Mexique : le douloureux combat des femmes pour retrouver leurs proches disparus
Au Mexique, près de 120 000 personnes sont aujourd’hui portées disparues à cause des organisations criminelles et de la militarisation du pays. Face à l’inaction de l’État, des collectifs composés majoritairement de femmes recherchent leurs proches.
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C’est une découverte macabre et malheureusement ordinaire au Mexique. Samedi 25 janvier, les autorités ont exhumé 56 corps jetés dans des fosses communes, près de la frontière américaine. Quelques semaines plus tôt, une douzaine de cadavres avaient été identifiés dans l’État de Chihuahua, à deux heures de Ciudad Juárez.
Aujourd’hui, près de 120 000 personnes sont portées disparues dans le pays. Un triste bilan qu’Amnesty International impute aux organisations criminelles mais aussi à la militarisation de la sécurité publique. Car depuis 2019, la Garde nationale mexicaine, jusque-là rattachée au ministère de la sécurité, est sous le contrôle de l’armée.
Face à ces chiffres vertigineux et à l’inaction de l’État, des associations s’organisent pour retrouver les personnes disparues. À l’instar de Bibiana Mendoza, activiste des droits humains et cofondatrice du collectif Hasta Encontrarte.
La société civile agit
Cela fait sept ans, depuis 2018, que Bibiana Mendoza recherche son frère Manuel Ojeda Negrete. Ce père de deux enfants, ouvrier agricole à Guanajuato, avait 31 ans lorsqu’il a cessé de rentrer à la maison. « La violence s’est installée dans la région vers 2016-2017 avec l’arrivée des narcotrafiquants, explique l’activiste. Avant cela, nous menions une vie paisible. »
N’ayant aucune nouvelle de son frère, Bibiana Mendoza a sollicité l’aide de la police, sans succès. « Ils ont traité mon frère de narcotrafiquant, m’ont accusée d’être mariée au chef d’une organisation criminelle, ont tout dit, tout fait, sauf lancer les recherches », déplore cette dernière. Alors, la jeune militante s’est attelée à la tâche et a créé le collectif Hasta Encontrarte avec d’autres chercheuses, elles aussi victimes de la disparition de leurs proches.
Ensemble, elles ont appris sur le tas à mener une enquête en retournant sur les lieux de la disparition, interrogeant les habitants, distribuant des photos. Au fil des années, les sœurs, mères, filles endeuillées ont développé des nouvelles compétences : « Nous savons désormais fouiller les fosses clandestines, exhumer les corps et identifier les marques de blessures grâce à des formations médico-légales, raconte Bibiana Mendoza. En somme, nous faisons le travail de la police. »
L’État mexicain ferme les yeux
Pour Amnesty International Mexique, le climat de violence et d’impunité qui règne dans le pays peut être partiellement attribué à la militarisation de la sécurité. Et en effet, entre 2020 et 2022, plus de 1 100 plaintes ont été déposées auprès de la commission des droits humains contre la Garde nationale. Dans un communiqué de presse publié en 2022, Edith Olivares, directrice de la branche mexicaine d’Amnesty, demandait au pouvoir exécutif « de concevoir un plan de retrait progressif des forces armées hors de la rue » afin de les remplacer par la police civile, jugée moins dangereuse. En vain.
De plus l’organisation souligne l’échec de l’État à protéger ceux, et surtout celles, qui se saisissent des affaires de disparition. Car, comme l’explique Edith Olivares, « depuis les Grands-Mères de la place de Mai, – une association créée pour retrouver les enfants volés sous la dictature en Argentine –, en Amérique latine, ce sont surtout les femmes qui recherchent leur famille disparue. » Et aujourd’hui, nombre d’entre elles sont victimes de menaces, d’intimidations, voire de tentatives d’assassinat.
Bibiana Mendoza fait partie de ces femmes qui craignent pour leur vie, tout comme celles qui font partie de son association. Chaque semaine, elles reçoivent des menaces. Certaines ont dû prendre leurs distances par crainte des répercussions. « Les femmes mexicaines qui travaillent avec moi ont appris à vivre avec des proches disparus, à les chercher sans l’aide des autorités, mais nous refusons de voir nos sœurs de combat tomber », confie l’activiste, les larmes aux yeux.
Au côté d’Edith Olivares, elle cherche à sensibiliser les pays de l’Union européenne, dans l’espoir qu’ils exercent une pression diplomatique sur l’État mexicain : « Nous faisons le travail des autorités, la moindre des choses est qu’ils garantissent notre sécurité. »
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