Surpêche : les populations de poissons surévaluées, selon une étude
Une étude publiée le 22 août révèle qu’un biais dans la méthode d’estimation des stocks de poissons dans le monde contribuerait à la surpêche. Ses auteurs appellent à plus de prudence dans la gestion de la ressource.
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Compter le nombre de poissons dans l’océan n’est pas une mince affaire. C’est même un exercice diablement compliqué, mais essentiel : évaluer les populations de poissons permet de savoir combien il est possible d’en pêcher sans mettre en danger les stocks. C’est la base des quotas qui sont mis en place pour préserver la ressource halieutique.
Sauf que selon une étude publiée le 22 août dans la revue Science, les modèles utilisés surestimeraient souvent les effectifs des populations de poissons. En moyenne, les stocks de poissons seraient surestimés de 11,5 %, avec de fortes disparités selon les populations cependant. Les auteurs de la publication invitent donc à déterminer les quotas de pêche avec plus de précaution.
Évaluer des populations invisibles
Ce sont des chercheurs australiens qui, les premiers, ont remarqué une anomalie. « En réalisant des suivis réguliers sur une espèce particulière, nous avons observé qu’il y en avait de moins en moins. Pourtant, les estimations d’effectifs recommandaient d’augmenter les captures », raconte Christopher Brown, un des auteurs de l’étude. En se plongeant dans les données de 230 pêcheries – zones de pêche – dans le monde, entre 1980 et 2018, les auteurs ont repéré plusieurs failles.
Pour « recenser » une population de poissons qu’on ne peut pas voir à l’œil nu, et qui fluctue chaque année, il faut d’abord en prélever un échantillon pour mesurer la taille, l’âge et la fertilité des individus, entre autres. Ces informations sont ensuite saisies dans des modèles informatiques qui prennent en compte d’autres variables, telles que des données historiques issues de la pêche.
Les estimations pour une année sont ensuite revues régulièrement en fonction des données accumulées au fil du temps. Mais ces nouveaux résultats, observent les chercheurs, révisent souvent à la baisse les prévisions originales.
« Plus une population est appauvrie, plus le biais est prononcé »
L’étude démontre que les méthodes d’estimation ont largement gagné en précision depuis les années 1980, mais que la marge d’erreur restante est trop dangereuse pour être ignorée. « On sait depuis longtemps que ces modèles ont un problème d’incertitude, relève Didier Gascuel, professeur en écologie marine et directeur du pôle halieutique de l’Institut Agro Rennes-Angers. Cette étude va plus loin en montrant qu’il y a un biais. »
De fait, ce sont les populations vulnérables – concernées par la surpêche, le réchauffement de l’eau ou qui sont moins nombreuses – qui seraient systématiquement surévaluées. Les modèles peuvent aussi indiquer à tort que les effectifs d’un stock sont en hausse. « Plus une population est appauvrie, plus le biais est prononcé. Elle est doublement en danger, puisqu’on peut augmenter les captures au moment où il faudrait des mesures de conservation », alerte Christopher Brown.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la part des stocks pêchés durablement dans le monde serait descendue de 90 % en 1974 à 64 % en 2019. Des chiffres qui seraient fortement sous-estimés : selon l’étude, un tiers de ces populations jugées durables au niveau mondial seraient en réalité en situation de surpêche.
Le risque n’est pas seulement écologique, mais économique. Christopher Brown rappelle que c’est une telle surestimation qui a causé l’effondrement de la morue au large du Canada dans les années 1990 : « Il y a eu un moratoire sur la pêche à la morue et des milliers de pertes d’emplois dramatiques pour les communautés qui en dépendaient. » Un moratoire qui n’a été levé que cette année.
Raisonner à l’échelle de l’écosystème
Mais le cœur du problème, selon Didier Gascuel, n’est pas tant lié aux problèmes de calcul qu’au modèle tel qu’il est conçu : « Aujourd’hui, les diagnostics se font espèce par espèce, alors qu’il faut raisonner à l’échelle de l’écosystème. Il est essentiel de prendre en compte des facteurs comme le changement climatique ou l’impact des engins de pêches. »
Le chalutage de fond, notamment, a un impact délétère sur les petits invertébrés qui vivent sur les fonds et constituent la base de la chaîne alimentaire marine, affectant de ce fait les populations de poissons ciblés par la pêche. « De plus, une population divisée par trois est considérée comme durable, parce que c’est suffisant pour qu’elle se reproduise. Mais on ne prend pas en compte l’effet qu’a la perte des deux autres tiers sur l’écosystème », ajoute-t-il.
Modéliser l’ensemble des variables pertinentes, reconnaît-il cependant, semble hors d’atteinte. « Il y a encore du progrès à faire, mais les modèles d’évaluations sont le meilleur outil dont nous disposons pour réguler la pêche », considère pour sa part Christopher Brown. En attendant, l’étude exhorte les gestionnaires de ressource à augmenter les marges de sûreté des quotas, afin de pallier les incertitudes et les biais qui demeurent.
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