La panne informatique qui a frappé de manière simultanée un grand nombre d'installations à la fin de cette semaine dernière aura été, au fond, bénigne : il est rare de mourir d'un départ en avion reporté, ou de l'impossibilité temporaire d'accéder à un media.
Mais cet épisode rappelle que, désormais, sans système digital, notre société industrielle n'est plus à même d'assurer les services de transport, d'information et de communication, de production, et bien d'autres qui la caractérisent.
On ne voit pas où est le problème, diront certains : lorsqu'il y a une panne elle ne dure jamais très longtemps, ça fait un peu de buzz dans les journaux et puis tout rentre dans l'ordre. Avec les problèmes que nous rencontrons aujourd'hui, c'est assurément le cas : si une ligne de code a été écrite de travers, on change la ligne et puis voilà.
Mais les problèmes que nous rencontrerons demain pourraient être d'une toute autre nature. Car notre système digital, c'est avant tout un système physique composé d'ordinateurs (dont des serveurs), de câbles et fibres optiques, de satellites, de routeurs et de grands hangars climatisés (là où sont les serveurs des datacenters), de centrales électriques et j'en passe.
Et tous ces objets ont de besoin de métaux (dont les fameuses "terres rares", qui chimiquement sont des métaux), et de chimie organique (isolants, plastiques, huiles, etc), issue du pétrole et du gaz.
Un composant de ce système digital dure entre quelques années et quelques dizaines d'années, selon ses caractéristiques et le comportement de son propriétaire. A l'issue, les matériaux qui le composent sont pour l'essentiel perdus (et le pétrole et le gaz nécessaires à la fabrication sont par nature non recyclables !).
Cela est du, notamment, au fait que, pour une large partie des "métaux de spécialité" présents dans un ordinateur, leur concentration y est inférieure à ce qu'elle est dans le minerai.
Or les stocks de métal extractible sur terre ne sont pas infinis. En fait, ces métaux sont présents partout en faibles quantités, mais il n'y a qu'un nombre restreint d'endroits de la croûte terrestre où il y a une "anomalie de concentration" (une concentration dans la roche qui est supérieure à ce qu'elle est "ailleurs") que l'on appelle... une mine, et où l'extraction peut avoir lieu sans y consacrer une énergie dépassant ce que nous aurons de disponible.
Dès à présent les problèmes semblent en vue pour plusieurs éléments, et le problème sera évidemment généralisé s'il y a un goulet d'étranglement généralisé sur l'énergie disponible (aspect généralement non pris en compte dans les analyses prospectives).
Question : en combien de temps saurions nous revenir à un monde beaucoup moins digital si notre capacité de fabrication de semi-conducteurs et/ou notre possibilité de génération électrique diminue fortement ?
Si l'épisode récent permet un petit "réveil" sur cette question qui reste pour le moment "sous le radar", il aura été très utile !