Il a célébré ses 200 ans en décembre 2024 et n’a jamais été autant dans la lumière. Le laboratoire d’hydrologie de Nancy, chargé notamment de traquer les polluants dans l’eau potable en France, a multiplié ces derniers temps les révélations.

En 2023, ce centre de recherche rattaché depuis 2010 à l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, met à jour une vaste contamination de l’eau potable par un métabolite du chlorothalonil, c’est-à-dire un produit émis par ce pesticide lorsqu’il se dégrade.

En octobre 2023, c’est encore en s’appuyant sur les travaux du laboratoire que l’Anses conclut que la « qualité sanitaire » des eaux minérales commercialisées par Nestlé n’est pas garantie. Actuellement, les équipes de recherche traquent dans les eaux françaises 34 PFAS, ces composés à la persistance extrême au point d’avoir été surnommés « polluants éternels ». S’il est trop tôt pour dresser un panorama des pollutions, il apparaît, selon les premières remontées, que le TFA – pour acide trifluoroacétique – un polluant éternel issu notamment des pesticides, revient régulièrement dans les échantillons.

S’assurer de la qualité des eaux thermales

Ces travaux témoignent de l’évolution du champ d’action de laboratoire qui a vu, au fil des décennies, ses missions évoluer. Une histoire qui témoigne des progrès de la science. Fondé en 1824 à Paris au sein de l’Académie royale de médecine, le laboratoire se concentre alors sur les eaux minérales naturelles, aussi bien les eaux thermales que les premières eaux conditionnées en bouteille. Il est en charge d’examiner les demandes d’autorisations en vue d’obtenir le droit d’exploiter ces eaux minérales.

Sa mission est donc de s’assurer de leur qualité et de vérifier qu’elles sont bien adaptées à leur usage thérapeutique. Mais l’approche reste limitée, les connaissances étant assez restreintes : on se contente d’observer l’eau, de la sentir, de la goûter et de conduire des analyses chimiques de minéraux, résidus secs ou métaux.

Les découvertes de Louis Pasteur dans la deuxième partie du XIXe siècle marquent un tournant. « C’est en s’appuyant sur les enseignements de Pasteur que sont mises au point les méthodes de surveillance de la qualité microbiologique des eaux, explique Sophie Lardy-Fontan, directrice du laboratoire. Auparavant,on savait que l’eau était un vecteur de maladie, mais on ne savait pas caractériser les pathogènes, les microbes qui y étaient présents ».

Identifier les nouveaux risques

Au XXe siècle, la mise en place des réglementations en matière de surveillance et de gestion des eaux élargit le champ d’action du laboratoire, qui travaille aussi sur les eaux de baignade. En 2002, le laboratoire quitte Paris pour Nancy. Et en 2007, en raison de la décentralisation il perd au profit des Agences régionales de santé (ARS) sa prérogative d’instruire les dossiers de demande d’autorisation d’exploitation d’une ressource en eau minérale naturelle. Les analyses qui étaient effectuées à Nancy sont désormais réalisées par des laboratoires agréés sur demande des ARS.

Mais le laboratoire d’hydrologie n’est pas pour autant désœuvré. En tant que laboratoire national de référence pour les eaux destinées à la consommation humaine, les eaux minérales naturelles et les eaux de loisirs, il contribue à en améliorer la qualité sanitaire notamment en identifiant de nouveaux risques liés à l’eau.

Des micropolluants qui passaient hier sous les radars

Tous les trois ans, il est chargé de mener une campagne exploratoire sur les ressources et les eaux distribuées afin d’y détecter des contaminations. Grâce aux progrès technologiques, les chercheurs sont aujourd’hui capables de détecter des micropolluants qui passaient hier sous les radars.

C’est donc le cas des PFAS, ces polluants éternels. « Nous étions parmi les premiers à mettre en lumière la présence de PFAS dans l’eau en 2010.À l’époque, quasiment personne n’en parlait », assure la directrice du laboratoire, Sophie Lardy-Fontan.

En parallèle de ces campagnes exploratoires, le laboratoire surveille la présence de virus dans les eaux usées et ce afin d’anticiper les crises sanitaires et de fournir des données pour aider à la prise de décision. L’analyse des eaux usées peut permettre en effet d’anticiper les vagues de contaminations durant les épidémies de grippe par exemple.

« Cette approche existait déjà au début du XXe siècle. Mais au laboratoire, c’est seulement depuis la pandémie du Covid-19 que nous la pratiquons à la demande des ministères de la santé et de l’environnement », raconte Sophie Lardy-Fontan. En l’espace de trois ans, un département dédié a été mis sur pied et un réseau de surveillance, dénommé Sum’Eau, déployé.