La stratégie ESG des entreprises et le rôle du CSO
L’ESG
L’ESG consiste à adresser les impacts environnementaux et sociaux que l’entreprise peut avoir de manière directe ou indirecte. Son périmètre va donc au-delà de l’entreprise elle-même et inclue ses chaînes d’approvisionnement, la façon dont les produits ou services sont utilisés et les produits sont décommissionnés (jetés, recyclés, valorisés, …). Il faut donc prendre en compte l’ensemble de la chaîne de valeur (amont et aval) de l’entreprise.
On voit déjà que l’ESG brasse large, et que le CSO va devoir prioriser les points pertinents pour l’entreprise. Une entreprise du BTP n’aura pas le même impact qu’un éditeur de logiciel sur l’environnement et la société, et le CSO ne se concentrera pas sur les mêmes aspects. L’entreprise de BTP pourra par exemple se focaliser sur l’impact environnemental de son activité, sur les aspects de sécurité de son personnel, et sur les nuisances de son activité sur les riverains. L’éditeur de logiciel pourra se concentrer sur l’utilisation éthique de ses logiciels et sur la consommation d’énergie induite par ses produits.
Le CSO aura pour première tâche d’identifier ce sur quoi la stratégie ESG doit se focaliser.
Les stratégies ESG
Schaltegger et Al. (2012) distinguent quatre catégories de stratégies sur l’ESG : réactive, défensive, accommodative, et proactive.
La stratégie réactive, il n’y a pas de CSO
La stratégie réactive consiste simplement à ne pas tenir compte de l’ESG. Dans ce cas, le rôle du CSO est très simple : il n’y a pas de CSO. Certaines entreprises peuvent faire ce choix radical, comme par exemple Strive Asset Management, qui propose des produits d’investissements qui ne tiennent explicitement pas compte des considérations ESG, en argumentant que l’ESG ne fait que détourner l’attention de la rentabilité pour l’investisseur. Que l’on adhère ou pas à ce genre d’argument, les opinions publiques et les réglementations vont rendre de plus en plus difficiles ce type d’approches. Cela va spécialement être le cas d’abord en Europe, et comme l’Europe est connectée à toutes les chaines d’approvisionnement du monde, les entreprises du monde entier vont devoir, à un moment ou un autre, prendre en compte l’ESG dans leur stratégie.
La stratégie défensive, le CSO pédagogue
Le second niveau est la stratégie défensive. Pour être légèrement caricatural, cette approche consiste à « faire jute le minimum » en matière d’ESG. L’entreprise va essentiellement se concentrer sur le respect des réglementations et sur les victoires faciles permettant de « verdir » son activité sans trop d’effort. Poussé trop loin, elle peut s’adonner au greenwashing. Dans cette approche, il y a une culture où l’on fait de l’ESG en traînant des pieds. Le management et le conseil sont peu investi sur ces sujets.
Dans ces conditions, le CSO va avoir un rôle particulièrement difficile, car il/elle aura justement beaucoup de mal à obtenir l’appui du management et du conseil. Son rôle sera aussi peut-être mal défini, car considéré en interne comme un « affichage » et non un rôle central dans l’organisation. Comme évoqué, le greenwashing sera une tentation forte dans cette entreprise, et le CSO sera en première ligne face à ce risque. Il est sur le fil du rasoir, car au moindre scandale, ce sera lui qui sera le premier fusible.
Pour agir, le CSO devra commencer par le commencement, à savoir assurer la conformité aux lois et que le reporting réglementaire est correctement réalisé. Mais très vite, il sera nécessaire d’aller au-delà. L’ESG ne faisant pas partie de l’ADN de son entreprise, il/elle lui faudra s’appuyer sur les autres principes mieux acceptés dans son entreprise, comme la conformité, le management des risques, ou les opportunités business que pourraient ouvrir l’ESG.
Sur le plus long terme, sa tâche sera de faire évoluer les mentalités pour graduellement pousser l’entreprise à faire davantage en matière d’ESG. Tous les outils de gestion du changement seront alors utiles :
· identifier les individus ouverts au changement et s’appuyer sur eux, notamment auprès du management et du conseil,
· engager les échanges avec les parties prenantes internes et externes clés et les faire participer au changement,
· expérimenter,
· réaliser des benchmarks avec des concurrents ou entreprises similaires,
· identifier les priorités de l’entreprise et démontrer comment l’ESG peut y contribuer,
· …
La stratégie accommodative, le CSO stratège
Dans la stratégie accommodative, l’entreprise est engagée dans une démarche ESG active. Il ne s’agit plus de faire juste le minimum, mais bien d’agir pour la planète et la société. L’entreprise cible les clients pour lesquels l’ESG est importante, et adapte ses produits et sa communication en fonction. L’ESG est alors intégrée à la stratégie globale de l’entreprise.
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Dans ce type d’entreprise, le CSO peut enfin jouer pleinement son rôle. Il/elle aura ici un rôle central dans la formulation de la stratégie :
· En matière d’ESG, la formulation de la stratégie doit passer par les échanges avec les parties prenantes. Cet engagement peut être structuré suivant un cadre précis (par exemple AA1000 Stakeholder Engagement Standard, Accountability, 2015), permettant d’optimiser le temps, les efforts et la pertinence de la stratégie.
· Le CSO devra ensuite préciser les champs de l’ESG qu’il faut prioriser. Cela passera par une analyse de la matérialité des impacts que l’entreprise a ou peut avoir sur sa chaîne de valeur.
· Suite à ces analyses, le CSO proposera une stratégie en matière d’ESG cohérente avec la stratégie globale, et y adjoindra des objectifs et plans de transition.
La tâche du CSO sera ensuite de mettre en œuvre cette stratégie en supervisant les actions et outils nécessaires :
· Les structures organisationnelles et la gouvernance
· Les indicateurs et systèmes de reporting
· La communication interne et externe
· Les différentes politiques
· Les projets
La stratégie proactive, le CSO devient le CEO
La stratégie proactive constitue le niveau le plus engagé en matière d’ESG. Ici, l’ESG n’est pas juste intégrée à la stratégie globale, c’est la stratégie globale qui est construite autour de l’ESG. Le modèle d’une telle entreprise est Patagonia, dont la raison d’être est la protection de la nature. Ce niveau, bien que pour beaucoup désirable, n’est pas forcément atteignable à toute entreprise, car il demande une adhésion sans faille des propriétaires de l’entreprise. Ce niveau peut cependant représenter une cible idéale dont on peut se rapprocher.
Dans un tel cadre, le CSO est au centre de l’entreprise. Toute l’activité tourne autour de sa fonction. En poussant, on peut considérer que le CEO ait le rôle de CSO, et que les deux ne fassent qu’un. Ce nouveau CSO/CEO a un champ de responsabilité élargi qui comprend l’entreprise, et les aspects de l’environnement et de la société que l’entreprise a choisi de cibler, protéger et soutenir.
Conclusion
Les entreprises ne peuvent plus passer à côté du sujet ESG. Elles devront se positionner et l’intégrer à leur stratégie. Elles peuvent ainsi adopter :
· la stratégie réactive, où l’ESG est simplement ignoré,
· la stratégie défensive, où l’on fait le strict minimum,
· la stratégie accommodative, où l’on utilise l’ESG comme avantage compétitif,
· la stratégie proactive, où l’ESG est un but en soi.
En fonction de la stratégie choisie, le CSO aura des défis différents à relever. Il est donc essentiel de bien identifier le contexte dans lequel il/elle évolue, et de déployer ses compétences de pédagogue, stratège et leader.