Une bonne nouvelle qui récompense les efforts des pêcheurs. Les stocks de coquilles Saint-Jacques disponibles dans les baies de Saint-Brieuc et de Seine, les deux plus importants gisements français, sont en hausse respectivement de 5 % et 53 % par rapport à 2023. Alors que la saison 2024-2025 a commencé début octobre, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) met en avant « les efforts des pêcheries françaises pour une diminution globale de l’effort de pêche ».

D’après les observations de l’institut, l’abondance de coquilles atteint même un niveau historique en baie de Seine. Cette zone, entre Barfleur (Manche) et le cap d’Antifer (Seine-Maritime), au nord du Havre, constitue le plus grand vivier d’Europe. La biomasse totale exploitable, c’est-à-dire la quantité de saint-jacques de 110 mm ou plus, y est estimée à plus de 137 000 tonnes, dépassant le précédent record de 105 000 tonnes en 2022.

« Les 100 000 tonnes disponibles étaient l’objectif fixé lors de la mise en place de mesures de protection de la ressource », se félicite Dimitri Rogoff, président du Comité régional des pêches maritimes de Normandie (CRPMEM).

Des règles drastiques depuis 2016

Comme leurs cousines de la baie de Saint-Brieuc, les coquilles de la baie de Seine puisent en effet leur bonne santé dans l’action des artisans. Concrètement, les « coquillards » normands ont revu leurs habitudes depuis 2016. Jusqu’alors, la pêche se faisait presque 24 heures sur 24, toute la semaine et toute l’année, avec une intensification lors des semaines précédant les fêtes de fin d’année. Une pression énorme sur la ressource.

Celle-ci se raréfiant chaque année, la filière a réagi et instauré des règles strictes : longueur maximale des bateaux de 16 mètres, pêche autorisée d’octobre à mai après les périodes de reproduction, quantités et nombre de sorties en mer limitées et décidées avant chaque saison. Cette année par exemple, les bateaux peuvent effectuer quatre marées par semaine pendant une heure chacune.

« Ce n’était pas évident à faire accepter au début mais tout le monde s’en satisfait aujourd’hui, assure Dimitri Rogoff. En plus de préserver la ressource, ces règles répondent aux problèmes du coût du carburant et de la pénibilité du travail avec moins de sorties. »

Par ailleurs, les populations de coquillages sont protégées grâce à un système de jachère tournante. L’idée est venue après un incident sanitaire dans une zone de la baie de Seine. Les bateaux n’y ont pas pêché pendant un an et, quand ils y ont jeté à nouveau leurs dragues, les coquilles abondaient. La profession a depuis quadrillé la baie et détermine chaque année des espaces qui ne seront pas pêchés. « L’instauration d’une jachère tournante a permis une augmentation importante des populations depuis huit ans et une répartition relativement homogène de la biomasse entre les différentes zones », confirme l’Ifremer.

Une présence britannique au large toujours dérangeante

Ces dernières années, l’institut publie ainsi des chiffres très positifs sur les niveaux de population. Une satisfaction pour la filière qui approfondit son travail. En baie de Seine, les dragues qui raclent le sol marin sont de plus en plus sélectives. Des anneaux plus grands trient mieux les spécimens remontés à la surface, limitant ainsi les dégâts des engins sur les habitats sous-marins.

De même, dans les Côtes-d’Armor, la taille minimale des coquilles pouvant être pêchées a été rehaussée pour cette nouvelle saison, de 102 à 105 millimètres. Cela permettra de prélever des saint-jacques un peu plus âgées – autour de 3 ans – et de continuer à renforcer des populations également en hausse. En baie de Saint-Brieuc, la ressource exploitable pèse 58 250 tonnes. La hausse du volume par rapport à 2023 est de 5 % alors même que la taille minimale réglementaire a été revue.

Ces réussites économiques et environnementales gardent tout de même un point noir. Les restrictions ne s’appliquent que dans les eaux territoriales françaises. En bordure de ces zones classées, les navires étrangers et notamment britanniques viennent pêcher librement.

« Non seulement ils augmentent la pression sur les populations de coquilles, mais ils font une concurrence déloyale aux pêcheurs français », s’agace Dimitri Rogoff, du CRPMEM. La France consommant une grande quantité de coquilles, elle doit en importer. Difficile, alors, pour les « coquillards » de voir sur les étals des poissonniers des saint-jacques de la baie de Seine, fruits de leurs efforts de restriction dans les eaux françaises, battre pavillon anglais.

------

Une pêche française importante mais artisanale

La pêche française de coquilles Saint-Jacques avoisine les 150 000 tonnes, essentiellement dans les deux principaux gisements : la baie de Seine et celle de Saint-Brieuc. La Normandie est la première région française avec 60 % des captures du pays.

Bien qu’importante, cette pêche demeure artisanale et pèse peu face aux plus gros producteurs mondiaux, qui s’appuient surtout sur l’aquaculture. La Chine et le Japon élèvent ainsi au total près de 2 millions de tonnes de coquilles par an.

La saint-jacques est le coquillage le plus important en valeur pour la pêche française.