C’est l’un des programmes de téléréalité les plus connus à l’international : Ru Paul’s Drag Race est devenue une institution du petit écran, aux États-Unis comme dans le monde entier. Créée par le désormais légendaire Ru Paul en 2009, cette compétition de drag queens est rapidement devenue une référence pour toute la communauté LGBTQIA+, tout en multipliant les récompenses (25 Emmy Awards !)
Après de nombreuses déclinaisons dans plusieurs pays, du Canada à la Thaïlande, la France a également décidé de s’emparer de cette création américaine. Une excellente idée, à en juger par le succès inattendu de Drag Race France, qui a débuté fin juin sur France TV Slash et France 2, à raison d’un épisode chaque jeudi. Mais quels sont les ingrédients de cette formule magique queer ?
Un jury iconique(er)
Pour sa première saison, l’émission version hexagonale est présentée par Nicky Doll, la première drag queen française à avoir participé au programme original, pendant la 12ème saison. Forte de ses 640 000 abonnés sur Instagram, la présentatrice enfile désormais les talons de Ru Paul pour présider l’émission. À ses côtés, on retrouve le DJ et chanteur Kiddy Smile, qui a notamment contribué à populariser le voguing en France, et l’animatrice et styliste Daphné Bürki. Un trio éclectique pour composer un jury bienveillant, mais intransigeant sur les looks et les performances des candidates. À la fin de chaque épisode, ils décident d’éliminer l’une des dix drag queens de la compétition, afin d’élire la meilleure « reine » de France.
En sélectionnant ces trois figures bien connues du milieu, mais relativement obscures pour les non-connaisseurs, France TV a fait le choix de l’authenticité au lieu de la popularité. Sur ce point, l’émission est loin d’être lissée, offrant aux candidates drag queens des juges de qualité, qui maîtrisent bien le sujet. D’autres personnalités renommées se succèdent chaque semaine pour compléter ce trio, comme le célèbre créateur de mode Jean-Paul Gaultier.
Des épreuves dingos
Des concours de talents cachés, des défilés de mode, des lip-syncs… Drag Race a pour habitude de proposer des épreuves hautes en couleur aux drag queens qui participent à l’émission, entre chant, danse, maquillage et création de tenues. La version française ne fait pas exception à la règle et reprend évidemment tous les concepts iconiques du programme de Ru Paul. Parmi eux, le Ball à la sauce French, une épreuve de mode déclinée dans le troisième épisode, le Snatch Game, un concours d’imitations, ou le Makeover, un défi durant lequel les candidates maquillent des personnes novices en drag.
Si la marque de Ru Paul semble imposer de nombreuses règles pour ses adaptations, Drag Race France parvient à trouver sa place dans le cahier des charges originel et à proposer sa touche française. Les lip-syncs se font ainsi sur du Céline Dion ou du Aya Nakamura et la Tour Eiffel est bien présente dans le logo même de l’émission ou en backstage. Une déclinaison un brin patriotique, mais qui fonctionne à merveille.
Drag Race France propose un casting d’une grande diversité
Au jeu de l’inclusivité, Drag Race France semble cocher de nombreuses cases de façon assez inédite. Il était ainsi temps de voir à la télévision française des personnes racisées, grosses ou transgenres, participant à une émission de téléréalité sans être utilisées comme de simples quotas. Les dix « reines » de cette première saison sont exceptionnellement éblouissantes, permettant des représentations bienvenues de nombreuses communautés encore trop souvent discriminées. Même Ru Paul a attendu jusqu’à sa neuvième saison avant de présenter une femme trans parmi ses candidates.
L’émission française s’empare de ce sujet dès ses premiers épisodes, et propose de jolis moments d’émotion politique autour des discriminations comme la transphobie, l’homophobie, la grossophobie ou le racisme. Rarement, le service public n’aura proposé une émission aussi multiple et rien que pour ça, on ne peut que tirer notre chapeau.
Les émissions LGBTQIA+ friendly ne courent pas les rues
Il faut l’avouer : les programmes de ce type ne sont pas légion sur les plateformes françaises et la communauté LGBTQIA+ est encore peu représentée dans les propositions de fiction, ou non. Pour une fois, l’opportunité est ainsi donnée de représenter avec bienveillance la pratique artistique du drag, relativement méconnue en France et pourtant si créative. Préparez-vous à être éblouis de paillettes et de perruques grandiloquentes.
Des passages très écrits, mais drôles malgré eux
Malgré tous ses efforts pour paraître la plus naturelle possible, Drag Race France reste une émission évidemment très scénarisée, aux séquences parfois aussi drôles que gênantes. L’apparition régulière d’hommes « trophées » en slips semble par exemple un peu too much et totalement évitable. Pour les prochains épisodes, on aimerait davantage de spontanéité, un peu moins d’écriture, mais toujours autant de répliques cultes. On rêve notamment d’un gif pour la réaction de Daphné Bürki à la performance d’une drag queen : « J’aurais aimé qu’elle me lance le champagne au visage ! »
Et un succès d’audiences !
La réussite de Drag Race France tient également et évidemment à sa popularité auprès du public. Le premier épisode, diffusé sur France 2 le 25 juin à 23h30, a réuni près de 915 000 téléspectateurs. Une audience satisfaisante sur cette tranche horaire, qui a encouragé à la chaîne à continuer la diffusion hebdomadaire, alors qu’elle ne devait diffuser que le pilote de l’émission. Le succès est d’autant plus exceptionnel que parmi les diverses adaptations de la franchise Drag Race à travers le monde, seuls le Royaume-Uni et la France ont obtenu une diffusion sur une chaîne publique. La plupart des autres émissions sont plutôt diffusées en streaming dans leurs pays respectifs.
La preuve que le service public peut proposer des émissions audacieuses avec succès, puisque le troisième épisode de Drag Race France est désormais parmi les mieux notés de la franchise sur le site de référence IMDB (avec un score actuel de 9,3 sur 10). Sur Twitter, le compte officiel de l’émission alimente sa popularité en partageant régulièrement des gifs hilarants, tirés des réactions des candidates ou du jury. Quand le service public comprend enfin la culture web et queer, on adore.
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