Essai Hyundai Ioniq 5 N : le beurre et l'argent du beurre
Proposer une voiture électrique surpuissante et la qualifier de sportive, tout le monde sait le faire. Mais avec la Ioniq 5 N, Hyundai va plus loin.
Proposer une voiture électrique surpuissante et la qualifier de sportive, tout le monde sait le faire. Mais avec la Ioniq 5 N, Hyundai va plus loin.
Suffirait-il à une voiture électrique d'émettre un bruit de moteur thermique pour émerveiller ? Certainement pas. Mais si la "5 N" est capable, contrairement à la majeure partie de ses congénères alimentées par électricité, d'émettre une sonorité mécanique assez fidèle à celle d’un 4-cylindres sportif, en simulant les changements de régime entre les rapports, elle ne s'arrête pas là… Elle transmet des petits à-coups à chaque passage de vitesses, fictives elles aussi, et singe un étagement de boîte, avec des montées en régime plus longues au fur et à mesure des rapports, au nombre de huit.
Cette N dispose même d'un rupteur plus vrai que nature. En haut du (faux) compte-tours, tout en haut, à l’approche des 8 000 tr/min, l'accélération s’interrompt soudainement, comme lorsque l’allumage des bougies se coupe, et des déflagrations très similaires à celles d'un véritable rupteur viennent brutalement ca(re)sser les tympans. Alors, la tête du conducteur est gentiment entraînée vers l'avant, jusqu’à ce que son majeur droit mette une pichenette dans la palette. Délicieux. Mais totalement artificiel. Et inutile ?
Difficile de répondre à cela. Si ce dispositif, que l’on entend aussi depuis l’extérieur, demeure évidemment superflu et ne sera probablement utilisé qu’occasionnellement, par exemple pour amuser la galerie à l’arrêt, il contribue au plaisir lorsque l’on souhaite cravacher la Ioniq 5, s’autorisant même des pétarades d’échappement au rétrogradage – qui proviennent de haut-parleurs arrière. Le mimétisme avec une mécanique thermique est poussé : de fines vibrations se font ressentir dans les portes à l’arrêt, au “régime de ralenti”, tandis qu’en sous-régime, à 50 km/h en 7 ou 8ème vitesse, la Hyundai semble manquer de reprise, n’offrant qu’une légère accélération. Comme en vrai. Ou plutôt, comme avant, avec une voiture à essence manquant de couple. Encore un clin d'œil pouvant sembler un brin absurde. Mais amusant.
Ajoutez à cela de sulfureuses performances et, hop, vous voilà télé-transporté dans une berline sportive d’époque. Evidemment trop lourde, avec 2,2 tonnes à mouvoir, et trop raide, malgré un amortissement piloté dont le calibrage peut passer de ferme à trop ferme. Selon Hyundai, cette déclinaison ultime de la Ioniq 5 peut ainsi s’aventurer sur circuit, sans craindre une surchauffe de la batterie, notamment grâce à ses boucliers bien plus ventilés que sur la version “régulière”, ni une perte d’autonomie trop rapide. Pour cela, elle dispose d’une multitude de réglages à effectuer depuis l’écran tactile, non sans quelques difficultés, afin d’adapter le véhicule aux souhaits du conducteur.
Course d’accélération ? Le Launch Control (qui déconnecte le système de changements de rapports fictifs, au profit de la performance) permet d’abattre le 0 à 100 km/h en 3,4 secondes. Aussi bien qu’une Ferrari Purosangue, à un dixième près. Deux petits tours de circuits ? Une fonction Sprint promet de délivrer les meilleures performances possibles. Un dépassement ? Le bouton NGB, au pouce droit, déclenche un overboost, pour faire grimper la puissance cumulée des deux moteurs de 609 à 650 ch, durant dix secondes. Une session un peu plus longue ? La position Endurance va partiellement condenser les performances et amplifier la régénération au freinage, au profit de l’autonomie. Une envie de dérive ? Le mode Drift – comme le N Torque Distribution – peut alors optimiser la répartition entre les deux essieux, et jouer avec le différentiel arrière à glissement limité (mécanique, piloté par électronique) afin d’assurer le spectacle. N’en jetez plus, il y a tout. Reste donc, pour les déjantés qui s’aventureront vraiment sur circuit avec cette Hyundai, à prévoir des stocks de consommables, des pneus pour s’enfumer et des plaquettes en quantité. D’ailleurs, le freinage s’avère efficace et étonnamment endurant (nous n’avons toutefois pu parcourir que cinq tours de pistes) même si, avec un tel poids à contenir, il n’y a pas de magie : une fois bien lancé, il faut appuyer comme un ours sur la pédale de gauche.
N’empêche, sur un ruban d’asphalte parfaitement lisse, avec des vibreurs à la corde et quelques courbes rapides, cette “N” se montre réjouissante. Ses énormes Pirelli de 275 mm de large, en 21 pouces, lui offrent une assise rassurante. Sa direction très consistance – avec une crémaillère différente de celle de la Ioniq 5 – guide très bien l’avant, le centre de gravité bas contribue à la tenue de route et les programmes de conduite dédiés au circuit permettent de générer un comportement assez agile, voire joueur, typé propulsion, obligeant parfois à contrebraquer. Bref, c’est réussi. Mais c’est un peu comme un Land Rover Defender qui excelle en franchissement, que les clients (certains d’entre eux) n’osent toutefois pas mettre dans l’herbe. Savoir qu’il peut faire des prouesses dans son élément naturel, c’est un argument. Pour cette Hyundai, c’est pareil.
Voies avant et arrière élargies de 25 et 55 mm par rapport à celles de la Ioniq 5, garde au sol abaissée de 18 mm, longueur accrue de 8 cm, la N s’adapte à ses prétentions sportives. Mais elle s’alourdit de 230 kg ! Et si son look laisse transparaître certaines de ses intentions, cette coréenne sait aussi se comporter de manière moins survoltée. Selon le mode de conduite sélectionné au volant, elle sait évoluer en silence, comme toutes les berlines de son espèce, et offrir jusqu’à 448 km d’autonomie, grâce à sa nouvelle batterie NMC de 84 kWh de capacité, dont profitera en cours d’année 2024 la version restylée de la Ioniq 5 “normale”. Il s’agit en fait du même bloc d’accumulateur que précédemment, avec une densité énergétique améliorée. Il se “remplit” (de 10 à 80 %) en 1h10 depuis une borne 50 kW, et en 18 petites minutes via une station rapide, grâce à sa puissance de charge maxi fixée à 240 kW.
Cette Hyundai embarque aussi un système de charge inversée V2L, pour solliciter la batterie afin, par exemple, d’alimenter divers équipements en électricité. Et elle peut être déverrouillée et démarrée depuis un smartphone. Bref, tout ce que l’on peut attendre d’une électrique moderne, y compris une fonction i-Pedal ralentissant efficacement (et de manière réglable) le véhicule à l’approche d’un feu rouge, ou un dispositif de conduite semi-autonome. La nouveauté, qui profite toujours d’une habitabilité très généreuse et d’un équipement véritablement luxueux (jusqu’aux sièges arrière chauffant), offre en sus une saveur toute particulière, pas nécessairement raisonnable, voire discutable.
Mais cet énorme jouet, qui affiche un rapport prix/performance remarquable, donne peut-être le la pour d’autres projets. On pense notamment aux petites GTi type Clio RS ou Hyundai i20 N, aujourd’hui disparues, qui pourraient avec ce subterfuge auditif et sensationnel retrouver une âme de sportive. 200 ch suffiraient pour offrir des performances, pourvu que la cure d’amaigrissement soit stricte. Il ne manquerait plus que l’odeur de l’essence aux bornes de recharge…
Bref, cette Ioniq 5 N apporte de belles idées, susceptibles de séduire les amateurs de thermiques en mal de bruits mécaniques. On pourrait d’ailleurs s’étonner que l’idée d’une telle électrique surpuissante et, surtout, amusante, utilisant une solution “simple” (d’un point de vue théorique) et efficace pour aiguiser les sensations, n’arrive pas de chez Tesla ou de chez Porsche, alors même que la firme allemande nomme “Turbo” certaines de ses électriques…
Drôle d’engin ! Mais engin drôle, savoureux et polyvalent, offrant du plaisir, des performances, une vaste habitabilité et un équipement riche, pour un tarif défiant toute concurrence.
- Kia EV6 GT, électrique 430 kW, à partir de 74 690 €
- Porsche Taycan 4S, électrique 400 kW, à partir de 124 296 €
- Tesla Model 3 Performance, électrique 460 kW *, bientôt disponible
* estimation
Réjouissante, étonnante et dynamique, la Ioniq 5 N démontre que des artifices peuvent suffire au bonheur des amateurs de GTi et de sportives thermiques. Certains diront que c'est "du fake", mais ce modèle déluré de 650 ch offre une saveur bien particulière...