d'Entreprise
1 ansPassionnant !