Sur la photo officielle de leur dernière rencontre, on voit Volodymyr Zelensky, affublé de son emblématique pantalon de treillis kaki, remercier le pape François avec la main sur le cœur. La scène s’était déroulée le 14 juin dernier, en marge du sommet du G7 à Bari (Italie).

Lors de cette entrevue de quelques minutes, la seconde en date entre les deux hommes depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, le chef de l’État avait exprimé sa reconnaissance à l’évêque de Rome pour « ses prières », « son engagement humanitaire vis-à-vis de son peuple » – et insisté sur l’importance de soutenir la « formule de paix » défendue par Kiev, des mots du communiqué présidentiel publié dans la foulée.

Près de quatre mois plus tard, de quoi pourrait-il être question lors de cette nouvelle rencontre prévue vendredi 11 octobre au Vatican ? Aucune déclaration à la presse n’est prévue à l’issue de cet entretien, mais les sujets ne manquent pas, à en croire une source catholique ukrainienne : « Ils parleront sûrement du rôle, au sens large, que peut continuer à jouer le Vatican dans le conflit ukrainien, alors que le pays perd actuellement du terrain à l’Est sous les assauts russes. » D’autres sujets annexes, comme la récente décision de François de créer cardinal Mgr Mykola Bychok, évêque de l’éparchie Saints-Pierre-et-Paul de Melbourne des Ukrainiens (Australie), pourraient aussi être évoqués.

Plusieurs tentatives de médiation

Quant à savoir ce qui pourrait sortir, concrètement, de ce nouvel échange bilatéral, les attentes demeurent mesurées. « Depuis le début de l’invasion du pays par Moscou, Kiev regarde avec une certaine circonspection les tentatives de médiation de Rome sur le plan politique », poursuit cette source. En voulant maintenir le dialogue avec tous les partis, « François se garde de prendre une position très claire pour ne pas risquer de trop froisser la Russie. Cela nourrit un certain mécontentement en Ukraine », décrypte l’historien Antoine Nivière, professeur de civilisation russe à l’université de Lorraine.

Deux épisodes ont récemment cristallisé des tensions : lorsque le pape avait appelé en mars à « hisser le drapeau blanc et à négocier » – la formulation avait hérissé –, et lorsqu’il avait condamné fin août l’interdiction de l’Église orthodoxe ukrainienne liée à Moscou (EOU-MP), faisant alors part de sa préoccupation pour la liberté de culte dans le pays en guerre.

Sur le terrain, les efforts de médiation du Saint-Siège, qui a fait le choix au fil des derniers mois de se concentrer sur le volet humanitaire, ont pourtant déjà porté de réels fruits. En juin 2023, Volodymyr Zelensky avait reçu dans la capitale ukrainienne le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et envoyé spécial du pape François, pour initier des « chemins de paix » dans le conflit.

Le responsable religieux, figure de la communauté de Sant’Egidio, s’était ensuite rendu à Moscou, Washington et Pékin, dans l’optique de mettre en place un mécanisme visant à faciliter les échanges de prisonniers et le rapatriement d’enfants ukrainiens retenus en Russie depuis le début de la guerre.

Libération d’enfants

Pour quels résultats ? D’après le journal des évêques italiens Avvenire, 388 mineurs auraient déjà pu être libérés, principalement à travers l’organisation Save Ukraine, à la suite de médiations exercées par plusieurs acteurs, dont le Saint-Siège. Après le retour de dix prisonniers – dont deux prêtres rédemptoristes de l’Église gréco-catholique ukrainienne – en juin dernier dans le cadre d’un échange, le président ukrainien avait aussi personnellement remercié le Vatican pour son rôle dans cette transaction.

« Tout s’est fait de façon discrète, comme toujours, mais la médiation romaine a beaucoup aidé pour ces libérations », abonde une autre source, assurant que « le Vatican continue de travailler activement sur le dossier ». Fin juillet, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, s’était ainsi encore rendu en Ukraine, pour une visite de cinq jours durant laquelle il avait multiplié les rencontres avec les autorités religieuses et civiles.

Lors d’une visioconférence avec la commissaire aux droits de l’homme de la Fédération de Russie, le 16 septembre, il avait ensuite réitéré son appel à l’échange des prisonniers de guerre capturés dans le bourbier russo-ukrainien. Si certains demeurent sceptiques face à l’action du pape en Ukraine, d’autres saluent la constance de sa préoccupation pour ce pays « martyrisé » selon ses mots, alors que les regards se tournent davantage depuis un an vers le Proche-Orient.

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Entre les deux hommes, des rencontres régulières

- Le 8 février 2020, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est entretenu une première fois avec le pape François à Rome, alors que la menace de la pandémie de Covid-19 commençait à planer sur l’Europe.

– Le 13 mai 2023, il est retourné au Vatican, pour une audience privée d’une quarantaine de minutes, durant laquelle tous deux ont réaffirmé la « nécessité de continuer les efforts humanitaires » dans le pays en guerre.

- Le 14 juin dernier, les deux hommes se sont à nouveau vus en marge du sommet du G7 à Bari (Italie). Lors de cette entrevue très brève, Zelensky avait cherché à obtenir, sans succès, le soutien de Rome sur sa « formule de paix ».

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