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La Belgique investit 4 millions d'euros dans un projet de l'UNESCO visant à faire de la réserve de biosphère de Yangambi un centre du climat et de la biodiversité

Le 22 mai, l'UNESCO et le gouvernement belge ont entamé la deuxième phase d'un projet visant à faire de la réserve de biosphère de Yangambi, en République Démocratique du Congo, un centre d'excellence pour le climat et la biodiversité. En vertu de cet accord, le gouvernement belge contribuera au projet à hauteur de 4 millions d'euros sur une période de trois ans.
15 people surrounding a drone, learning how to pilot it for biomonitoring purposes

Située au cœur du bassin du Congo, la réserve de biosphère de Yangambi est un haut lieu de la biodiversité. Elle abrite plus de 32 000 espèces d'arbres qui occupent plus de 235 000 hectares, soit 2 350 km2

Yangambi est également un haut lieu de la recherche scientifique congolaise. Elle abrite les installations du Centre de Surveillance de la Biodiversité de l'Université de Kisangani et de l'Institut national pour l'étude et la recherche agronomiques (INERA).

Le troisième partenaire du projet est l'École régionale postuniversitaire d'aménagement et de gestion intégrés des forêts et territoires tropicaux (ERAIFT), qui opère sous l'égide de l'UNESCO depuis Kinshasa.

La tour caractéristique Congoflux s'élève majestueusement au-dessus de la canopée de la forêt. Elle mesure les échanges de gaz à effet de serre entre la forêt tropicale et l'atmosphère. Ces données sont d'une importance cruciale pour comprendre le rôle que joue le bassin du Congo dans l'atténuation du changement climatique. On en sait actuellement beaucoup plus sur le rôle de puits de carbone du bassin de l'Amazone.

La tour Congoflux a été installée en 2020 par l'Université de Gand (Belgique), partenaire clé du projet. L'université a collaboré dans cette entreprise avec l'ERAIFT et l'INERA, entre autres partenaires.

Créer un environnement propice à une recherche de qualité

La première phase du projet a été mise en œuvre au cours des 18 derniers mois. Une équipe locale a d'abord été recrutée pour coordonner le projet et partager les informations avec les différents groupes de parties prenantes. En outre, un comité de pilotage et un comité scientifique ont été mis en place pour fournir des conseils d'experts. Ces comités sont composés de membres du personnel de l'UNESCO, de partenaires clés et de parties prenantes. 

L'équipe du projet a acheté des pièces détachées pour renforcer la fonction de surveillance de la tour Congoflux. Elle a également réhabilité l'un des bâtiments de l'INERA, spécialisé dans les sciences du climat, ainsi que la maison d'hôtes attenante pour les scientifiques en visite et les installations du Centre de surveillance de la biodiversité, qui ont tous été équipés de panneaux solaires. L'université de Gand fournit au laboratoire de climatologie des équipements de recherche de pointe. Un deuxième bâtiment de l'INERA sera équipé de panneaux solaires au cours de la deuxième phase.

Seize scientifiques locaux ont été formés au pilotage des drones qui surveillent la flore et la faune du bassin du Congo, ainsi que l'état des terres réhabilitées. Pour faciliter les déplacements des scientifiques locaux sur le territoire fortement boisé, l'équipe du projet a acheté un hors-bord, deux véhicules tout-terrain et 12 motos.

off-road vehicles purchased by the UNESCO project in May this year to make it easier for local scientists to move around the biosphere reserve
Véhicules tout-terrain achetés par le projet de l'UNESCO en mai 2023 pour faciliter les déplacements des scientifiques locaux dans la réserve de biosphère.
Meeting with villagers this year to identify green income-generating crops which could boost food security and nutrition
Rencontre avec les villageois cette année pour identifier les cultures vertes génératrices de revenus qui pourraient renforcer la sécurité alimentaire et la nutrition.
Technicians mounting solar panels on the roof of the rehabilitated guest house and building housing the climate science laboratory in July this year
Techniciens installant des panneaux solaires sur le toit de la maison d'hôtes réhabilitée et du bâtiment abritant le laboratoire de science climatique en juillet 2023

Développer l'agroécologie pour réduire la consommation de viande sauvage et augmenter les revenus

Le nombre et la variété des espèces de mammifères dans la réserve de biosphère ont diminué au cours des 30 dernières années, alors que la viande sauvage contribue de manière significative à la sécurité alimentaire des ménages. 

Une étude réalisée en 2023 par Van Vliet et al. a utilisé des pièges photographiques pour évaluer l'état de la biodiversité dans le paysage de Yangambi ; elle a révélé que celui-ci était dominé par quatre espèces de petits mammifères : un rat à poche (Cricetomys emini), le porc-épic Atherurus africanus et deux espèces de céphalophes, une petite antilope (Philantomba monticola et Cephalophus dorsalis). L'étude a confirmé la présence de quatre espèces figurant sur la liste rouge de l'UICN, des chimpanzés (Pan troglodytes) et trois espèces de pangolins (Smutsia gigantea, Phataginus tetradactyla et Phataginus tricuspis). 

L'équipe du projet a interagi avec les communautés locales afin d'identifier des sources durables de nourriture et de revenus. L'agriculture locale sera soutenue dans la deuxième phase en utilisant des semences développées par l'INERA qui sont mieux adaptées à l'environnement local et plus productives, à savoir le manioc (Manihot esculenta), le maïs (Zea mays), le riz (Oriza sativa), le melon (Cucumis melo) et l'arachide (Arachis hypogea). 

L'INERA accompagnera également les ménages dans le développement de cultures utilisant des techniques respectueuses de l'environnement et formera les agriculteurs à l'utilisation de biofertilisants et au développement de la pisciculture et de l'élevage. 

Pour sa part, l'UNESCO a fourni aux villages des conseils sur la manière de former une association afin d'obtenir une plus grande autonomie financière. Six associations ont été créées depuis novembre, regroupant 250 membres, et d'autres villages souhaitent faire de même. Chaque association a fixé une cotisation pour ses membres pouvant aller jusqu'à 7 dollars par mois, afin de constituer une trésorerie suffisante pour pouvoir distribuer des microcrédits à ses membres.

En septembre, l'UNESCO commencera à dispenser aux membres de ces associations communautaires une formation dans des domaines tels que la comptabilité, la recherche de financements et l'optimisation de la chaîne de production des produits agricoles. La plupart des ménages pratiquent l'élevage de porcs et de chèvres. Le projet fournira également aux communautés une formation sur la manière d'augmenter la taille de leurs troupeaux d'une manière écologiquement durable afin de générer davantage de revenus. On espère que ce revenu supplémentaire permettra à davantage de familles d'envoyer leurs enfants à l'école.

« Notre association est impatiente de renforcer ses compétences en matière de comptabilité, de montage de micro-projets et d'élaboration d'un plan d'investissement », explique Liliane Otono Wendalituka, qui dirige l'association communautaire du groupe Yawenda. « Cela nous aidera grandement à devenir autonomes, surtout les femmes, qui ont accueilli favorablement cette initiative de l'UNESCO », ajoute-t-elle.

Au départ, certaines communautés avaient exprimé la crainte que le projet ne les empêche d'accéder à leurs terres, faute d'informations claires sur le fonctionnement du système de zonage de la réserve de biosphère. 

L'UNESCO a donc entrepris une campagne pour expliquer le système de zonage aux villageois et aux écoliers. Le personnel a expliqué que Yangambi, comme toutes les réserves de biosphère, possède une aire centrale légalement protégée qui est entourée d'une zone tampon où sont menées des recherches et d'autres activités à faible impact. Cette zone tampon est à son tour entourée d'une zone de transition où vivent les communautés. C'est dans cette zone de transition que les activités économiques « vertes » sont encouragées.

Renforcer la première phase au cours des trois prochaines années

« Dans la deuxième phase du projet », explique René Bernadin Jiofack Tafokou, coordinateur du projet au bureau de l'UNESCO à Kinshasa, « nous allons construire sur les bases de la première phase ». 

« Nous allons immédiatement commencer à former les membres des associations communautaires », poursuit-il. « Nous allons également étendre notre campagne pour sensibiliser la communauté au système de zonage et à la façon dont les communautés peuvent développer des activités vertes pour augmenter leurs revenus. Nous avons déjà parlé à plus de 4 000 villageois et écoliers. Au cours de la deuxième phase, nous prévoyons d'atteindre davantage de personnes dans les églises, les marchés, les écoles et les campus universitaires ». 

Parallèlement, l'INERA développera de nouvelles activités agricoles avec les villageois intéressés et nos autres partenaires entreprendront des études et des formations pour faire de Yangambi un centre de recherche sur la biodiversité et les sciences du climat.

Au cours des trois prochaines années, le Centre de surveillance de la biodiversité organisera au moins dix séries d'inventaires multi-ressources du paysage forestier de Yangambi en utilisant son laboratoire de terrain biosécurisé pour surveiller la biodiversité à différents niveaux (écosystèmes, composition des espèces, populations, etc.), ainsi que la biodiversité et les indicateurs génétiques de son érosion. Le centre collaborera dans cette entreprise avec le programme Capacités pour la biodiversité et le développement durable (CEBioS) géré par l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique. CEBioS soutiendra également l'évaluation économique des services écosystémiques dans la réserve de biosphère.

De son côté, l'ERAIFT mettra à profit son expertise socio-anthropologique pour former des étudiants et coordonner la recherche scientifique autour de la gestion des bases de données rassemblant l'ensemble des données de la tour CongoFlux, ainsi que les données collectées par d'autres acteurs. 

L'Université de Gand, quant à elle, utilisera la télédétection pour simuler des scénarios, afin d'améliorer le suivi de la végétation, en plus d'assurer le soutien aux étudiants belges et congolais et le transfert de technologie.

Un nouveau partenaire, le musée royal de l'Afrique centrale, contribuera à la deuxième phase du projet par l'intermédiaire de son laboratoire de biologie du bois, unique en son genre en Afrique subsaharienne. Les scientifiques locaux utiliseront l'équipement de pointe du laboratoire pour étudier différentes espèces d'arbres, afin d'améliorer la compréhension de leurs caractéristiques individuelles, de leurs modes de croissance et de l'histoire de leur végétation.