DOSSIER VOITURES DE SPORT ITALIENNES - Quand certains d’entre vous, amis lecteurs, nous taxent d’apôtres de l’industrie automobile allemande, sachez que d’autres nous reprochent, tout aussi vertement, un chauvinisme exacerbé. Mettons tout le monde d’accord : notre dada, à la rédaction, ce sont les… italiennes. Surtout depuis l’année passée, particulièrement riche en nouveautés
al dente. Ramener quatre d’entre elles, de l’autre côté des Alpes, promettait d’entamer 2017 de la meilleure des façons, en prolongeant le frisson.
Et c’est le moins qu’on puisse dire, par -2°, en , le roadster italien adopte également un toit de toile, dépourvu de toute assistance électrique, mais manœuvrable d’une seule main, sans qu’il soit nécessaire de décoller les fesses du siège. C’est donc reparti, direction Lyon, après un arrêt encore plus court… qu’un
ristretto.
“Ce moteur suralimenté de 170 ch se fait pardonner sa logorrhée par sa disponibilité.”
Couvre-chef en place, la 124 revisitée s’avère plus agréable à vivre que sa simplicité de conception ne le laisse espérer. L’excellente position de conduite conférée par l’alignement idéal des commandes et du siège (merci Mazda), tout comme la prévenance de l’amortissement, permettent de repousser les premiers signes de fatigue au-delà de la Bourgogne. A condition de supporter le métal… le rock metal. Pas celui joué par les neuf haut-parleurs du système audio Bose (en option), couvrant tant bien que mal le vacarme ambiant, mais celui entonné par la mécanique. Si les nuisances aérodynamiques demeurent acceptables, le grognement continu du 4-cylindres 1.4 turbo est la première source de lassitude. Contrairement aux 1.5 et 2.0 atmosphériques de la cousine nipponne, ce moteur suralimenté de 170 ch se fait pardonner sa logorrhée par sa disponibilité. Inutile de jouer du levier de vitesses pour libérer la file de gauche dans les plus brefs délais.
“Performances, confort, autonomie… Tout laisse à penser que l’Italie, c’est la porte à côté.”
Pas assez promptement, cependant, pour ne pas ralentir le , blotti dans ses échappements. L’onctuosité et le souffle du
V6 biturbo Maserati sont tels que la boîte automatique (d’origine ZF) daigne rarement quitter son huitième et dernier rapport lors des relances. Ménageant ses efforts, ce 3.0-litres, pourtant assemblé chez Ferrari, engendre même une pointe de frustration chez les plus mélomanes. L’élégant feulement, perçu au moment de quitter la barrière de péage, disparaît aussitôt l’épaisse vitre refermée. Le voyage se poursuit dans l’ambiance feutrée d’un salon roulant, parfumé de cuir pleine fleur. En coulisse, la suspension pilotée
Skyhook s’active tout de même pour absorber avec talent les raccords de bitume et abaisser la hauteur de caisse au gré de la vitesse. Tous les moyens sont bons pour empêcher les 430 ch de siphonner trop rapidement les 80 litres de sans-plomb du réservoir. Performances, confort, autonomie… Tout laisse à penser qu’en Maserati, l’Italie depuis Paris, c’est la porte à côté. Si parfait, le SUV au Trident instillerait presque le doute quant à ses origines italiennes. La direction souffre toutefois d’un léger flou au point milieu, souligné par la monte pneus hiver… Ouf, nous voilà rassurés !
“Le 2.9-litres Alfa ronfle ainsi paisiblement, comme Obélix après un bon banquet.”
A ce stade du parcours, le calme est également de mise à bord de la . Mais ici, le silence résulte davantage d’une tension palpable. Cette surpuissante propulsion (510 ch) ne se montre, pourtant, pas particulièrement angoissante à mener aux allures légales… quoique sa vitesse s’avère justement un enjeu primordial. D’une facilité de prise en mains déconcertante, la milanaise tend à déconnecter de la réalité. Le compteur est donc à surveiller comme le lait sur le feu. La transmission “tirant” extrêmement long, le
V6 biturbo stagne aux alentours des 2 200 tr/min à 130 km/h sur le sixième rapport. Le
2.9-litres Alfa ronfle ainsi paisiblement, comme Obélix après un bon banquet. Le compte-tours amorphe, le faible niveau sonore et le confort de l’amortissement piloté, là encore épatant, entretiennent l’illusion de ne jamais outrepasser la loi. Ce n’est pas pour autant que la cavalerie s’est évaporée dans la nature. Une once de relâchement du pied droit sur la pédale de gaz et la double suralimentation fait son office, sans éveiller le moindre soupçon. Voilà l’aiguille orientée en direction de la boîte à gants et le permis de conduire virtuellement en confettis. Avec l’impression de tenir en main une grenade dégoupillée, la traversée de Chambéry aux 90 km/h en vigueur se fait le regard vissé au tableau de bord, un œuf sous un pied droit tétanisé.
“le bloc 6.3-litres aux culasses rouges se targue de la même tessiture que Mariah Carey.”
Même à la tête des 690 ch de la , le respect du code de la route n’inflige pas un tel supplice… même si seuls les trois premiers des sept rapports de la boîte robotisée, associée au V12, suffiraient à faire le voyage. Le concert mécanique, donné dans les tunnels de l’A43 en direction d’Albertville, n’en serait que plus beau. Si grave à bas régime, puis flirtant avec le timbre d’une Formule 1 des années 1990 aux abords des 8 000 tr/min, le bloc 6.3-litres aux culasses rouges se targue de la même tessiture que
Mariah Carey au meilleur de sa forme. Justement dépourvue de la moindre assistance respiratoire entravant ses échappements, cette pièce d’orfèvrerie, taillée au sein des fonderies de Maranello, se révèle bien plus obéissante que les moteurs turbocompressés évoqués jusqu’ici. Bien que 80 % du couple soit libéré dès 1 750 tr/min, expliquant la poigne inouïe avec laquelle l’accélération vous plaque au fond du siège, la moindre oscillation de la pédale des gaz délivre précisément la quantité d’énergie exigée, ni plus, ni moins.
“Tant que la chaussée reste sèche, la Lusso affiche un comportement neutre.”
Après voir douté un instant de la possibilité de dompter un tel missile sur le réseau secondaire savoyard, voilà qui rassure. L’enjeu consiste à garder la tête froide et les idées claires. Le décor défile comme dans un film en accéléré, accompagné d’une bande-son électrisante. Si la vitesse confine au changement de dimension, le système de freinage se révèle heureusement à la hauteur des performances. Les disques en carbone-céramique, induisant un infime temps de réponse, affolent d’un rien le palpitant au premier ralentissement. La plus familiale des Ferrari use d’autres artifices pour masquer ses presque deux tonnes. A l’essieu avant moteur (jusqu’à 180 km/h environ) de la précédente
FF, le GTC4Lusso ajoute un train arrière à roues directrices. Une solution technique qui sublime la précision du guidage à vive allure tout en favorisant la maniabilité de cette GT de près de 5 mètres de long, les virages les plus serrés se négociant d’un demi-tour de volant à peine. Comme si cela ne suffisait pas, la variation continue du couple entre les roues droite et gauche, à l’avant comme à l’arrière, permet de mieux enrouler la courbe qu’au volant d’une
308 GTI. Tant que la chaussée reste sèche, la Lusso affiche un comportement neutre. Malgré la prépondérance du couple sur le train arrière, cette relative sagesse découle d’un empattement… de train corail, bénéfique aux prestations, dignes d’une limousine. De toute façon, le manque de communication de la direction sur les conditions d’adhérence n’encourage guère à tutoyer les limites des larges
Pirelli hiver. Pourtant diablement efficace, la Ferrari laisse ainsi un infime goût d’inachevé sur ces routes tortueuses menant à la frontière, comme s’il restait impossible d’en exploiter tout le potentiel.
“Le Spider fond sur le reste de la troupe en allumant les “stop” plus tard que tout le monde.”
Autrement moins puissante,
l’Abarth s’avère bien plus gratifiante à conduire tambour battant, en nécessitant, à l’inverse de sa glorieuse compatriote, une implication de tous les instants. Rageur sans être intimidant, le 1.4 turbo d’origine Fiat invite à flanquer l’accélérateur au tapis aussi souvent que possible pour l’entendre vociférer jusqu’à 6 500 tr/min. Puis à dégainer le rapport supérieur en s’agrippant au levier de vitesses court et merveilleusement guidé. Avec la grisante sensation de pouvoir mener cette sportive “à fond”, le manque de ressource ne se fait jamais sentir. Les 250 Nm culminant à 2 500 tr/min s’accommodent bien des moins de 1 200 kg à propulser. Bien que supérieure à celle de la MX-5, la masse relativement contenue de la 124 est une alliée… de poids. La preuve au freinage, où après s’être fait distancer, le
Spider fond sur le reste de la troupe en allumant les “stop” plus tard que tout le monde. Détail qui a son importance : le pédalier se révèle idéalement articulé pour faciliter les talon-pointe “maison” et descendre les rapports en cascade. Les claquements successifs des quatre sorties d’échappement achèvent alors d’imprimer la banane sur le visage du pilote. Sans la moindre arrière-pensée, il inscrit ensuite d’un franc coup volant le train avant dans la courbe avant de laisser enrouler l’arrière et son différentiel à glissement limité. Souvent bannie sur les sportives modernes, la souplesse de la suspension et le roulis qui l’accompagne permettent d’appréhender le véritable équilibre du châssis.
“Le V6 biturbo révèle toute sa force et son délicieux timbre métallique.”
Sur les départementales serpentant la
Tarentaise, le Levante fait craindre, à l’opposée, d’être aussi emprunté qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. D’autant qu’après avoir pris le volant de l’Abarth, celui, bien plus grand, de la Maserati fait penser à la barre d’un bateau. Plus démultipliée et avare en sensations, la direction dissuade de hausser le rythme. Bien campée sur une suspension pneumatique endiguant les mouvements de caisse, cette intégrale tient pourtant le cap. Il suffit d’une ou deux impulsions sur le bouton “Sport” et, pourquoi pas, de reprendre la main sur la transmission via les palettes au volant pour que le lourd SUV (2 184 kg) se mue en sportive hargneuse. Le V6 biturbo révèle enfin toute sa force et par la même occasion, son délicieux timbre métallique. Le charme opère. La 124 Spider n’est de nouveau plus qu’un point dans le rétroviseur. Et si le poids dissuade de retarder le freinage, faisant appel à de “simples” disques en acier, celui-ci demeure efficace du premier au dernier lacet. Bravo
Brembo ! Grâce à son différentiel arrière mécanique et à une répartition de couple plafonnée à 50 % sur le train avant, le Levante ne rechigne jamais et se soumet aux dures lois de la physique avec brio.
“La motricité de l'Alfa demeure au-dessus de tout soupçon… en ligne droite.”
Mais aucune sportive de ce convoi ne dévore l’asphalte avec autant d’entrain que la Giulia. Déroutant à l’abord des premières courbes, le mordant des freins et le tranchant de la direction à la démultiplication ultra directe souligne le guidage du train avant, imperturbable. Contraint de passer, seul, les 600 Nm de couple au sol, l’arrière ne démérite pas non plus, et propulse la berline au trèfle comme un boulet de canon. Soulignée par d’excellents
Pirelli Sottozero, ventousés au bitume malgré les conditions hivernales, la motricité demeure au-dessus de tout soupçon… en ligne droite. L’affaire se corse au-delà de quelques degrés de braquage des roues avant. En fonction du mode de conduite choisi, le postérieur vient à glisser plus ou moins généreusement. Avec un peu d’habitude, la figure n’a rien d’imposée. L’équilibre du châssis rend ses réactions prévisibles. On ne se lasse pas alors du bourdonnement rauque du V6, bouillonnant, du ralenti à 7 000 tr/min. D’une allonge interminable, le moteur permet de surcroît de s’accommoder du principal point faible de la
Giulia : sa commande de boîte, un brin lente et accrocheuse. Après avoir engagé le troisième rapport en partant le matin, il n’y a plus qu’à le retirer le soir.
Malheureusement, nous ne verrons
l’Italie que de loin avant de devoir mettre pied à terre. Les cols frontaliers fermés mettent en effet fin à notre périple transalpin prématurément. Enfin, officiellement. Car pour nous, il n’a jamais été question de nous séparer des ces quatre merveilles italiennes.
Paris, c’est par où ?
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MEN LIFE
Pour résumer
L’année 2016 fut un excellent millésime pour l’automobile italienne et par conséquent, pour le service essai d’Auto Moto. Comblés, nous tenions à remercier nos voisins transalpins en raccompagnant quatre de nos coups de cœur sur leurs terres d’origine.