Fake news : les intermédiaires ne sont pas la solution
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Emmanuel Macron aurait un compte bancaire caché dans les Bahamas et entretiendrait une liaison avec sa belle-fille. Voilà deux exemples de tentatives de fake news issues de notre campagne présidentielle.
Il ne fait plus aucun doute que ces fausses informations, dont le seul but est d’être répétées à l’envi, peut avoir un impact sur la démocratie en influençant les électeurs. Parmi les candidats à l’élection de 2017, Macron était sans aucun doute le plus visé par les campagnes de désinformation, et il semble que sa victoire malgré cette circonstance n’a pas effacé le souvenir de ces tentatives de déstabilisation.
La transparence, clef de la démocratie ?
C’est ainsi que le gouvernement promet depuis quelques mois une loi pour contrer les fake news, qu’importe qu’un régime existe déjà au travers d’un croisement entre la loi de 1881 sur la liberté de la presse et le code électoral. C’est une promesse tenue, puisque l’excellent web-journal NextINpact a réussi à se procurer le projet de loi du gouvernement, qui semble faire des émules au sein de la Commission européenne.
Comme prévu, la grande nouveauté du texte est d’introduire un référé électoral permettant de saisir le juge pour que celui-ci se prononce en moins de 48 heures sur la véracité d’une information et, le cas échéant, qu’il prenne toute mesure utile pour faire cesser la diffusion de cette information. Les pouvoirs du CSA sont également revus à la hausse, avec la possibilité de refuser la diffusion d’une chaine d’information d’un Etat étranger.
Surtout, les intermédiaires d’Internet sont encore une fois mis à contribution, avec des obligations de transparence renforcées qui pèseront sur les plus grosses plateformes en ligne en renfort de celles déjà prévues par la loi pour une République numérique, et l’obligation de contribuer à la lutte contre les fake news pour les hébergeurs et les FAI, au travers notamment de dispositifs de signalement et une collaboration avec une autorité à déterminer.
Les intermédiaires, encore et toujours la solution de facilité
Force est de constater qu’une fois de plus, sous couvert de la rengaine “à grands pouvoirs, grande responsabilité”, les intermédiaires d’Internet sont au cœur du système. On peut le comprendre : ils permettent effectivement de véhiculer plus largement et efficacement les fake news, et ils peuvent effectivement agir rapidement pour contrecarrer la diffusion de ces informations.
Mais il faut néanmoins se poser la question : veut-on vraiment que Google, Facebook, Twitter, Reddit et compagnie soient les censeurs du web ?
À force de mettre à leur charge des obligations de retrait de contenu et de vigilance sur la nature de ces contenus, c’est forcément ce qui va arriver, si ce n’est déjà le cas. Et ce qu’on peut accepter pour les contenus manifestement illicites (un prompt retrait), le veut-on pour des informations qu’il faut qualifier de véridiques ou de fausses ?
Il serait peut-être grand temps de commencer à envisager des solutions, certes moins faciles à mettre en oeuvre, mais qui iraient chercher la source du contenu en cause. Cela aurait pour effet non seulement de prévenir qu’un même auteur commette plusieurs atteintes, mais en plus nous permettrait de nous désengager de notre relation avec ces intermédiaires. La démocratie en bénéficierait doublement.