Lorsque le Starship a explosé en plein vol le 20 avril 2023, trois minutes à peine après son décollage, une autre détonation, symbolique, a peut-être eu lieu au même moment. Une déflagration que l’on n’a probablement pas encore mesurée vraiment, mais qui pourraient avoir des répercussions bien plus importantes : la pulvérisation du calendrier de retour des astronautes sur la Lune, dans le cadre du programme Artémis.
La destruction du Starship lors de son premier vrai vol d’essai fait désormais planer un sérieux doute quant à la capacité de SpaceX à fournir dans un peu plus de deux ans et demi une fusée opérationnelle dans les temps. Une fusée capable de faire la navette entre la surface lunaire et la station qui orbitera autour du satellite. Une fusée fiable, en mesure de convoyer en toute sécurité un équipage ou bien du fret.
Des doutes au sein de la Nasa sur le Starship
La Nasa, justement, commence à manifester une inquiétude au sujet des délais qui sont dorénavant extrêmement pressants. En principe, le Starship est censé entrer en action au mois de décembre 2025, lors de la mission Artémis III. Ce sera la première qui concernera le sol lunaire. Cela ne laisse donc que deux ans et six mois à SpaceX pour y parvenir. Et, il ne s’agit pas seulement de réussir à faire voler le Starship sur Terre. Il faut aussi le tester sur la Lune.
« Décembre 2025 est notre date de lancement actuelle », a rappelé Jim Free, cité par Space News le 8 juin. Jim Free est l’administrateur associé de l’agence spatiale américaine pour le développement des systèmes d’exploration. « Mais compte tenu des difficultés rencontrées par SpaceX, je pense que c’est vraiment inquiétant », a-t-il ajouté. De fait, la Nasa n’écarte pas l’hypothèse d’un glissement de la mission à 2026, à une date indéterminée.
Une échéance à trente mois paraît bien trop juste pour cocher toutes les cases : faire voler le Starship sur Terre est une chose. Et, il y a tout le reste : démontrer que l’on peut le ravitailler dans l’espace, qu’il peut s’arrimer à la future station orbitale, qu’il est capable d’accueillir l’équipage, qu’il arrive à se poser verticalement sur la Lune, qu’il réussisse à en repartir, qu’il ne manque pas le rendez-vous spatial avec la station. Cela fait beaucoup.
Il ne s’agit en outre que des principaux jalons pour réussir Artémis III. Il y a aussi la fusée elle-même à bien faire fonctionner. Faut-il rappeler, par exemple, que tous les moteurs du Starship n’ont pas réussi à s’allumer lors du premier test (certains se sont aussi coupés en vol) ? Ou que certaines manœuvres attendues n’ont pas eu lieu (comme la séparation entre les deux étages). D’autres anomalies ont été listées, telle l’autodestruction trop lente de la fusée.
Tout cela mis bout à bout accentue l’impression que ce premier galop d’essai a été un échec complet — en tout cas pour ce qui est de la performance pure. Sans parler du pas de tir, qui a été partiellement pulvérisé lors du décollage, en propulsant des débris loin aux alentours. Le socle en béton n’a pas supporté la puissance des moteurs à pleine puissance du Starship. La zone aurait sans doute gagné à être dotée en carneaux, déflecteurs et parois d’eau pour encaisser le choc.
Certes, SpaceX a historiquement choisi un mode de fonctionnement qui autorise de grands loupés, pour itérer rapidement, capitaliser dessus et corriger le tir. Un choix jusqu’à présent couronné de succès, d’ailleurs. Une recette aujourd’hui aussi à l’œuvre avec le Starship. Mais, l’ampleur du raté du Starship s’accorde mal avec la réalité du calendrier de la Nasa. Surtout, elle n’a pas manqué d’être observée par les autorités de régulation.
C’est pour cela qu’il était crucial que SpaceX réussisse son premier vol du Starship. Il y en a énormément d’autres derrière à enchaîner pour s’assurer que tout sera fin prêt pour le jour J. D’autant que l’entreprise, sélectionnée officiellement en 2019, va aussi être amenée à contribuer à d’autres aspects du programme, notamment dans la construction et le ravitaillement de la station orbitale. Et, les premières briques seront nécessairement déployées avant décembre 2025.
Diplomatiquement, le patron de la Nasa avait quand même adressé sur Twitter, le jour de l’explosion du Starship, ses félicitations à SpaceX. « Toutes les grandes réalisations de l’histoire ont exigé un certain niveau de risque calculé, car les grands risques sont synonymes de grandes récompenses. Nous attendons avec impatience tout ce que SpaceX apprendra. » Les remarques de Jim Free montrent toutefois qu’en interne, le doute existe désormais.
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