« Test and learn, c’est un truc de startuper ». Tester, se tromper, recommencer : cette logique d’entrepreneuse domine le parcours militant de Flora Ghebali. Dans son cabinet de conseil en transition écologique, sur les plateaux de télé ou dans ses essais, la Parisienne de trente ans expérimente, dans un seul but : « trouver la meilleure méthode de changement » dans le domaine de l’écologie.

« L’entreprise, la politique, le lobbying… je suis passée par toutes les phases en quelques années », sourit l’écologiste aux multiples casquettes, installée dans sa future « fourmilière », ancien bureau de poste du 10e arrondissement de la capitale, dans lequel la militante peaufine ses projets pour la rentrée. Un nouveau livre, une chaîne YouTube, et le développement des Fourmis, son mouvement citoyen écologiste pour s’engager en politique différemment.

«Comme ces insectes incapables de s’échapper d’un cercle dessiné au crayon, nous sommes paralysés par des croyances nous empêchant de passer à l’action », explique-t-elle dans son essai Le syndrome de la fourmi (1), paru en 2023. Avec son mouvement, Flora veut dépasser les divisions et faire ressortir un discours écologique « plus universel ».

« Gagner la bataille des récits »

Scotchée à 7 ans devant les actions chocs de José Bové à la télévision, Flora Ghebali a « repris le flambeau » d’un engagement politique très familial. Fille de l’un des fondateurs de SOS Racisme et homme d’affaires Éric Ghebali, et de l’animatrice Daniela Lumbroso, on retrouve chez elle l’esprit entrepreneur et la personnalité médiatique de ses parents. Mais l’engagement de Flora, c’est l’écologie.

Parce que c’est le défi de sa génération, mais aussi sa chance. « On va vivre des moments difficiles, mais derrière on doit créer la civilisation écologique. J’y crois profondément », confie l’entrepreneuse, les yeux bleus brillant de détermination. Après avoir passé deux ans au service communication du président François Hollande à sa sortie du Celsa, Flora Ghebali est obsédée par la façon dont on peut « gagner la bataille des récits », convaincre un maximum de personnes de l’importance de l’écologie.

Tous les moyens sont bons. À la même époque, elle découvre la start-up nation, et y entrevoit un monde de possibles, là où se trouvent les solutions. À 25 ans, elle fonde son propre cabinet de conseil « 100 % anti-greenwashing ». L’ambition de Coalitions, qui a soutenu une vingtaine de projets depuis sa création, est « d’être à l’interface entre État, entreprises et associations, et de faire accélérer les transitions écologiques et sociales. »

« 5 ans de Coalitions, ça m’a aussi fait déchanter », reconnaît-elle cependant, alors qu’elle s’apprête à laisser le conseil derrière elle pour se concentrer sur ses projets plus politiques.

De la start-up aux plateaux de débats

En 2021, alors qu’elle se dit « encore naïve et enthousiaste », elle publie son premier essai (2), dans lequel elle brosse le portrait d’une génération consciente des enjeux écologiques et en quête de solutions. Férue de citations en bonne essayiste, Flora invoque souvent la philosophe Hannah Arendt : « Le grand isolement, c’est de s’entourer de personnes qui pensent comme vous. » D’où le choix d’aller se frotter à des personnalités principalement de droite voire d’extrême droite sur les plateaux de BFMTV et autour de la table des « Grandes gueules », sur RMC.

Au milieu d’une « crise du vivre-ensemble », note-t-elle en jouant avec son café, il est crucial pour les écologistes de représenter leurs combats et d’être présents sur tous les fronts. « Les Grandes gueules, c’est un café du commerce géant qui nourrit les cafés du commerce de France. On reçoit des messages du type : j’ai repris vos arguments au bistrot et j’ai convaincu tout le café. » Elle y joue son rôle, celui de « l’urbaine à tendance bobo », au prix, souvent, de la caricature et du harcèlement en ligne. « Le lot de l’époque », selon la jeune femme.

Un virage politique

Au fond, elle se méfie « autant du greenwashing que de la radicalité militante hyper-excluante ». Désormais, sa conviction profonde est que la chose écologique est une affaire politique au sens noble du terme : « l’art de faire vivre ensemble ». En juin dernier, Flora Ghebali s’est d’ailleurs présentée sur la liste de Marie Toussaint (Les Écologistes) aux élections européennes.

Une expérience difficile, face à la violence du monde politique, aux idées reçues sur l’écologie, au triomphe de l’extrême droite. 11e de la liste, elle n’a pas été élue. C’est l’échec le plus dur à avaler de sa courte carrière. Mais elle continuera d’innover, prête à échouer, « comme à 90 % du temps », convaincue que c’est ainsi qu’un projet finit par fonctionner.

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Ses raisons d’espérer : « Les jeunes à l’aise avec leurs émotions peuvent bâtir une société plus consciente »

« L’écologie touche à la conscience de soi. Et je trouve très positif de voir que les adolescents sont beaucoup plus ouverts dans leur rapport au travail, à l’amour, aux modes de vie. Quand je vois des jeunes qui sont à l’aise avec leurs émotions, qui comprennent leur colère, leur tristesse, je me dis que ça va nous permettre de faire la transition écologique. »

(1) « Le syndrome de la fourmi – Voir et dépasser les barrières mentales de l’inaction écologique », Flora Ghebali, Decitre, 2023 ; 205 p., 20 €.

(2) « Ma génération va changer le monde », Flora Ghebali, Éditions de l’Aube, 2021, 216 p., 17 €.