N'arrête pas ton char

Reportage : à bord du nouveau char Leclerc, le XLR

Leclerc XLR
Leclerc XLRCredit Photo - Cécile Delmas
Le 07/07/2024

Rencontre avec la version renouvelée du char Leclerc, le plus puissant et le plus impressionnant des véhicules terrestres de l’armée de Terre.

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Un bruit de turbine semblable à celle d’un hélicoptère, en moins sonore. On devine son origine à proximité mais, impossible de la situer précisément. Puis une silhouette se dessine, dépassant légèrement de la végétation. Il arrive, lancé. Ses 60 tonnes approchent vite, exactement dans notre axe. On se sent alors insignifiant et ridiculement vulnérable. Voilà la première impression qui se dégage d’un contact visuel avec le char Leclerc, que nous étions venus rencontrer. L’officier de communication et le caporal-chef qui nous accompagnent nous font signe de nous écarter. Reçu. Nous nous exécutons sans discuter.

L’engin nous passe sous le nez et continue sa progression, semblant avaler tout ce qui se trouve sur son passage. Y compris les sapins, qui plient ou rompent sous son blindage. A bord de cette arme de choc, les trois hommes qui composent l’équipage prennent part à un exercice, évalué, sous le regard et les consignes radio du Capitaine Paul, commandant d’unité. Ils sont opposés à leurs frères d’arme qui, ce jour-là, simulent depuis leurs vaillants Peugeot P4 ce que les militaires appellent la “FORAD”, la force adverse.

Plein de "potar", et tube au bleu

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Char Leclerc, standard XLR. Toujours un V8 de 16,5 litres, assisté d'une turbine, développant 1 500 ch.Credit Photo - Cécile Delmas

Nous sommes un vendredi, vers la fin du mois de mai, au 501ème Régiment de Chars de Combat, en Champagne. En ce moment, à quelques semaines d’un départ des soldats vers les Emirats Arabes Unis, il y a du “potar” (du carburant, en langage militaire) et les entrainements vont bon train. Il s’agit de se camoufler, d’évoluer sur un champ de bataille en toute discrétion et, le cas échéant, de neutraliser l’ennemi. Toutefois, ce jour-là, aucun tir n’est prévu. Les chars resteront donc “tube au bleu” en notre présence ; cela signifie que le canon – le tube – pointe vers le ciel – le bleu. En opposition avec le tube au vert (vers la végétation), infiniment plus menaçant, qui impressionne aussi par sa stabilité : il conserve sa ligne de visée même en roulant sur des terrains bosselés.

Finex ! Faisons le tour des nouveautés...

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Fin d’exercice pour les équipages. C’est l’heure pour moi de prendre place à bord, au poste de tireur du Leclerc XLR, ici au centre...Credit Photo - Cécile Delmas

“Finex”, pour fin d’exercice : la quasi intégralité d’une compagnie de chars (normalement constituée de 4 Leclerc et de 4 VBL, ces petits 4x4 blindés Panhard qui fourmillent autour du monstre d’acier) se rassemble. On approche timidement, dans les herbes hautes et entre deux flaques de boue, de l’engin le plus moderne du troupeau : le XLR. Le XL est le nom donné au Leclerc dans le jargon militaire, le R, pour Rénové, détermine les versions mises à jour, au nombre de 28 à l’heure où nous rédigeons cet article. Les amateurs les reconnaitront aux griffes prévues pour recevoir des plaques additionnelles de blindage, notamment au niveau du ventre, aux bases des antennes de communication et, ici, à la couleur et au nom donné à ce char : Tailly, en référence à la commune du maréchal Philippe Leclerc, nom qui servira également à baptiser son char de commandement de la 2ème division blindée, avec lequel il entra dans la capitale lors de la libération de Paris, en août 1944.

Déjà plus de trente ans au compteur

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Leclerc XLR. La portée du canon de 120 mm peut atteindre 4000 mètres.Credit Photo - Cécile Delmas

Rénové, ou Réactualisé : réfléchi dès le début des années 1980 et progressivement entré en service à partir de 1993, le char Leclerc n’a rien d’un perdreau de l’année. Confronté à de nombreux et divers problèmes en début de carrière, avec un faible taux de disponibilité, l’engin n’a cessé d’évoluer, de se fiabiliser et de se renforcer. A tel point que, même s’il n’a encore jamais été amené à tirer sur des théâtres de combat, il est encore considéré comme l’un des plus évolués du genre. Il n’embarque que trois tankistes (chef de char, opérateur tourelle et pilote) quand les équivalents étrangers en comptent souvent un de plus, pour charger les obus. Mais, surtout, le français était le seul, lors de son arrivée, à pouvoir faire mouche à 4 000 mètres, en roulant, sur une cible elle aussi en mouvement. Rien n’indique d’ailleurs que les chars en service dans d’autres armées en sont aujourd’hui capables avec ce type de canon.

Rien de neuf sous le capot. En tout cas pour l'instant...

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Leclerc XLR : les chenilles, sur le terrain du 501e RCC, à Mourmelon-le-grand, dans la Marne.Credit Photo - 501e RCC

En version XLR, le Leclerc est prévu pour servir jusqu’en 2040, date à laquelle son remplaçant, développé dans le cadre d’une collaboration franco-allemande, pourrait être opérationnel. Mais certains politiques, gradés et industriels évoquent une possible remotorisation visant à réduire les coûts d’entretien d’un groupe moto-propulseur aujourd’hui soumis à une certaine obsolescence, et qui nécessite un entretien très régulier, après 25 heures d’utilisation seulement. C’est-à-dire que le char français, dont les derniers exemplaires ont été produits en 2008 par GIAT Industries, devenu Nexter, accueille derrière sa tourelle un moteur développé par la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM), elle-même passée sous le contrôle de l’entreprise finlandaise Wärtsilä Diesel en 1993. Ce V8 Diesel dit “Hyperbar” profite d’une turbine à gaz en plus d’une suralimentation. Il cube 16,5 litres de cylindrée et extrait 1 500 ch, en engloutissant près de 140 litres de gazole par heure lorsqu’il est en combat. Et justement, pour le conduire, il faut s’installer sous le canon de 120 mm, capable de tirer 6 coups par minute et dont certains obus spécifiques pourraient s’extraire à 1 790 mètres par secondes (soit plus de 6 400 km/h) !

Bienvenue au volant

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Leclerc XLR : le poste de pilotage, juste sous le canon de 120 mmCredit Photo - Cécile Delmas

La descente au poste de pilotage exige un peu de contorsion, mais ce n’est pas un effort pour le Caporal Julien, pilote jeune, svelte, que l’on sent passionné par son véhicule. Une fois en place, la chose frappante est le non-alignement du volant avec les deux pédales (accélérateur/frein), décalées vers la droite. Comme dans un vieux Land Rover Defender ! Volet fermé manuellement, on n’aperçoit plus grand chose de son environnement intérieur, si ce n’est les multiples boutons rétroéclairés et les pupitres de commande, tous placé côté gauche.

Autre détail surprenant : on ne manœuvre pas avec des bandes (ces leviers indépendants gauche/droite). Et ici, le volant ne tourne que d’environ un quart de tour, ce qui ajuste le différentiel de vitesse entre les chenilles droite et gauche, et qui permet d’orienter le Leclerc, voire de lui faire faire demi-tour sur place. A noter que, depuis son poste, le pilote a la possibilité d’ajuster la tension des chenilles, par exemple selon le terrain. Constamment en liaison radio avec ses camarades, le Caporal Julien dispose également d’un système de vision nocturne et d’un rétroviseur lui offrant une petite fenêtre d’observation… juste derrière lui, dans l’habitacle. Cela lui permet, grâce à des repères numérotés fixés sur la tourelle, de savoir dans quel sens se situe le canon. Ainsi, il voit apparaître un 12 dans son rétro lorsque le tube pointe à midi, c’est-à-dire vers l’avant.

Dans la tourelle

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Leclerc XLR : le poste d'opérateur tourelle (le tireur)Credit Photo - Cécile Delmas

Contrairement à ses équipiers, le pilote ne peut en aucun cas diriger la tourelle. Ça, c’est du ressort de l’opérateur tourelle, plus communément appelé tireur, ici le Caporal Chef Erwan, ou du chef d’enfin, le Lieutenant Julien, qui disposent l’un et l’autre d’un palonnier ressemblant à une manette de console de jeux, et articulé dans tous les sens. Séparés l’un de l’autre par l’artillerie, avec une place considérable laissée au canon, les deux hommes ont la possibilité, depuis leurs pupitres, de sélectionner le type de projectile à tirer, par exemple un obus flèche, capable de percer un épais blindage. Vingt-deux ogives sont d’ailleurs chargées, par l’extérieur, via la trappe cachée par les sacs des soldats, au dos de la tourelle. Lors du remplissage, normalement effectué par le tireur, le code-barres de chaque obus est enregistré par le système embarqué du Leclerc, qui sait donc distinguer les différents projectiles et en évaluer les stocks à chaque instant. Le char dispose également d’une mitrailleuse 12,7 mm dite coaxiale, qui pointe dans l’axe du canon, et des supports de 7,62 mm “manuelles”, celle du tireur étant peu à peu remplacée par un tourelleau indépendant téléopéré, avec une MAG 58. L’armement intègre aussi le système Gallix, composé de tubes que l’on appelle “lance-pots”, pouvant projeter des fumigènes et grenades antipersonnel dans le proche environnement du char, envers lequel les hommes embarqués n’ont qu’une faible visibilité.

Deux postes, deux fonctions

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Char Leclerc XLR : le chef de char et le tireur disposent chacun d'un palonnierCredit Photo - Cécile Delmas

En plus de leurs dispositifs d’observation (avec viseur voie jour, voie thermique et télémètre) liés aux différentes armes, les militaires disposent tous de leurs propres épiscopes, des jeux de miroirs leur permettant d’appréhender visuellement les environs. Le pilote profite en sus d’un système de vision nocturne tandis que le chef de char, qui s’en remet à un clavier pour rentrer des données dans le système de visée, est le seul à bénéficier d’une visibilité à 360°, grâce à huit épiscopes. Comme dans l’EBRC Jaguar que nous étions aller découvrir en début d’année 2024, mais au cœur d’un environnement plus daté, bien que modernisé, ce dernier peut effectuer un “ralliement”, c’est-à-dire rallier en un instant, et de manière automatisée, le canon principal à sa visée. Cela permet de gagner du temps pour “prendre en compte” un véhicule à neutraliser.

Avec le système Scorpion

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Leclerc XLR : le poste de chef de charCredit Photo - Cécile Delmas

Par ailleurs, le standard XLR, censé profiter à 160 Leclerc d’ici 2030, favorise les communications avec le système Scorpion qui équipe les véhicules les plus modernes intégrés à l’armée française et permet de mettre en place un combat dit collaboratif, où toutes les forces réunies informent les autres en temps réel sur les dangers environnant et leur géolocalisation. Les pupitres de commandes de munitions ont été remplacés, tout comme les interfaces tactiles des postes de tireur et de chef, servant notamment à la cartographie, qui ont pris la place des encombrants tubes cathodiques. C’est un peu comme au moment d’un restylage d’une voiture : les évolutions esthétiques sont quasiment invisibles, mais les équipements progressent et se modernisent.

Petit effectif, forte puissance

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Deux chars Leclerc du 501ème Régiment de Chars de Combat dont, à droite, la nouvelle version XLR.Credit Photo - D.R.

Car cet engin de suprématie terrestre, qui constituerait une cible prioritaire pour les forces opposantes sur un théâtre d’opération, s’adapte en fonction des conflits actuels. Le XLR peut ainsi recevoir une sorte de grillage formant une cage métallique de protection autour de lui (servant à faire exploser l’ogive avant son contact avec le blindage, kit non présent lors de notre reportage). Le Leclerc, dont environ 220 exemplaires intègrent encore les effectifs de l’armée française, conserve aussi ses deux trappes d’extraction servant à l’équipage en cas d’évacuation (par le dessous), son système d’air conditionné indispensable au bon fonctionnement des équipements à bord, et la possibilité d’embarquer deux futs de carburant largables, de 200 litres chacun.

Le plein s'il vous plaît !

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Leclerc XLR : 1 240 litres de réservoir. En opération, à partir des camions citerne, des pistolets spéciaux permettent de faire le plein sous pression, plus rapidement.Credit Photo - Cécile Delmas

Les réservoirs intégrés au char, dont le principal peut être rempli sous pression pour gagner du temps, contiennent 1 240 litres de gazole, autorisant 10 à 12 heures de combat. Lors de notre passage au régiment, c’est le Caporal Julien, pilote, qui se charge de ravitailler, à l’aide d’un classique pistolet à carburant, sur une station n’indiquant évidemment pas le prix au litre. Et c’est mieux comme ça : la pompe a compté 848 litres !

Leclerc XLR : fiche technique

Leclerc XLR : fiche technique

  • Longueur hors tout (m) : 10,6 (avec canon à midi)
  • Largeur (m) : 3,6
  • Hauteur (m) : 3,43
  • Moteur : 8 cylindres en V, turbo-diesel, 16 470 cm3, 1 500 ch
  • Transmission : automatique 4 vitesses, par chenilles
  • Poids à vide/PTAC (t) : 56/63
  • Capacité réservoir (l) : 1 240
  • Autonomie (h/km) : 12/615
  • Vitesse maxi (km/h) : 65
  • Pays de production : France

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Nouvelle technologie embarqué, systèmes de communications repensés, kits de sur-blindage, tourelleau téléopéré et améliorations diverses ; en version XLR, le Leclerc subit une importante mise à jour. Ce char lourd, engin de suprématie terrestre, doit ainsi perdurer jusque dans les années 2040.

Rédacteur

Laurent Pinel
Par Laurent Pinel
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