La différence entre la franchise et la sincérité

La différence entre la franchise et la sincérité

Netflix a publié en ligne il y a un petit moment maintenant son « culture deck » qui reprend les principes-clés de l’entreprise. Plus encore, son fondateur Reed Hastings a co-écrit un livre avec Erin Meyer et je dois dire qu’en le lisant, qu’on soit d’accord ou non avec ce qui y est dit, on en sort avec des idées intéressantes car Netflix a un parti pris très fort et très marqué. Ils sont tellement sûrs d’eux qu’ils sont prêts à diffuser leurs méthodes.

Dans cet article, j’ai choisi d’aborder LE point qui m’a le plus marqué, à savoir la Franchise.

Vous connaissez la « Houtspa » ?

Il y a quelques années, j’avais lu un livre qui s’appelait « Israël, la nation start-up » et qui expliquait pourquoi dans un si petit pays il y a autant de start-ups. Un point que j’ai retenu est la notion de « Houtspa » qu’on pourrait traduire par « culot » : un stagiaire peut tout à fait contredire le patron de l’entreprise de façon franche devant tout le monde sans que cela soit mal pris pour autant. Un exemple de ce comportement « Houtspénique » est l’histoire de la filiale israélienne spécialisée en innovation d’IBM qui avait reçu des consignes du siège pour abandonner un projet et que la filiale a choisi de développer malgré tout sous le manteau et qui est devenu un des plus grands succès de l’entreprise.

Quand j’ai lu le livre de Netflix sur les chapitres traitant de la franchise, j’ai immédiatement pensé à cet autre livre.

Chez Netflix, il faut savoir que ne pas prendre la parole quand il faut équivaut à une trahison car l’employé garde pour lui des remarques utiles pour l’entreprise. En ne prenant pas la parole, l’employé choisit délibérément de ne pas aider l’entreprise. On est loin des intrigues de pouvoirs dans les entreprises classiques où justement, on se doit de cacher son jeu pour mieux briller devant tout le monde et casser la concurrence.

Mais avant de continuer, faisons un petit point définition car il est fondamental de comprendre de quoi nous parlons.

Sincérité, authenticité, parler-vrai, franchise… Kézako ?

Tous les mots ne se valent pas c’est pourquoi j’ai repris ces définitions depuis un article de Psychologie Magazine.

Vérité : Elle a plusieurs visages : vérité objective comme un discours mathématique ; vérité dans le discours définie comme l’adéquation entre le mot, le concept et la chose réelle ; mais aussi vérité subjective, relative à soi, à une parole qui n’est vraie que pour soi.

Sincérité : Son étymologie latine sine cera, « sans cire », renvoie à l’idée du miel sans impureté, où le nectar est parfaitement transparent, pur. En ce sens, la sincérité peut être synonyme d’authenticité, de pureté. Être sincère, c’est être soi-même, en toute clarté, au-delà de tout jugement moral.

Franchise, véracité, honnêteté : À la différence de la sincérité, qui se rapporte davantage à soi (à l’énonciateur), la franchise ou la véracité concerne une parole qui se rapporte à la vérité des faits (l’énoncé et l’énonciation). Nous sommes bien dans le registre moral et, en cela, proches de l’honnêteté. Rappelons les propos de Pascal : « Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le coeur… » Une belle façon de lier vérités objectives et subjectives, sincérité et franchise.

La méthode des 4A

A la lumière de ces définitions, nous comprenons mieux que la Franchise est le fait de donner une vérité objective et morale à une situation que nous partageons avec l’autre à la différence de la sincérité qui consiste à dire en étant soi-même sans tenir compte de l’autre.

Ainsi, pour que ce principe puisse vivre dans une entreprise, il faut l’encadrer pour éviter de « balancer » des « vérités » sans tenir compte de l’autre.

Pour que la Franchise fonctionne, Netflix propose la méthode des 4A, 2A pour l’émetteur, celui ou celle qui a quelque chose à dire, et 2A du côté receveur pour la personne qui reçoit la critique.

Côté émetteur :

  • Aider avant tout : émettre une critique doit se faire en toute bienveillance avec une intention positive en indiquant le bénéfice recherché sans aucune velléités politiques.
  • Applicable : Dire une critique sans donner des éléments pour s’améliorer n’est pas envisageable. Une critique doit être accompagné de propositions qui sont applicables et réalistes.

Côté receveur :

  • Apprécier : Sans doute le plus difficile. Personne n’apprécie recevoir une critique. C’est pourquoi il faut entendre dans la parole de l’autre l’envie d’aider et la bienveillance qui l’accompagne. Le fait d’entendre l’effort que l’autre fait pour dire comment je peux m’améliorer doit être apprécié comme un cadeau.
  • Accepter ou rejeter : A la fin, vous êtes maître de ce que vous allez faire de cette critique. Elle n'a été dite que pour vous, c’est à vous de faire preuve de discernement pour l’accepter et en faire quelque chose, ou bien choisir de la rejeter car vous jugez que cela est inutile.

En pratique

Les 4A sont simples à dire, difficiles à mettre en place. Le premier frein, généralement est de savoir QUAND on peut se permettre de dire une critique. Pour Netflix, il n’y a pas de question : on dit quand on a quelque chose à dire et il n’y a pas de bon moment autre que le présent pour le dire. Il ne faut pas attendre.

Quelqu’un est flou pendant une présentation devant toute la boîte, on le dit direct car c’est dans l’intérêt de la personne et de l’entreprise.

Quelqu’un est plus expérimenté mais ne maitrise pas un sujet aussi bien que le junior qui l’accompagne et on va perdre le client à cause de cela, le junior doit le dire sans tenir compte de la hiérarchie car c’est un enjeu pour l’entreprise.

Pour que cela marche, il est impossible d’avoir des collaborateurs toxiques. Un collaborateur peut être le meilleur de son domaine, si son égo prend toute la place et l’empêche d’entendre les feedbacks de ses collègues, il est jugé comme toxique et n’a donc pas sa place dans l’équipe.

Chez Netflix, comme chez Reboot d’ailleurs, le feedback est régulier et est en 360 et utilise la méthode des 4A.

Conclusion

Nous aurons l'occasion de reprendre d'autres thèmes inspirants chez Netflix.

Voici quelques exemples : « la concentration de talents », « le système lâche », « l’autonomie », « la culture dans un contexte mondiale », « les gens avant le process », « capitaines informés », « contexte vs contrôle », « keeper test »…

Et une citation d'Antoine de Saint-Exupéry provenant de leur site institutionnel:

Si tu veux construire un bateau,
ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres,
pour expliquer chaque détail,
pour leur dire où trouver chaque chose.
Si tu veux construire un bateau,
fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer.

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